<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La crise européenne de l’électricité et du gaz est loin, très loin, d’être terminée

9 novembre 2022

Temps de lecture : 5 minutes
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La crise européenne de l’électricité et du gaz est loin, très loin, d’être terminée

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L’Europe et la France restent toujours à la merci d’un hiver rigoureux qui pourrait précipiter des pénuries d'électricité et de gaz. EDF n’a d’ores et déjà plus la moindre marge de manœuvre sur son calendrier optimiste de redémarrage de la plupart de ses réacteurs nucléaires avant la fin de l'année. Quant au manque de gaz en Europe, il sera sans doute surmonté si les températures restent clémentes. Mais il risque surtout de se faire sentir l’an prochain.

Cela peut sembler absurde, mais l’avenir de l’Europe dépend, au moins dans l’immédiat, de la météorologie. Que l’hiver soit doux ou rigoureux sera un facteur déterminant pour savoir si les pays européens traverseront la période sans crises économiques, politiques et sociales majeures. C’est un hiver 1946-1947 particulièrement froid qui avait conduit les Etats-Unis à se décider finalement à lancer le fameux Plan Marshall pour aider l’Europe détruite par la guerre à se reconstruire. Mais au XXIème siècle, et pas au lendemain d’une guerre mondiale sur leur sol, plusieurs pays européens pourraient, dans un scénario noir, avoir à rationner le gaz et l’électricité. Le prix à payer pour avoir considéré depuis deux décennies à Bruxelles et dans les principales capitales européennes que la souveraineté énergétique et la sécurité d’approvisionnement n’étaient pas des questions majeures.

L’illusion d’un répit

Un climat doux sur toute l’Europe et la France au cours des dernières semaines, l’annonce du remplissage à 100% des réserves de gaz naturel et la baisse des prix du gaz et de l’électricité ont pu faire illusion. Ils ont pu laisser croire que la crise énergétique européenne était derrière nous. Le prix de référence du gaz naturel en Europe, le contrat à terme du TTF néerlandais, est revenu de plus de 340 euros le mégawattheure en août à moins de 110 euros. De la même façon, le prix du baril de pétrole est retombé à 97 dollars pour la qualité Brent de mer du nord contre 139 dollars en mars.

Mais la crise est très loin d’être surmontée. Il va toujours falloir croiser les doigts pour que l’hiver soit clément en France comme dans toute l’Europe afin d’éviter les pénuries d’électricité et de possibles black out. Car si les températures baissent trop, la France sera contrainte d’importer de grandes quantités d’électricité que ses voisins ne pourront peut-être pas fournir. Même chose pour le gaz dont les réserves auront besoin en cas d’hiver froid d’être reconstituées rapidement. Si l’hiver 2022-2023 n’est pas trop rigoureux, la situation sera gérable, mais l’hiver 2023-2024 s’annonce encore plus difficile. Car les mesures d’urgence et les importations massives de GNL (Gaz naturel liquéfié), notamment américain, à n’importe quel prix, auront sans doute permis d’éviter le pire, mais le marché mondial sera plus tendu l’an prochain.

EDF n’a plus la moindre marge de manœuvre

Pour ce qui est de l’électricité, la situation en France reste très préoccupante. EDF n’a déjà plus la moindre marge de manœuvre dans son ambitieux calendrier de réouverture de ses réacteurs nucléaires arrêtés pour maintenance. Si le remplissage des barrages se fait de façon satisfaisante et retrouve maintenant des niveaux proches des moyennes historiques pour la saison, du côté du nucléaire les choses se compliquent sérieusement. D’abord, la grève orchestrée en septembre et octobre par la CGT a fait perdre quelques précieuses semaines. Elle a été surmontée en cédant à toutes les revendications salariales. Cela va se traduire pour une entreprise dans une situation financière plus que précaire par une augmentation de 9,47% de sa masse salariale l’an prochain.

