Transitions & Energies
Turbine Arabelle

Comment le gouvernement espère maintenant accélérer la relance du nucléaire


La France est malade de sa suradministration qui n’est pas pour rien dans son inefficacité industrielle. Le gouvernement en a conscience et entend, pour accélérer la relance d’un programme indispensable de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, simplifier les procédures administratives. Il va présenter à l’Assemblée au début de l’année prochaine un projet de loi pour cela. Une initiative utile mais qui ne permettra pas de rattraper les années perdues par Emmanuel Macron et ses prédécesseurs à tergiverser et retarder des prises de décisions permettant de garantir la sécurité d’approvisionnement électrique du pays.

Après avoir longtemps tergiversé et retardé la prise de décisions indispensables pour renouveler, au moins en partie, le parc nucléaire, le Président Emmanuel Macron a soudain décidé au début de l’année de relancer un programme de construction de réacteurs. Bien trop tard pour éviter au pays d’être tous les hivers dans les prochaines années sous la menace d’une pénurie d’électricité. Les années perdues par le Président actuel et ses prédécesseurs se rattrapent difficilement. Après avoir été incapable d’anticiper les besoins de production électrique et avoir même fermé les deux réacteurs de Fessenheim, le gouvernement cherche donc dans l’urgence à accélérer la relance du nucléaire.

Simplifier les procédures administratives

Pour cela, il va présenter au début de l’année prochaine à l’Assemblée un projet de loi baptisé «Projet EPR2» visant à simplifier les procédures administratives après avoir concocté un texte similaire sur les renouvelables. Le Projet EPR2 a été présenté cette semaine en conseil des ministres. Le gouvernement espère gagner au moins deux années sur la construction des six nouveaux EPR annoncée par Emmanuel Macron en février et peut-être huit de plus si la France en a les moyens techniques et financiers et la volonté politique.

Une délégation interministérielle a par ailleurs été créée pour éviter de reproduire les errements de la construction de l’EPR de Flamanville, dont le chantier accumule malfaçons, surcoûts et un retard… d’une décennie. Une vision totalement administrative de la réalité, comme si la capacité des équipes d’EDF a conduire un tel chantier se jouait dans les ministères…

Démarrer les travaux de terrassement avant l’autorisation formelle

Le calendrier établi aujourd’hui est le suivant. La première paire de réacteurs EPR2 sera construite à Penly (Seine-Maritime) et sa première pierre devrait être posée avant la fin du mandat d’Emmanuel Macron pour une mise en service souhaitée en 2035. Les deux autres paires se trouveront à Gravelines (Nord) et probablement dans la vallée du Rhône, à Bugey ou Tricastin, et devraient être respectivement fonctionnelles en 2038 et 2042.

Huit EPR2 supplémentaires pourraient ensuite sortir de terre et des travaux préliminaires sont actuellement menés afin d’étudier les lieux potentiels pour les installer offrant sécurité géologique et accès à des sources d’eau pour le refroidissement.

L’exécutif espère qu’EDF pourra démarrer une partie des travaux sans même attendre la délivrance de l’autorisation, dès lors que le volet environnemental est validé. Il s’agirait de travaux préliminaires comme le terrassement préalable aux immeubles de bureaux qui entoureront les futurs réacteurs.

C’est pour cela que les nouveaux réacteurs seront placés sur des sites hébergeant déjà des réacteurs comme l’expliquait le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique il y a quelques semaines. Ils seront faciles à brancher et surtout le terrain est disponible, car EDF avait prévu des réserves foncières autour de certaines centrales dans les années 1970.

Le Conseil national de la transition écologique veut exister

L’examen législatif du projet de loi devrait intervenir dans les premières semaines de 2023 pour une entrée en vigueur au cours du second semestre de l’année prochaine. Le gouvernement justifie son empressement, critiqué par le Conseil national de la transition écologique (CNTE), par des arguments géopolitique, climatique et économique. A savoir, redonner au pays une sécurité d’approvisionnement électrique qui s’est fortement dégradée depuis des années, se doter de capacités supplémentaires pilotables de production d’électricité bas carbone et permettre de mieux contrôler le prix de l’électricité.

Le CNTE qui cherche à exister et à installer une légitimité fragile souligne que le projet de loi «ne saurait préjuger des conclusions du débat public». Un débat public, constituant une obligation légale pour EDF, permettra aux Français de s’exprimer sur la construction des six EPR jusqu’au 27 février.

Une délégation interministérielle dédiée au nouveau nucléaire, encore un «machin»

Le texte se concentre sur les procédures administratives afin qu’elles soient «les plus efficaces possibles pour gagner du temps, vraisemblablement plusieurs années sur la réalisation des futurs EPR2», explique le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher.

Reste que si les chantiers des nouveaux EPR2 rencontrent les mêmes errements que celui de Flamanville, les simplifications administratives n’auront servi à rien. Le gouvernement en a conscience et vient donc de se doter d’un nouvel organe politico-administratif…

Le gouvernement s’est donc doté d’une délégation interministérielle dédiée au nouveau nucléaire. Elle sera dirigée par Joël Barre, ancien délégué général de l’armement, qui a «la maîtrise des très grands programmes et de la coordination entre un porteur de projet et ses sous-traitants», pointe le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Et cela même s’il n’a aucune compétence dans le nucléaire. Cette entité de 10 à 15 personnes aura un rôle de coordination de l’ensemble des administrations autour de ce programme pour «le faire avancer avec succès», explique-t-on encore. Elle sera placée sous l’autorité de la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne et travaillera en étroite collaboration avec le ministère de l’Economie et des Finances et celui de la Transition énergétique. Il n’est pas sûr que cela soit le meilleur moyen de permettre à EDF de recruter les ingénieurs et les techniciens de haut niveau dont l’entreprise a un besoin pressant.

La rédaction