Transitions & Energies
Ligne haute tension

Marché de gros de l’électricité, EDF innove en proposant des contrats à 5 ans


La dénonciation facile des règles de fixation des prix l’électricité sur le marché de gros européen a été un moyen commode pour les politiques de se dédouaner de leur irresponsabilité qui fait que pendant des années ils ont été incapables de doter le pays de moyens de production d’électricité suffisants pour lui permettre de faire face à ses besoins. Une réforme du marché de gros est pourtant nécessaire afin de permettre aux producteurs, comme EDF, d’avoir des perspectives relativement stables sur leurs revenus.

Depuis le début de la crise énergétique, les règles de fixation des prix sur les marchés européens de gros de l’électricité sont régulièrement montrées du doigt. Certains politiques y voient ainsi un coupable idéal pour expliquer la flambée des prix de l’année 2022. Cela les dédouane de leur incapacité à mener depuis des années des politiques responsables pour doter le pays de moyens de production d’électricité suffisants pour faire face à ses besoins. Ainsi, il suffirait de réformer les règles du marché de gros de l’électricité pour faire disparaître les problèmes…

Nous avons entendu ainsi sans cesse venant de la majorité comme de l’opposition des dénonciations de la soit disant «indexation sur les prix du gaz» ou encore de «la soumission aux règles de Bruxelles». La solution proposée était tout simplement de «sortir du marché européen de l’électricité». Disons-le tout de suite, il s’agit de prises de positions démagogiques qui reviennent à ce qu’un médecin appelle à détruire les thermomètres pour supprimer les poussées de fièvre.

La Grande-Bretagne et la Suisse, qui ne sont pas dans le marché européen, n’ont pas été épargnées par les hausses de prix

Il convient ainsi de rappeler que s’il suffisait de sortir du marché européen, la Grande-Bretagne comme la Suisse auraient été préservés de la brusque montée des prix. Ça n’est pas le cas. Idem, si l’électricité était réellement «indexée sur les prix du gaz», son prix aurait dû revenir à son niveau de fin 2021 dès l’automne 2022. Ce n’est, une fois de plus, pas le cas.

Dès lors, les discussions sur la réforme du marché européen de l’énergie semblaient mal engagées. En effet, cette réforme était souhaitée par les gouvernants qui avaient besoin d’actes politiques pour donner l’impression de faire quelque chose.

Mais plus ironique encore, la position de la France visant à faire bénéficier plus largement le consommateur des prix du nucléaire dans une période de volatilité des prix du gaz s’est très vite heurtée aux réticences… de la filière nucléaire.

EDF ne veut pas des contrats de différences

La France avait en tête la généralisation des contrats de différences (CFDs) au nucléaire, qu’il soit nouveau (projets en cours) ou actuel (réacteurs existants). Ce mode de rémunération est basé sur un prix fixe de rachat, négocié en amont. Lorsque les prix de marché sont supérieurs à ce prix, la différence est encaissée par l’Etat. Mais à l’inverse, lorsque les prix de marchés sont inférieurs à la valeur fixée, l’Etat apporte un complément de rémunération.

Pour le gouvernement français, ce mécanisme a plusieurs avantages. Il permet d’assurer à EDF (car c’est bien l’entreprise visée, unique producteur d’électricité nucléaire du pays), un rachat à prix fixe de sa production, la protégeant ainsi contre les risques de marché. Lui permettant ainsi de faire disparaître un risque majeur pour sa rentabilité et donc d’obtenir de meilleures conditions de financement pour ses projets de construction de nouveaux réacteurs. D’autre part, cela permet de plafonner les revenus de cette même entreprise en cas de hausse inconsidérée des marchés, et ainsi de protéger le consommateur.

Et c’est sur ce point que le bât blesse. L’industrie nucléaire, EDF, a fait valoir que ce plafonnement de ses revenus (équivalent à une taxe sur la rente inframarginale que certains proposaient l’hiver dernier) pouvait poser problème, notamment pour accompagner les inévitables augmentations de ses coûts de production. Et qu’elle préférait ainsi assumer un risque de marché supérieur mais ne pas voir ses revenus plafonnés pour de nombreuses années par une décision gouvernementale.

Des garanties de fourniture à 5 ans

La contre-proposition étant de s’ouvrir à des contrats longs termes à prix fixe en négociation de gré à gré, afin de lutter contre la volatilité du marché. Après un long bras de fer, le gouvernement semble avoir validé cette proposition.

C’est dans ce contexte qu’EDF va se livrer à partir du 18 septembre prochain à une expérimentation visant à mettre sur le marché des volumes d’électricité livrable en 2027 et 2028, ouvrant ainsi la voie à des garanties de fourniture à 5 ans.

Cette annonce, couplée aux bonnes nouvelles qui s’accumulent du côté de la production nucléaire (disponibilité nucléaire supérieure de près de 10 GW aux prévisions de RTE, objectifs annuels de production dont il ne fait désormais plus de doutes qu’ils seront largements remplis,…) permettent de rassurer les marchés.

Et ce climat quasi-euphorique a une conséquence immédiate: les prix à terme de l’électricité française sont aujourd’hui au plus bas depuis l’invasion de l’Ukraine, et en passe de repasser, pour la première fois en deux ans, en dessous du prix de l’électricité allemande. De quoi alimenter encore les discussions dans les milieux économiques outre-Rhin sur une stratégie nationale de transition énergétique qui a tourné le dos au nucléaire et va d’échec en échec.

Philippe Thomazo

La rédaction