Transitions & Energies
Eoliennes dégradées

Eolien, quand l’Etat s’emmêle les pinceaux


Un «vice de conformité» a fait totalement échouer un appel d’offres par l’Etat d’achat d’électricité éolienne terrestre. Sans surprises, les producteurs éoliens, la CRE (Commission de régulation de l’électricité) et le gouvernement se rejettent la responsabilité.

En matière d’énergie, l’Etat français est d’une redoutable inefficacité. La liste de ses errements semble presque interminable. De la fermeture injustifiée de la centrale nucléaire de Fessenheim à l’abandon des programmes de réacteurs de quatrième génération en passant par la création d’un dispositif absurde et coûteux de concurrence artificielle dans l’électricité, par des programmes publics de rénovation énergétique des bâtiments coûteux et inefficaces, par l’abandon de la filière industrielle photovoltaïque, par une politique automobile totalement incohérente, par la multiplication d’études et de rapports bâclés des multiples agences gouvernementales impliquées dans l’énergie, sans oublier dans le passé des contrats d’achat d’électricité solaire à des prix astronomiques, l’affaiblissement continu et irresponsable d’EDF en passant par l’oubli inexplicable de l’hydroélectrique, ou l’incapacité à anticiper les besoins d’électricité du pays et à se doter des moyens de production pour y faire face…

Un «loupé historique»

Cette fois, l’éolien terrestre, qui jusqu’à aujourd’hui avait bénéficié d’un soutien public fort et d’un lobbying particulièrement efficace, en est victime. A cause d’un simple vice de forme, le dernier appel d’offres sur l’éolien terrestre lancé par l’Etat a tourné au désastre et cela seulement quelques jours après l’adoption de la loi relative à l’accélération des énergies renouvelable. Même la Commission de régulation de l’énergie (CRE), l’autorité administrative responsable de l’examen des dossiers, parle de «loupé historique». Et elle en porte une partie de la responsabilité…

Résultat, sur 925 mégawatts (MW) de capacités théoriques appelés seulement 54 MW ont été retenus. Cela reporte dans les faits de plusieurs mois le raccordement des capacités en question, lesquelles auraient dû entrer en service à l’hiver 2024. Tout cela pour une question de procédure. Le cahier des charges des appels d’offres a été modifié il y a quelques mois afin de renforcer les garanties financières que doivent apporter les opérateurs de champs éoliens. Il s’agissait d’assurer qu’un producteur ne puisse pas, avec un projet qui prend beaucoup de retard ce qui est souvent le cas, mettre fin rapidement au contrat le liant à l’Etat et aller vendre son électricité bien plus chère ailleurs. Pour illustrer cela, le mégawattheure (MWh) vendu à terme pour fin 2024 s’échange aujourd’hui à plus de 200 euros et le tarif retenu en moyenne pour l’appel d’offres était de 76 euros le MWh.

Un problème de pédagogie…

Et la quasi-totalité des producteurs éoliens qui ont concouru à l’appel d’offres n’ont tout simplement pas intégré la nouvelle condition, par négligence ou par calcul, provoquant le rejet automatique de leurs offres. Mais certains ont tout de même été capables de le faire…

«Les vices de conformité concernent principalement les modèles de garanties financières proposées par les candidats, qui semblent avoir fait l’objet d’une interprétation erronée par certains candidats à la suite d’une modification introduite dans le cahier des charges applicable à la présente période», écrit la CRE. A en croire les producteurs éoliens et le syndicat France Énergie Eolienne, la faute en revient à la CRE, incapable selon ses détracteurs de faire un travail suffisant de pédagogie, et à la Direction générale de l’Énergie et du Climat (DGEC). Mais les producteurs éoliens ne voulant pas accabler la CRE, qui reste leur interlocuteur, ils dénoncent son manque de moyens. Elle n’a organisé qu’un seul atelier de 2 heures… ouvert à ceux qui le souhaitaient, afin d’expliquer les modifications du cahier des charges. Un atelier qui n’a pas remporté un grand succès.

La CRE a demandé à l’administration de lancer au plus vite un nouvel appel d’offres «de rattrapage». Le gouvernement estime pouvoir avoir «de nouveaux lauréats début juin» tout en rappelant que le temps d’instruction «dépend de la CRE».

La rédaction