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Citroën_2CV_1973 Wikimedia Commons

Les Français n’achètent plus que des voitures d’occasion


Quatre voitures sur cinq vendues en France en 2021 l’ont été sur le marché de l’occasion. En plus, seuls 43% des acheteurs de véhicules neufs étaient des particuliers. Cela signifie que seulement 720.000 personnes ont acheté une voiture neuve l’an dernier à titre personnel sur un total de 7,7 millions d’immatiriculations. Moins de une personne sur dix cherchant à se motoriser. Les explications à cette situation, dont l’industrie automobile en grandes difficultés se serait bien passée, sont multiples. La pandémie, la pénurie de composants électroniques et plus encore la résistance des acheteurs à l’obligation de remplacer leurs véhicules par des modèles électrifiés. Et pourtant, dans le même temps, la voiture est de en plus utilisée, notamment pour les trajets domicile-travail.

Le marché automobile français est sinistré sans que cela suscite d’ailleurs beaucoup d’attention. Et pourtant avant de passer à la réindustrialisation, il faudrait peut être éviter la poursuite de la désindustrialisation… Les ventes de voitures neuves sont revenues à leur niveau des années 1970, au moment des chocs pétroliers, depuis maintenant deux ans. Et il est difficile d’imaginer que cela puisse changer. Cela est la conséquence de la pandémie et depuis plusieurs mois du manque de véhicules neufs lié aux pénuries de composants, mais pas seulement. Cela tient aussi à une nouvelle attitude des acheteurs. Ils font en quelque sorte de la résistance et refusent d’acquérir les véhicules électriques et hybrides qu’on les pousse à acheter. De plus, ils n’ont plus accès, du fait des normes d’émissions, aux petits véhicules bon marché, les voitures populaires, que les constructeurs ont abandonné faute de rentabilité.

Les chiffres sont sans appel. Les voitures neuves ont représenté 21,47 % des immatriculations et les occasions 78,5% des 7,7 millions enregistrées. Et la tendance en faveur des secondes s’accentue, car si la croissance du neuf a stagné à +0,5% par rapport à 2020, année déjà sinistrée, celle des occasions a augmenté de 7,9 %.

Moins d’un achat sur dix de véhicule en 2021 était pour du neuf

Le gouffre est encore plus profond que les chiffres d’immatriculation le montrent, car les particuliers ne représentent plus que 43% des acheteurs du neuf, l’essentiel des transactions étant effectué par des sociétés. Cela signifie que l’an dernier seulement 720 000 Français ont acheté une voiture neuve à titre personnel. Soit moins d’un achat sur dix pour un Français cherchant à se motoriser…

Le volume du marché automobile français était ainsi en 2021 au niveau de celui de 1975. Et comme les problèmes d’approvisionnement en puces électroniques vont persister cette année et l’attitude des acheteurs ne devrait pas changer, un redressement semble peu probable.

Car le marché de l’occasion est lui aussi atypique, par son volume et par le type de véhicules vendus. Au lieu de représenter environ 2,5 fois la taille du marché du neuf, ce qui était une relative constante depuis de nombreuses années, il est maintenant quatre fois plus important. Mais par ailleurs, il comprend maintenant une part grandissante de véhicules âgés, voire même très âgés. Les véhicules de 2 à 5 ans ne sont plus et de loin majoritaires. Ils représentent avec 1,3 million de voitures vendues un niveau équivalent à la catégorie des 10 à 15 ans et à celle des plus de 15 ans. Près de 2,7 millions de véhicules d’occasion qui ont changé de main l’an dernier avaient ainsi plus de 10 ans.

