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Quand Paris dénonce la dépendance allemande au charbon


Depuis des années, Berlin cherche à entraver à Bruxelles le développement de l’énergie nucléaire. L’Allemagne s’oppose ainsi avec ses pays alliés, et le soutien de fait de la bureaucratie de la Commission européenne, à la stratégie énergétique de la France et de la dizaine de nations européennes favorables à la relance du nucléaire. Une fois n’est pas coutume, Paris a décidé de répliquer sur le terrain de la communication et s’en prend ouvertement à la stratégie énergétique allemande. Le cabinet de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, dénonce le risque de «relance de l’énergie fossile» outre-Rhin et notamment des centrales à charbon au moment où l’Allemagne ferme définitivement ses trois derniers réacteurs nucléaires.

La politique énergétique européenne n’est qu’un mot qui recouvre des réalités nationales totalement différentes selon les pays de l’Union. Ainsi, l’opposition entre pays favorables et opposés à l’énergie nucléaire est brutale à Bruxelles depuis des années. Sans parler de ceux qui étaient partisans d’une interdiction totale de la vente de véhicules neufs à moteur à combustion interne d’ici 2035 et des pays qui en revanche voulaient retarder l’échéance grâce au recours aux carburants synthétiques.

Pour en revenir au nucléaire, Paris et Berlin se déchirent ouvertement ayant chacun dans leur sillage une dizaine de pays afin de favoriser ou d’entraver le développement du nucléaire via la qualification ou non de durable voire de vert de l’électricité décarbonée que les centrales produisent. Ce qualificatif obtenu ou pas change totalement les conditions de financement des investissements dans le nucléaire. La bataille aujourd’hui concerne notamment la production d’hydrogène vert ou bas carbone par électrolyse avec ou sans électricité nucléaire.

L’Allemagne ferme définitivement ses trois derniers réacteurs nucléaires

La Commission européenne, dirigée par Ursula van der Leyen, et sa bureaucratie ont fait leur choix depuis longtemps. Il est sans surprise celui de la position allemande et de ses principaux alliés notamment l’Autriche, le Luxembourg et la Belgique, mais la France qui a réuni autour d’elle dix pays pro-nucléaire ne lâche rien.

Illustration du climat délétère entre Paris et Berlin, la France a critiqué vertement jeudi 13 avril une éventuelle «relance de l’énergie fossile» et notamment du charbon en Allemagne, au moment où ce pays fait ses adieux définitifs au nucléaire en fermant définitivement ses trois derniers réacteurs nucléaires. «Il va de soi que la relance de l’énergie fossile pour compenser la sortie du nucléaire ne va pas dans le sens de l’action climatique que nous portons tous collectivement au niveau européen. En outre, cela émet des émissions notamment sulfurées qui ont un impact au niveau européen», a déclaré le cabinet de la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.

Le 15 avril, les trois derniers réacteurs nucléaires en activité en Allemagne, qui ont fourni 6% de l’électricité produite dans le pays en 2022, vont être définitivement éteints, 21 ans après la décision de Berlin d’abandonner définitivement le nucléaire. Il s’agit des réacteurs de Emsland (nord), Isar 2 (sud) et Neckarwestheim 2 (ouest).

Le charbon a assuré l’an dernier 33% de la production électrique allemande

«La sortie du nucléaire rend notre pays plus sûr car les risques de l’énergie nucléaire ne sont pas maîtrisables», a affirmé la ministre de l’Environnement Steffi Lemke ajoutant que la sécurité énergétique du pays est «assurée». En revanche, Jens Spahn, chef de file des conservateurs de la CDU au Parlement a déclaré que «c’est un jour noir pour la protection du climat».

En Allemagne, le charbon représente encore 33% de la production électrique du pays, et la baisse structurelle sur la dernière décennie a été en partie balayée avec une hausse de 8% l’an dernier pour compenser la baisse des livraisons de gaz russe après l’invasion de l’Ukraine. Une situation qui s’annonce encore difficile dans les prochaines années.

Mais le gouvernement allemand assure que l’augmentation de production électrique au charbon est temporaire et maintient son objectif de fermer toutes les centrales à charbon du pays d’ici 2038, dont un grand nombre d’ici 2030. Ce qui semble totalement irréaliste à bon nombre d’experts compte tenu du caractère intermittent et aléatoire de la production d’électricité via des énergies renouvelables, éoliennes et solaires, dans lesquelles l’Allemagne a investi des centaines de milliards d’euros depuis deux décennies, la fameuse «Energiewende», avec des résultats très décevants en matière de décarbonation.

Mais le gouvernement allemand continue à affirmer que l’éolien et le solaire pourront couvrir, dès 2030, 80% des besoins en électricité du pays. Pourtant, l’implantation de nouvelles éoliennes, notamment terrestres, se heurte à des oppositions locales farouches et le système électrique allemand ne pourra éviter de s’effondrer face à l’intermittence des renouvelables qu’en se dotant d’un grand nombre de nouvelles centrales électriques au gaz…

La rédaction