Et puis vendredi dernier, le 4 novembre, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a exigé que l’énergéticien retarde de deux mois le redémarrage de quatre réacteurs à Chooz, Penly et Cattenom. Des contrôles ont révélé l’existence de fissures résultant de la fameuse corrosion sous contrainte. Elles nécessitent selon l’ASN de réparer les soudures avant de relancer les réacteurs, ce que contestaient des ingénieurs d’EDF. Mais l’ASN a toujours raison…

«L’ASN considère que, compte tenu des incertitudes sur les mesures de caractérisation des défauts ainsi que sur les hypothèses et les méthodes retenues dans les calculs mécaniques, la tenue des tuyauteries affectées par ces deux indications n’est pas acquise», a écrit la toute puissante autorité administrative au sujet du réacteur 1 de Cattenom dont le redémarrage était initialement prévu pour le 17 novembre. Par «indication», l’ASN évoque un écho de contrôles par ultrason mettant en évidence la possible présence d’un défaut dans le matériau contrôlé. Toujours selon l’ASN, les deux fissures détectées sur le réacteur 1 de Cattenom présentent des «dimensions significatives, avec des profondeurs maximales de 4,7 et 6,1 mm». S’agissant d’autres soudures, «présentant des indications de plus faibles dimensions et dont la tenue mécanique a été justifiée», elles pourront «être maintenues en l’état pour une durée limitée», a indiqué l’autorité administrative. EDF s’est engagée à remplacer l’ensemble des tronçons de tuyauteries du système d’injection de sécurité sensibles à la fissuration par CSC lors du prochain arrêt du réacteur, prévu en 2023. Les chantiers liés à la corrosion sous contrainte mobilisent actuellement plus de 500 personnes, avec le renfort d’une centaine de soudeurs spécialisés venus des Etats-Unis et du Canada.

En tout cas, le calendrier annoncé de relance des réacteurs est d’ores et déjà intenable. Mardi 8 novembre, l’entreprise a annoncé prévoir avoir 42 réacteurs disponibles le 1er décembre et 46 le 1er janvier ce qui signifie que 10 réacteurs seront encore à l’arrêt… dans le meilleur des scénarios. Le calendrier précédent prévoyait 45 réacteurs disponibles au 1er décembre et 50 au 1er janvier. Le réseau de transport d’électricité (RTE) considère qu’il lui faut au minimum 45 gigawatts de capacité nucléaire au 1er janvier. EDF prévoit aujourd’hui d’en avoir 48 gigawatts, ce qui dans les faits ne lui laisse pas la moindre marge de manœuvre.

Les barrages se remplissent

L’entreprise publique doit désormais totalement respecter son calendrier ce qui implique de relancer pas moins de 16 réacteurs en deux mois. Mardi 9 novembre, 30 réacteurs sur les 56 étaient connectés au réseau. Au total EDF qui prévoyait encore il y a un mois de produire entre 280 et 300 TWh (térawattheures) en 2022 a révisé sa prévision entre 275 et 285 TWh.

S’il existe tout de même un sujet de satisfaction, il se trouve du côté des réservoirs des barrages exploités par EDF. Leur taux de remplissage atteint désormais 65% et se situe seulement 3,5 points en dessous de la moyenne historique. Le taux de remplissage s’est notamment amélioré dans les Alpes du Nord (84%) et du Sud (55%). Il stagne dans les Pyrénées (55%) et a un peu diminué dans le Massif Central (56%).

Du côté du gaz, tout va bien si les températures ne plongent pas trop car  les stocks restent à leur maximum technique, atteint depuis plusieurs semaines. C’est en 2023 que les problèmes reviendront. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a alerté la semaine dernière sur le problème de remplissage des mêmes réservoirs pour l’hiver 2023-2024. Il ne sera plus possible pour la France et l’Europe de compenser l’absence de toute livraison de gaz russe, ce qui n’était pas le cas au début de cette année, et plus encore le rebond attendu de la demande chinoise qui va réduire les possibilités d’importations de GNL.

Menace sur l’approvisionnement en gaz en 2023

« Le «coussin» fourni par les niveaux de réserve actuels, de même que la baisse récente des prix du gaz et les températures inhabituellement douces, ne devraient pas conduire à des conclusions trop optimistes quant à l’avenir», affirme l’AIE, qui souligne qu’à l’été 2023 les conditions géopolitiques et économiques mondiales pour s’approvisionner et remplir les réserves devraient avoir bien changé par rapport à 2022. Le remplissage des réserves a profité cet été de «facteurs-clé qui pourraient bien ne pas se répéter en 2023». A commencer par le fait que la Russie, dont les gazoducs ont livré cette année des quantités presque normales au premier semestre, ne le fera très vraisemblablement plus. En outre, les moindres besoins de la Chine en GNL cette année ont facilité les achats européens. La production mondiale de GNL doit augmenter l’an prochain de 20 milliards de m3. Si les importations chinoises retrouvent en 2023 leur niveau de 2021, elles absorberont l’essentiel de cette progression.

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