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La France et l’Allemagne font semblant de se réconcilier dans l’énergie


Paris approvisionnera Berlin en gaz et l’Allemagne fournira de l’électricité à la France. Mais cela n’efface pas la totale opposition des deux pays sur la politique énergétique européenne, sur les prix du gaz et de l’électricité, sur le nucléaire, sur les subventions aux industries…

Berlin et Paris ont annoncé à la fin de la semaine dernière un grand accord dans l’énergie permettant d’éviter les pénuries cet hiver. La France fournira du gaz provenant de ses réserves à l’Allemagne et cette dernière approvisionnera la France en électricité grâce à ces centrales à charbon et peut-être ses éoliennes s’il y a du vent. C’est rarement le cas quand les hivers sont rigoureux puisque cela signifie qu’un anticyclone s’est installé sur l’Europe. Quant au solaire, en Allemagne il est déjà très peu productif, encore plus quand les journées sont courtes.

La France livre déjà depuis la mi-octobre du gaz à l’Allemagne qui, à son tour, pourrait avancer à novembre au lieu de janvier l’augmentation de ses capacités d’échange d’électricité, ce qui permettra à la France d’en recevoir davantage.

Des politiques énergétiques totalement opposées

Olaf Scholz et Élisabeth Borne ont scellé vendredi 25 novembre cet accord. «Plus les temps sont difficiles, plus la coopération entre l’Allemagne et la France est importante», a fait valoir le chancelier allemand lors d’une conférence de presse commune avec la Première ministre française.

Au-delà de l’effet d’annonce, tout continu à opposer les politiques énergétiques des deux pays. L’Allemagne reste opposée à l’idée de plafonner les prix du gaz, son plan d’aide de de 200 milliards d’euros aux entreprises annoncé sans concertation face à l’envolée des prix de l’énergie fait craindre des distorsions de concurrence, elle reste attachée au marché européen de l’électricité et farouchement opposée au nucléaire.

Et cela en dépit de l’échec de sa stratégie, Energiewende, consistant depuis 15 ans à produire de l’électricité avec des éoliennes, des panneaux solaires et des centrales à gaz pour remplacer celles à charbon. La production éolienne et solaire est intermittente et aléatoire, les prix du gaz se sont envolés depuis la guerre en Ukraine et la sécurité d’approvisionnement n’est plus assurée pour de nombreuses années. Mais peu importe, Berlin ne veut pas changer de politique et plus gênant encore continue de fait à dicter la politique énergétique européenne. Ce qui est catastrophique.

Prix de l’électricité, du gaz, «Green new deal», fin des véhicules thermiques…

Les stratégies, les contraintes, les choix des pays de l’Union sont totalement différents et tenter d’harmoniser l’ensemble conduit à des impasses. La fixation à l’échelle de l’Europe d’un prix de gros de l’électricité, aligné en fait sur celui du gaz naturel, en est un magnifique exemple. Cela a été une erreur majeure. Mais la Commission refuse encore aujourd’hui de l’admettre.

De la même façon, le «Green new deal», cher à Ursula von der Leyen, la Président de ladite Commission présenté en fanfare il y a un an et demi peut être considéré aujourd’hui comme une absurdité. Il revenait à imposer à toute l’Europe la stratégie énergétique allemande, l’Energiewende. Elle a consisté à engloutir presque 600 milliards d’euros dans la production d’électricité renouvelable (éolienne et solaire) en abandonnant le nucléaire sans réussir, sans surprise, à vraiment faire baisser les émissions de gaz à effet de serre du pays.

En 20 ans, les énergies fossiles sont seulement passées de 82% à 76% de l’énergie primaire consommée en Allemagne. A tout cela deux raisons. La première erreur a consisté à faire de la production d’électricité la seule priorité. Elle ne représente environ qu’un quart de la consommation totale d’énergie. La seconde erreur, on peut parler d’aveuglement, a consisté à ne pas vouloir voir les limites des renouvelables intermittents. Ce qui est encore le cas aujourd’hui. Quand il n’y a pas de vent et de soleil (la nuit déjà), il faut bien trouver des solutions alternatives pour produire de l’électricité, qu’on n’est pas capable de stocker à grande échelle. D’où le recours aux centrales thermiques au charbon et à gaz… quand il y en a.

Dernier épisode en date d’une politique énergétique européenne hors sol, la décision d’imposer quoi qu’il en coûte les véhicules électriques à batteries en lieu et place des véhicules thermiques. L’interdiction de vendre des véhicules thermiques neufs d’ici 2035 va se heurter à des impossibilités techniques pour produire suffisamment de batteries, manque de matières premières et coûts, va réduire dans des proportions limitées les émissions de gaz à effet de serre, va peser sur des réseaux électriques affaiblis par les renouvelables intermittents et met en grand danger la survie de l’industrie automobile européenne devenue dépendante de ses fournisseurs chinois.

La rédaction