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Emmanuel Macron s’apprête à annoncer un grand programme de relance nucléaire


Jeudi 10 février, depuis l’usine de Belfort qui fabrique les turbines à vapeur Arabelle équipant les réacteurs nucléaires, Emmanuel Macron devrait annoncer un plan massif de relance du nucléaire. Il pourrait s’étaler sur 30 ans et largement dépasser la construction de six nouveaux réacteurs EPR qui a été évoquée en novembre dernier. La conversion, en moins de six mois, du Président de la République à l’énergie nucléaire ne cesse d’étonner.

Le Président de la République fait preuve avec l’énergie nucléaire du zèle du nouveau converti. Après n’avoir cessé d’affaiblir cette source d’énergie à laquelle il semblait manifestement défavorable, il vient en quelques mois de changer du tout au tout. Et les annonces qu’il fera jeudi 10 février, sont annoncées comme spectaculaires, avec un plan de relance massif de la construction de nouveaux réacteurs pour remplacer une partie du parc actuel (56 réacteurs) vieillissant.

Une politique longtemps défavorable au nucléaire

Et Emmanuel Macron le fera depuis l’usine de Belfort qui fabrique les turbines à vapeur Arabelle qui équipent les centrales nucléaires. Elles sont redevenues françaises depuis quelques jours à peine. C’est pourtant le même Emmanuel Macron qui alors Secrétaire adjoint de l’Elysée s’était violemment opposé au ministre de l’économie de l’époque, Arnaud Montebourg, qui refusait de vendre les turbines d’Alstom à l’américain General Electric. Devenu ministre de l’Economie, Emmanuel Macron avait orchestré cette cession. Une opération désastreuse qui s’est soldée par des milliers de pertes d’emplois et non par un développement de l’activité… promis… En obtenant, le rachat il y a quelques jours par EDF des turbines de General Electric, le chef de l’Etat a ainsi effacé son erreur. Mais dans le domaine nucléaire, il en a commis d’autre.

C’est toujours le même Emmanuel Macron qui a fermé en 2020 les deux réacteurs parfaitement fonctionnels et sûrs de la centrale de Fessenheim pour des raisons de pur affichage politique. Des réacteurs qui seraient très utiles quand EDF, rattrapé par des problèmes de corrosion sur certains des réacteurs en service aujourd’hui et du fait du retard considérable de l’entrée en service du nouvel EPR de Flamanville, a des difficultés de production. Des décisions de construction de nouveaux réacteurs pour remplacer les anciens à terme auraient d’ailleurs dû être prises depuis plusieurs années. Mais le Président de la République ne voulait pas en entendre parler.

La crise de l’énergie a soudain permis de redécouvrir les atouts du nucléaire

Il ne voulait plus, non plus, des recherches menées en France sur les réacteurs de quatrième génération dits à neutrons rapides, le projet Astrid. Ces réacteurs ont pour principal avantage d’utiliser les déchets des autres réacteurs pour fabriquer de l’électricité et d’incinérer notamment les déchets les plus radioactifs. Ils permettent en quelque sorte de boucler le cycle du combustible. Voilà pourquoi ils sont détestés par les écologistes hostiles au nucléaire en supprimant l’essentiel du problème des déchets.

Cela a été fatal au réacteur expérimental Superphenix abandonné par Lionel Jospin en 1997 sous la pression de ses alliés écologistes et cela a été fatal à Astrid. Emmanuel Macron a tout simplement en catimini à l’été 2019 gelé le programme, financé par une loi et qu’il ne pouvait donc supprimer, jusqu’à la fin du siècle…

La recherche française a pourtant longtemps été en pointe sur cette technologie. Les premiers prototypes de réacteurs à neutrons rapides remontent aux années 1970, avec Rapsodie, puis Phénix et Superphénix. Astrid était le prolongement de cette filière.

Le même Emmanuel Macron a découvert il y a six mois, avec l’envolée des prix de l’énergie et de l’électricité, l’intérêt de l’électricité nucléaire. Elle est totalement décarbonée, abondante, stable et à des coûts maîtrisables. Elle devient ainsi un élément majeur de la transition énergétique en France. Voilà pourquoi il s’apprête à annoncer un programme d’investissement massif. Il devrait à la fois confirmer la construction de six nouveaux EPR et en annoncer d’autres.

Des besoins d’électricité grandissants

Il y a eu une prise de conscience au sein du gouvernement que construire six EPR d’ici 2045 et huit d’ici 2050, comme cela était prévu, ne permettrait en aucun cas de répondre à des besoins grandissants. Il faut à la fois remplacer en partie le parc vieillissant mais également disposer de plus d’électricité pour s’inscrire dans la logique de la transition énergétique qui consiste à électrifier les usages dans les transports, la chaleur et l’industrie. La construction de 10 nouveaux réacteurs permettrait de maintenir, en 2050, la part du nucléaire à seulement 37% de la production électrique à condition… que dans le même temps la durée de vie de tous les réacteurs existants soit prolongée. Dans un rapport remis en novembre dernier, la Cour des comptes chiffrait au minimum à 25 nouveaux réacteurs les besoins d’ici 2050…

Le chef de l’Etat devrait tracer jeudi une stratégie pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Elle consisterait à construire une paire de nouveaux réacteurs tous les trois ans à partir de 2035 pour atteindre au moins 14 nouveaux réacteurs EPR à l’horizon 2050. Et il faudrait aussi en parallèle être capable de prolonger de plusieurs décennies la durée de vie de la plupart des réacteurs existants. Reste que la capacité d’EDF à le faire est loin d’être prouvée comme le montre la succession de découvertes préoccupantes de corrosion sur plusieurs réacteurs en service.

La rédaction