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Après la grande peur de la pénurie il y a douze mois, un record d’exportations d’électricité pour finir 2023


En l’espace d’un an, la France est passée de la grande peur des coupures de courant et de la nécessité d’importer de l’électricité à… un niveau sans précédent d’exportations. Un record a été battu le 22 décembre. Le potentiel hydroélectrique est revenu à son optimum profitant d’un automne 2023 pluvieux. La réparation des réacteurs nucléaires affectés par la corrosion sous contrainte s’est faite dans les temps, et même parfois en avance. Et dans le même temps, la consommation n’est pas repartie. Le record est anecdotique, mais les Cassandre de 2022 ont fini par se taire.

Les années se suivent et ne se ressemblent pas vraiment dans le domaine de l’énergie et plus particulièrement celui de l’électricité. L’an dernier, la France se trouvait pour la première fois en 42 ans être devenu un importateur net sur les marchés européens de l’électricité. Et la grande crainte était alors celle de la pénurie d’électricité et des coupures de courant en cas d’un hiver rigoureux et de l’incapacité de nos voisins de produire suffisamment, faute notamment de gaz russe.

Corrosion sous contrainte et sécheresse en 2022, pas en 2023

Pour en revenir à la France, nos difficultés ne venaient pas de l’effondrement des exportations russes liées à l’invasion de l’Ukraine, mais aux problèmes techniques de nos réacteurs nucléaires. Et avant tout à la détection d’un défaut de conception sur les circuits d’injection de sécurité des centrales nucléaires les plus récentes, la fameuse corrosion sous contrainte, couplée à une sécheresse faisant fortement baisser la production hydroélectrique.

Le séisme médiatique et politique qui s’en était suivi avait dépassé toute forme de raison d’autant plus qu’au moment où la France devait importer de l’électricité, les prix du marché européen s’étaient envolés, faute notamment cette fois de gaz russe. Chacun y était allé alors de sa solution miracle et de sa recherche de responsables. Pour beaucoup, c’était simple, il fallait tout simplement sortir du marché européen de l’électricité.

Les mois ont passé. Le potentiel hydroélectrique est revenu à son optimum profitant d’un automne 2023 exceptionnellement pluvieux. La réparation des centrales affectées par la corrosion sous contrainte s’est faite dans les temps, et même parfois en avance.

La consommation est restée faible

Et en face, la consommation est restée faible. Les gestes de sobriété réclamés pour passer l’hiver dernier ont perduré et surtout l’activité industrielle grande consommatrice d’électricité a reflué durablement. Beaucoup, particuliers comme entreprises, se sont rendu compte que leur utilisation de l’énergie était jusqu’alors loin d’être optimale. La plupart des entreprises et collectivités ont engagé des investissements afin d’augmenter leur efficacité énergétique (par exemple en isolant les bâtiments, en passant de l’éclairage public aux LEDs, etc…).

Résultat, tandis que la production retrouvait de la vigueur, la consommation elle – bien aidée par des prix restant élevés et des températures favorables – restait basse. La conséquence est logique : la balance commerciale du pays s’est redressée de façon spectaculaire sur l’électricité. Jusqu’à atteindre un excédent net de 44,8 TWh sur 11 mois (chiffre arrêté au 30 novembre).

Cet excédent, déjà supérieur à de nombreuses d’années, représente ainsi l’équivalent de la consommation annuelle de 20 millions de voitures électriques. Des marges importantes en vue de l’électrification des transports terrestres en cours et à venir.

Le record du 22 décembre

Mais c’est au mois de décembre que le plus remarquable a eu lieu. Le vendredi 22 décembre, à la veille des vacances de noël, une conjoncture très favorable avec un climat très doux, une forte production éolienne et une disponibilité nucléaire correcte a permis un excédent de production record. Et dans la foulée, un record d’exportation instantanée vers les pays voisins.

Aux alentours de 16h30, c’est 18.680 MW qui étaient injectés sur les réseaux des autres pays européens. Soit plus que la production cumulée de la Suisse et de la Belgique. Effaçant très largement le précédent record, qui remontait à février 2019, et s’élevait à 17.415 MW.

Ce record n’en reste pas moins anecdotique. Mais après des mois extrêmement compliqués pour EDF et la défiance à la fois des pays voisins et des marchés vis-à-vis de l’opérateur historique, il est bon à prendre.

On ne parle plus seulement de l’énergéticien public français pour ses déboires, ses retards, ses dépassements de budget, mais pour le retour de son statut de premier exportateur européen. De bon augure pour retrouver la confiance des marchés avant de s’attaquer à la relance du programme nucléaire. Et il faudra réitérer ce genre de performances de plus en plus fréquemment.

Philippe Thomazo

La rédaction