Et pourtant, la voiture plébiscitée pour le trajet domicile-travail

Le paradoxe est que dans le même temps la voiture est de plus en plus utilisée en France, notamment pour effectuer les trajets domicile-travail.  C’est ce qui ressort du Baromètre Mobilité & entreprises 2021 réalisé pour Alphabet France par l’Ifop. Depuis 2020 et le début de la crise sanitaire, les Français prennent en plus grand nombre leur voiture pour se rendre au travail. Ainsi, 10% des actifs ont modifié leur manière de se déplacer pour leurs trajets domicile-travail et leurs déplacements professionnels, ce qui est considérable, et 76% utilisent une voiture dans le cadre de ces trajets contre 72% en 2019.

Les Français utilisent plus leurs voitures mais dans le même temps, les constructeurs ne parviennent plus à les convaincre et encore moins à les séduire. Les acheteurs potentiels se sont rendus compte que les voitures sont plus fiables, que les progrès technologiques récents sont souvent d’une utilité limitées et que les véhicules de plus de dix ans rendent des services équivalents aux véhicules modernes en coûtant beaucoup moins chers. Mais cela posera à terme un gros problème, car les véhicules en question vont être chassés des zones à faibles émissions (ZFE), c’est-à-dire des métropoles.

Et cela même si celle du Grand Paris n’entrera finalement en vigueur avec plus d’un an de retard qu’en 2023. Officiellement en raison de problèmes techniques pour installer les systèmes automatiques de verbalisation, mais l’année électorale n’y est sans doute pas pour rien. Les amendes tomberont à la pelle un an après le scrutin présidentiel…

Impossible d’échapper aux ZFE

Il va de toute façon devenir de plus en plus difficile d’échapper aux ZFE. La loi climat et résilience, votée à l’Assemblée en  mai dernier, rend obligatoire l’instauration de ZFE d’ici à 2025 dans toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Des proportions importantes du territoire seront ainsi progressivement interdites aux véhicules anciens. Car les ZFE ne concernent pas seulement les centres villes des grandes agglomérations. Pour le «Grand Paris», cela concerne 79 communes, 11 pour la métropole lilloise, 26 à Grenoble, 4 à Lyon… Et ces zones seront rapidement élargies: 131 communes autour de Paris vers 2025, 58 autour de Lyon, 71 communes autour de Rouen. Sans compter la création de nouvelles ZFE à Strasbourg, Toulouse, Montpellier, Marseille-Aix-en-Provence, Toulon, Nice…

Les restrictions de circulation seront aussi étendues rapidement à des véhicules de plus en plus plus récents. Dès juillet 2022, s’ajouteront les véhicules classés Crit’Air 3, les voitures essences immatriculées avant 2006 et les diesels avant 2011. En janvier 2024, ce sera au tour des Crit’Air 2, les voitures essences immatriculées avant 2011 et toutes les voitures diesels sans exception. Il s’agit d’un programme calqué sur celui d’Anne Hidalgo, la maire de Paris, qui entend interdire dans la capitale en 2024 la circulation de tous les véhicules diesel et en 2030 celle de tous les véhicules à moteur thermique. Evidemment aucune étude sérieuse sur l’impact, les bénéfices et les coûts de telles décisions n’a été réalisée. Au total, 16 millions de véhicules vont être concernés à terme. Cela représente pas moins de 40% des voitures en circulation aujourd’hui en France. L’utilisation de la voie publique va devenir ainsi un privilège.

On se trouve à nouveau face à un schéma malheureusement devenu habituel, des lois et des règlements imposés par le gouvernement qui n’en a pas mesuré les conséquences. Non seulement, avec la promotion forcée des véhicules électriques, il contraint l’industrie automobile à une reconversion à marche forcée dramatique, mais il vide d’ores et déjà les concessions. Ainsi, selon le Conseil national des professions de l’automobile, plus de la moitié des concessionnaires (60%) envisagent «des réductions d’emplois à partir du premier trimestre». Quant à l’industrie automobile française, elle affronte cette rupture technologique en très mauvaise posture. La France qui était encore le deuxième pays constructeur d’automobiles en Europe en 2011 est aujourd’hui le cinquième…

La rédaction