Nous allons assister à nouveau dans les prochaines semaines et dans la précipitation à un énième remaniement du dispositif d’aides à la rénovation énergétique MaPrimeRénov’. Notamment parce que l’Etat vient de s’apercevoir qu’il n’a plus les moyens de le gérer et sans doute de le financer. Le tour de passe-passe budgétaire du début de l’année qui visait à le financer en partie en ponctionnant la trésorerie de l’Anah (Agence nationale de l’habitat) pour compenser la diminution des crédits… n’a pas mené bien loin. Dès février, les experts alertaient sur le fait que l’enveloppe budgétaire prévue pour 2025 (2,3 milliards d’euros) était largement insuffisante.
Résultat, le gouvernement a décidé de suspendre le dispositif et a promis « de le rétablir avant la fin de l’année ». « Il y a à la fois un encombrement en ce moment et un excès des fraudes (…) sur lequel nous voulons reprendre la main, d’où la suspension », a affirmé mercredi 4 juin devant le Sénat le ministre de l’Economie Eric Lombard. « Mais naturellement, une fois que cela sera réglé, le processus pourra continuer », a-t-il ajouté. Le nombre de logements rénovés avec des subventions de MaPrimeRénov’ a triplé au premier trimestre par rapport à la même période de 2024 quand le dispositif était alors, une fois encore, en pleine refonte. Le gouvernement entend faire la chasse aux dossiers « suspicieux » au nombre de « 16.000 », soit « 12% du stock », selon Eric Lombard, ce qui représenterait pas moins de 500 millions d’euros.
Problème budgétaire ?
Cela signifie selon Valérie Létard, la ministre du Logement, « la fermeture temporaire cet été des dépôts des dossiers pour la rénovation globale individuelle et pour les travaux individuels d’isolation ou de changement de système de chauffage ». Ceux déjà présentés, s’ils sont « non frauduleux », seront « instruits »et donneront lieu à paiement « dans les meilleurs délais ». Si les caisses de l’Etat ne sont pas vides. Eric Lombard a bien affirmé « qu’il ne s’agit pas de faire une économie en cachette comme ça, en bloquant le système » ajoutant « il n’y a pas de sujet budgétaire. On a prévu au budget 3,6 milliards [avec l’apport de la trésorerie de l’ANAH] et on a dépensé pour le moment 1,3 milliard ». Mais on peut douter de ses propos. Car sept collectivités territoriales du Grand Est ont écrit au ministère pour alerter sur l’épuisement de leur enveloppe budgétaire MaPrimeRénov’. Le département de l’Ardèche fait face à la même pénurie de fonds, tout comme la métropole de Lyon et de nombreux autres territoires qui distribuent les aides aux ménages modestes pour la rénovation de leurs logements. Sur le principe, c’est désolant. Mais compte tenu de l’inefficacité récurrente du dispositif, ce n’est pas forcément une mauvaise chose. D’autant plus que le gouvernement doit faire 40 milliards d’euros d’économies dans son budget 2026.
Evidemment, le collectif Rénovons, qui regroupe des associations du secteur du logement et des fédérations de professionnels de la rénovation, a dénoncé le « non-sens total » de la décision gouvernementale. La suspension de MaPrimRénov’ va briser « l’élan des ménages engagés dans un parcours de rénovation énergétique qui espèrent pouvoir améliorer leur confort et réduire leurs factures d’énergie ».
Un cas d’école de ce qu’il ne faut pas faire
Il est vrai que l’enjeu n’est pas mince. Le secteur du bâtiment représente pas moins de 44% de la consommation finale d’énergie du pays et 17% des émissions de gaz à effet de serre dont les deux-tiers pour le résidentiel. L’objectif annoncé est d’atteindre d’ici 2050 la neutralité carbone pour l’ensemble du parc immobilier français…
Mais avec la façon dont est menée en France depuis des années la rénovation énergétique des bâtiments, il n’y a aucune chance qu’il soit atteint. On peut même dire qu’il s’agit d’un cas d’école de tout ce qu’il ne faut pas faire. Les dispositifs clés sur lesquels elle s’appuie, MaPrimRénov’ donc et le fameux DPE (Diagnostic de performance énergétique), sont dysfonctionnels et sans cesse corrigés et réformés depuis des années sans pour autant améliorer les choses. Ils sont inefficaces, complexes, coûteux, ont engendré une multiplication des arnaques et sont mal évalués et mal contrôlés. Et pour couronner le tout, les remboursements prennent parfois des mois. Tout le monde le sait depuis des années, mais l’argent continue à être dilapidé par milliards. Les errements du dispositif MaPrimeRenov’ sont dénoncés en fait depuis son instauration en 2020 que ce soit par les associations de consommateurs ou la Cour des comptes.
DPE et RGE, à revoir de fond en comble
Pour ce qui est du DPE, il s’agit d’un véritable scandale d’Etat. Son mode de calcul est particulièrement problématique depuis sa création… en 2006. Il n’a jamais permis d’évaluer correctement la consommation d’énergie d’un logement et donc l’impact réel des travaux de rénovation et d’isolation. Des milliards d’euros d’argent public et privé sont gaspillés tous les ans par la faute d’un dispositif qui n’est pas fiable et qui a donné lieu à une institutionnalisation des fraudes et des magouilles en tout genres. Enfin, il a largement contribué à déstabiliser le marché de l’immobilier et à une chute vertigineuse, notamment dans les grandes villes, du nombre de biens en location.
Pour finir, il faut aussi s’attarder sur le trop fameux label RGE, pour « Reconnu garant de l’environnement ». Apparu en 2011, il est censée réguler le métier des professionnels du bâtiment. Il a en fait institutionnalisé la course aux aides, primes, subventions, au détriment souvent de la recherche des vraies économies d’énergies et des travaux efficaces dans le temps. Ce sont les artisans labellisés qui remplissent les dossiers pour leurs clients et en ont fait un argument principal de vente…