Transitions & Energies

Les grandes manœuvres se multiplient dans l’industrie minière


Depuis le début de l’année, les grands groupes miniers ont annoncé plus de 65 milliards de dollars d’opérations de fusions et acquisitions. Une illustration de la course pour mettre la main sur les ressources en métaux et minerais stratégiques indispensables à la transition énergétique. Car il est souvent plus facile et moins coûteux d’acheter une mine et la société qui l’exploite que d’en construire une. Mais le problème du manque de capacités reste entier.

Les grands groupes miniers multiplient les opérations de fusions et acquisitions pour faire face à l’envolée de la demande de métaux et minerais stratégiques indispensables à la construction des équipements et infrastructures de la transition énergétique et à la poursuite du développement des véhicules électriques. Depuis le début de l’année, les groupes miniers ont ainsi annoncé plus de 65 milliards de dollars de transactions.

Ce chiffre représente près du double des 36 milliards de dollars annoncés au cours de la même période de 2022, et le montant le plus élevé en cette période de l’année depuis 2012, lorsque la croissance effrénée de la Chine avait provoqué une ruée vers les matières premières. Cette flambée des transactions dans l’industrie minière contraste avec l’accalmie dans le monde des opérations de fusions et acquisitions.

Plus facile d’acheter une mine que d’en construire une

Les groupes miniers cherchent à développer et vite leurs capacités de production de métaux comme le cuivre, le nickel et le lithium. «Les gouvernements tentent d’atteindre les objectifs d’électrification, mais il n’y a tout simplement pas assez de cuivre», explique Peter Kukielski, directeur général de Hudbay Minerals au Wall Street Journal. Il ajoute qu’il s’attend à une poursuite de l’augmentation des transactions entre sociétés minières parce qu’il est plus facile d’acheter une mine de cuivre que d’en construire une.

Hudbay a annoncé au début du mois l’achat de Copper Mountain Mining dans le cadre d’une transaction en actions de 439 millions de dollars. «Le cuivre est un élément absolument essentiel de l’économie verte… et il y a un écart très important entre la demande de cuivre et le nombre de projets miniers viables mis en service», souligne M. Kukielski.

La demande de cuivre, indispensable aux véhicules électriques et à leurs batteries, aux parcs éoliens et solaires, aux réseaux électriques, est amenée à s’envoler. Cela explique pourquoi les plus importantes opérations de fusions et acquisitions annoncées concernent ce métal.

Le cuivre tient la vedette

BHP Group, le premier groupe minier mondial par la capitalisation boursière, prévoit que la demande de cuivre dans le monde sera deux fois plus importante au cours des 30 prochaines années qu’au cours des trois dernières décennies. Et c’est une industrie qui a du mal à remplacer les mines vieillissantes en raison à la fois d’une pénurie de découvertes de nouveaux gisements et des difficultés grandissantes sur tous les continents pour obtenir des permis miniers d’exploration et d’exploitation. BHP devrait conclure le mois prochain la prise de contrôle pour plus de 6 milliards de dollars de la société minière australienne de cuivre OZ Minerals Ltd., sa plus grande acquisition en plus d’une décennie.

Elle n’est rien par rapport à d’autres opérations financières en cours. Comme l’offre de plus de 19 milliards de dollars de Newmont Corp. pour acheter la société australienne Newcrest Mining. Cela augmenterait de près de 50 milliards de livres les réserves du géant basé dans le Colorado. Le cours de la livre de cuivre se situe aujourd’hui autour de 4 dollars.

L’accès à des réserves de cuivre est toujours à l’origine de la proposition de fusion pour 23 milliards de dollars de Glencore PLC avec Teck Resources.

L’impact de l’IRA (Inflation Reduction Act)

Les opérations se multiplient aussi dans le lithium et le nickel. La société américaine de lithium Albemarle a fait en mars dernier une offre de plus de 3 milliards de dollars pour l’australien Liontown Resources, sa troisième approche octobre 2022. Liontown est un des fournisseurs en lithium de LG Energy Solution et des constructeurs automobile Tesla et Ford.

Les sociétés minières cherchent à rapidement augmenter leurs capacités de production encouragées par les politiques gouvernementales de transition énergétique comme la loi américains IRA (Inflation Reduction Act), adoptée à l’été 2022 et qui comprend près de 500 milliards de dollars d’investissements et de subventions. Elles ne peuvent que stimuler la demande de métaux et minerais dits stratégiques tout comme d’ailleurs la volonté des pays occidentaux de réduire leur dépendance vis-à-vis de la Chine, notamment pour leur approvisionnement en métaux raffinés.

Pendant des années, la plupart des grands groupes miniers nord-américains et Australiens ont eu pour stratégie de développer leur production de minerai de fer et de charbon dopés par la demande en augmentation permanente de l’économie chinoise. Ce n’est plus le cas, même si le minerai de fer et le charbon représentent encore l’essentiel des profits de ses groupes. Mais la croissance aujourd’hui et plus encore dans les prochaines années est celle des métaux et minéraux indispensables à la transition énergétique, la décarbonisation et l’électrification des usages.

Dans ce contexte, la forte augmentation des coûts d’exploration et de mise en exploitation de nouvelles mines et les obstacles politiques et sociaux incitent les grands groupes miniers à privilégier les acquisitions pour augmenter leurs réserves. Une frénésie qui ne devrait pas diminuer dans les prochains mois et mêmes les prochaines années.

Des acquisitions, pas de nouvelles capacités

Pour autant et en dépit de la multiplication des transactions annoncées, les offres récentes, qui pour la plupart sont uniquement en actions, se font à des valorisations bien moins élevées prudentes que lors du boom des matières premières mené par la demande chinoise il y a plus de dix ans. Il y a toujours des doutes sur l’économie mondiale et sur la réalité des prévisions d’envolée de la demande pour les véhicules électriques à batteries et les équipements renouvelables. Les cours des matières premières sont aussi et souvent victimes de mouvements spéculatifs.

Il faut enfin souligner qu’avec les opérations financières annoncées, l’offre de métaux n’augmentera pas. Il ne s’agit pas d’injecter des capitaux dans de nouvelles capacités de production et de nouvelles mines, ce dont le monde a besoin, mais de permettre à certains groupes d’avoir des parts de marché plus importantes et de peser sur les cours.

La rédaction