Transitions & Energies

MaPrimRenov’, dysfonctionnements en série


Après la Cour des Comptes, la Défenseure des droits dénonce les ratés, le mot est faible, du dispositif d’aides publiques à la rénovation énergétique des logements baptisé MaPrimRénov’. Argent non versé, adresses impossibles à modifier, délais interminables pour les réponses, difficultés extrêmes pour modifier des éléments d’un dossier déjà déposé, impuissance ressentie au téléphone avec les conseillers… L’Agence nationale de l’habitat (Anah) et le gouvernement sont, sans surprise, dans le déni.

Il y a une malédiction depuis des années sur l’action gouvernementale en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments et notamment des logements. Une série ininterrompue depuis de nombreuses années d’échecs, de dysfonctionnements, de réformes inachevées, d’effets d’annonce… Une tâche que notre tentaculaire bureaucratie est incapable de faire rentrer dans les cases qu’elle a elle-même prédéfinies. Elle a beau changer et multiplier les procédures, les financements et les processus, leur donner des noms ridicules du type MaPrimRénov’, rien n’y fait. Ils sont toujours plus complexes et abscons. L’administration française n’arrive pas à mettre la réalité en conformité avec ses normes, ses codes, ses règlements…

Après les errements de la DPE, ceux de MaPrimRénov’

Ainsi, une enquête d’UFC-Que Choisir rendue publique le mois dernier, montre une nouvelle fois les errements des diagnostics de performance énergétique (DPE) des logements. La DPE permet de classer les logements en fonction de leur consommation d’énergie et est la base du dispositif. Ce n’est pas mieux avec MaPrimRénov’, le sommet du dispositif, le dispositif public d’aide à la rénovation énergétique. Il a été mis en place en 2020 en pleine pandémie et est piloté par une énième agence gouvernementale, l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Les démarches pour obtenir les aides sont émaillées de «graves dysfonctionnements techniques récurrents», dénonce Claire Hédon, la Défenseure des droits, dans un texte publié le 17 octobre. Elle a reçu des centaines de réclamations. Argent non versé, adresses impossibles à modifier, délais interminables pour les réponses, difficultés extrêmes pour modifier des éléments d’un dossier déjà déposé, impuissance ressentie au téléphone avec les conseillers…

Le problème majeur vient du portail informatique où les usagers doivent impérativement créer un compte pour faire leurs démarches. D’abord, l’obligation de passer par internet crée une «rupture d’égalité devant le service public», alerte l’autorité indépendante. Mais même pour des usagers à l’aise avec l’informatique, le site présente des dysfonctionnements récurrents. Avec parfois des conséquences dans le versement de l’aide, qui peuvent plonger dans la précarité les demandeurs.

La Défenseure des droits pointe les «délais de traitement extrêmement longs». Certains ménages qui ne parvenaient pas à se créer un compte et n’ont pu constituer leur dossier avant d’engager leurs travaux ont également vu leur demande refusée au motif… qu’elle avait été faite trop tard. «Refuser la prime à ces demandeurs revient à ce que l’Anah les sanctionne pour ses propres carences», estime la Défenseure des droits qui demande la mise en place d’un canal ne passant pas par le portail en ligne.

L’administration et le gouvernement dans le déni

Le gouvernement et l’Anah sont dans le déni. Et pourtant déjà l’an dernier la Cour des Comptes s’interrogeait sur l’efficacité énergétique très douteuse du dispositif dont l’objectif annoncé était de rénover 80.000 passoires thermiques… «Aucun gain de consommation énergétique minimal n’est requis» pour bénéficier de MaPrimeRénov’ soulignaient les magistrats. Mais l’administration ne veut pas entendre parler d’efficacité des politiques publiques et de l’argent public englouti. L’Anah affirme qu’une «immense majorité des dossiers se déroule sans encombre» et que son dispositif a rencontré «un fort succès» avec plus d’1,25 million de bénéficiaires. Le ministre délégué au Logement Olivier Klein jugee «très marginal» le nombre de dossiers en souffrance et «MaPrimRénov’ représente un grand progrès pour les citoyens». Il ajoute «qu’en 2021, les 2,1 milliards d’euros de budget de MaPrimRénov’ ont bénéficié à 80% à des ménages modestes et très modestes».

Le problème, c’est que les professionnels jugent aussi le dispositif  trop complexe et trop lent. A tel point que bon nombre de personnes abandonnent après avoir ouvert un dossier. Pour espérer avoir la prime, il faut envoyer son dossier avant de commencer les travaux, mais la réponse peut mettre des semaines et parfois des mois à arriver, surtout pendant les périodes de vacances. Et pendant ce temps-là, les prix subissent l’inflation…

L’Assemblée nationale a même adopté la semaine dernière un amendement au budget 2023 contre l’avis du gouvernement pour «corriger les ratés» du dispositif MaPrimeRenov’. Ce texte demande au gouvernement de «revoir le dispositif MaPrimeRenov», pour qu’il finance davantage des rénovations globales plutôt que de petits travaux. L’amendement prévoit la création d’un crédit d’impôt.

Dans son projet de budget 2023, le gouvernement a prévu de porter à 2,5 milliards d’euros l’enveloppe consacrée à ce dispositif. Le secteur du bâtiment (résidentiel et non résidentiel) représente pas moins de 44% de la consommation finale d’énergie et 27% des émissions de gaz à effet de serre du pays.

 

La rédaction