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Finalement, l’Allemagne pourrait ne pas mettre à l’arrêt ses trois derniers réacteurs nucléaires


C’est une révision déchirante de sa stratégie énergétique que se livre aujourd’hui l’Allemagne. Un à un les éléments de sa révolution énergétique, la fameuse Energiewende, sont remis en cause. Le modèle de la production électrique massivement renouvelable dépendant des centrales au charbon et au gaz quand le vent et le soleil viennent à manquer. Et même l’arrêt des derniers réacteurs nucléaires en activité. Tant la menace cet hiver d’une pénurie de gaz et d’électricité grandit.

Ne jamais dire jamais. L’abandon total de l’énergie nucléaire, décidé en 2011 après l’accident de Fukushima, par Angela Merkel, était une des pierres angulaires de la politique énergétique allemande. La Chancelière l’avait fait d’autant plus volontiers que l’opinion publique allemande a toujours été hostile au nucléaire. Tout d’abord, parce qu’elle fait l’amalgame entre armes nucléaires et énergie nucléaire et a toujours craint, en cas de conflit en Europe à l’époque de la guerre froide, d’être la première victime de frappes atomiques soviétiques. Ensuite, le mouvement écologiste viscéralement anti-nucléaire est né en Allemagne, financé alors notamment par le bloc soviétique. Comme le dénonçait en 1983 François Mitterrand devant le Bundestag: «les pacifistes sont à l’Ouest et les missiles nucléaires à l’Est».

Admettre l’échec de l’Energiewende

Ceci dit, la grande stratégie énergétique allemande, l’Energiewende tant vantée, est un échec cuisant, bien avant déjà l’invasion de l’Ukraine par la Russie et l’utilisation du gaz russe, dont l’Europe et plus particulièrement l’Allemagne sont dépendants, comme une arme politique. Car investir massivement dans les renouvelables intermittents et abandonner dans le même temps le nucléaire revient à dépendre quand il n’y a pas de vent et de soleil, de centrales thermiques au charbon et au gaz. Cela revient à presque doubler les équipements de production électrique, ce qui a un coût très élevé, et en plus à ne pas parvenir à atteindre les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre… Et cela en dépit de 550 milliards d’euros d’investissements dans les renouvelables, éolien et solaire.

La réalité a fini par s’imposer à l’idéologie. Son modèle que l’Allemagne avait réussi à faire endosser par la Commission européenne et qui était même l’exemple mis en avant par de nombreux mouvements écologistes est mort. Et cela même si certains proposent d’accélérer l’installation de renouvelables intermittents pour se passer des centrales à gaz, montrant qu’ils n’ont rien compris.

Des risques sérieux de pénurie de gaz et d’électricité cet hiver

En tout cas, il revient aujourd’hui à un gouvernement allemand mené par le SPD et comptant dans sa coalition les Verts de reconnaître l’échec de l’Energiewende. Difficile. Ainsi, le Chancelier Olaf Scholz a ouvert mercredi 3 août la voie à une prolongation de la durée d’exploitation des trois derniers réacteurs nucléaires en activité en Allemagne. Situés en Bavière, Basse-Saxe et Bade-Wurtemberg- ils fournissent 6% de la production d’électricité du pays.

Les dernière centrales nucléaires «ne sont pertinentes que pour la production d’électricité et seulement pour une petite partie de celle-ci» mais «cela peut quand même avoir du sens» de ne pas les couper du réseau comme prévu, a expliqué le chancelier allemand. La question divise la coalition gouvernementale, les Verts sont sceptiques sur l’utilité de prolonger la vie des réacteurs, et les libéraux du FDP y sont très favorables.

La crainte, notamment en cas d’un hiver rigoureux, est d’avoir en Europe à la fois des pénuries de gaz, faute de livraisons russes, et des pénuries d’électricité, car les centrales à gaz ne seront pas alimentées pour compenser l’intermittence des éoliennes et des panneaux solaires et que l’autre roue de secours du système électrique européen, le parc nucléaire français, est confronté à des problèmes majeurs de maintenance. Et le gouvernement français doit très certainement se mordre les doigts d’avoir fermé définitivement pour des raisons uniquement de stratégie politicienne les deux réacteurs en excellent état de la centrale de Fessenheim…

Une décision dans les prochaines semaines

Ce qui était prévu en Allemagne était une sortie définitive de l’énergie nucléaire en fermant les trois derniers réacteurs en service avant la fin de cette année. Berlin doit maintenant décider de la prolongation de la vie de ses réacteurs dans les prochaines semaines en s’appuyant sur une expertise en cours. Une fois les résultats de ce «test de résistance» connus, «nous tirerons ensuite nos conclusions», a déclaré le chancelier en visite à Mülheim an der Ruhr (ouest). Olaf Scholz s’est rendu sur le site de l’industriel Siemens Energy, où une turbine à gaz, récemment réparée au Canada, est destinée à équiper le gazoduc Nord Stream 1 reliant la Russie à l’Allemagne. Mais elle reste actuellement bloquée en Allemagne.

Le Chancelier a accusé la Russie d’être responsable du blocage de la livraison de cette turbine sans laquelle le gazoduc ne peut pas, selon Moscou, fonctionner normalement. Il ne fournit depuis mi-juillet que 20% de sa capacité en gaz. L’opérateur russe Gazprom a lui accusé à plusieurs reprises Siemens Energy de ne pas avoir envoyé les documents nécessaires… «Cette situation tendue et absurde a été provoquée par les restrictions et les sanctions occidentales», a dénoncé le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.

 

La rédaction