<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Sommes nous au début d’une ère de flambée des matières premières?

7 avril 2021

Temps de lecture : 5 minutes
Photo : Mine de cobalt RDC
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Sommes nous au début d’une ère de flambée des matières premières?

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La transition énergétique peut, en partie, se résumer à utiliser des métaux plutôt que du pétrole pour avoir de l'énergie. Les panneaux solaires, les batteries, les piles à combustibles, les éoliennes, les réseaux électriques, les moteurs électriques nécessitent de grandes quantités de métaux pour être fabriqués. Si la demande ne cesse de croître au cours des prochaines années, les cours des matières premières vont s'envoler, une perspective dangereuse.

Les périodes d’expansion économiques sont souvent marquées par une envolée des prix des matières premières. Ce que les experts appellent des «super cycles» qui en général se prolongent environ pendant une décennie. Si nous étions aujourd’hui au début d’un tel super cycle cela aurait des conséquences importantes sur la transition énergétique, le développement des renouvelables et des véhicules électriques, le pouvoir d’achat, les rapports de force géopolitiques, l’environnement avec l’exploitation minière et même l’inflation. Or, les conditions semblent réunies aujourd’hui pour que se produise un nouveau super cycle des matières premières avec à la fois une faiblesse de la monnaie d’échange, le dollar, des banques centrales qui soutiennent sans limites l’activité économique et des plans de relance massifs dans le monde mettant l’accent sur la transition énergétique, les renouvelables et les infrastructures.

Il y a 20 ans les BRIC, aujourd’hui la transition

Le dernier super cycle peut se résumer à un acronyme qui faisait fureur il y a 20 ans: BRIC. C’est-à-dire Brésil, Russie, Inde et Chine. Ces quatre pays qui représentaient 2,6 milliards de personnes en 2000, soit 40% de la population mondiale, ont connu au dans les années 2000 une croissance économique très forte et une industrialisation rapide qui nécessitaient des quantités considérables de matières premières, d’énergie et de produits alimentaires. Cela s’est prolongé pendant près d’une décennie. L’envolée des cours des matières premières s’est terminée avec la crise financière et économique de 2008 aux Etats-Unis et celle de l’euro qui a suivi. Elle a été définitivement oubliée avec le ralentissement notable de la croissance chinoise à partir de 2015. Et les cours se sont ensuite effondrés à la fin de l’année 2019 et au début de 2020 avant de rebondir depuis un an (voir graphique ci-dessous).

Ainsi, les cours des matières premières dans leur ensemble, mesuré par le Bloomberg Global Commodity Index, s’apprécient de plus de 40% depuis avril 2020. Sur un an, le prix du pétrole gagne plus de 80%, le gaz près de 100%, les métaux de base progressent tous d’au moins 30%, quand les principaux oléagineux et céréales gagnent tous plus de 25%. Il s’agit évidemment d’un rattrapage, mais pas seulement. La perspective d’une poursuite de la hausse des cours des matières premières tient avant tout à la multiplication des plans de relance et d’investissements massifs pour sortir du marasme né de la pandémie. Cela est vrai aux Etats-Unis, en Europe et en Asie. Il n’est notamment plus question du tout en Europe, d’adopter la même stratégie d’austérité comme face à la crise financière et économique des années 2008-2010.

Des plans de relance massifs

Ainsi, l’Union européenne s’est dotée d’un plan de relance de 1,8 mille milliard d’euros dont au moins 30% sera consacré à la transition énergétique. Aux Etats-Unis, Joe Biden et son administration ont fait adopter par le Congrès un plan de relance de 1,9 mille milliards de dollars et ce n’est qu’un premier pas. Le Président américain a annoncé un autre plan de grands investissements dans l’énergie, les transports et les infrastructures de 2 mille milliards de dollars.

Le secteur privé suit avec les décisions qui se succèdent des grands constructeurs automobiles d’arrêter la fabrication de véhicules dotées de motorisations à combustion interne à partie de 2030 ou 2035. On peut s’attendre aussi dans les mois qui viennent à une succession d’annonces et d’engagements de ce type dans différentes industries et activités économiques avant la COP26 qui se réunit à Glasgow en Ecosse en novembre.

Reste à savoir si l’accélération de la transition ne va pas se heurter à un manque de matières premières. Car elle consiste notamment à remplacer le pétrole par des métaux… Il n’y a pas de véhicules électriques sans une quantité toujours plus grande de lithium, de cobalt et de nickel pour fabriquer les batteries et d’aluminium pour les chassis et les carrosseries. Il faut retirer 50 kilos de matériaux du sol pour fabriquer un kilo de batterie. Et construire un ensemble d’éoliennes demande huit fois plus de matières premières qu’une centrale au gaz offrant la même puissance théorique de production d’électricité.

Il faut aussi beaucoup d’argent métal, de zinc, de manganèse, de chrome, de rodium pour les panneaux photovoltaïques, sans parler de cuivre pour les réseaux et les moteurs électriques et du platine pour les piles à combustible fonctionnant avec de l’hydrogène. Les sous-investissements miniers des dernières années vont se payer.

Un manque de pétrole?

Le paradoxe est aussi que la transition risque de se traduire par un manque de pétrole et une envolée des cours du baril… La période de faiblesse des prix du pétrole depuis plusieurs années, qui s’est même transformée en effondrement il y a un an, a eu pour conséquences une baisse spectaculaire de l’investissement des groupes pétroliers. Or, les énergies fossiles représentent toujours environ 80% de la consommation mondiale d’énergie, et les infrastructures d’énergies décarbonées sont très loin d’être prêtes à prendre le relais. La production de pétrole pourrait être à terme insuffisante, même si aujourd’hui les pays producteurs la limite pour soutenir les cours. Patrick Pouyanné, le Pdg de Total, estimait il y a quelques semaines qu’il pourrait manquer 10 millions de barils par jour, 10% de la consommation pré-pandémie, en 2025. Tout dépendra en fait de la réalité de la décarbonation des économies développées et dans le même temps du rythme de la croissance des économies du sud-est asiatique et de l’Afrique qui tireront la consommation de pétrole.

Une arme stratégique

Le super cycle des matières premières des années 2020, s’il se produit, n’aura sans doute rien de comparable à celui des années 2000. Des quatre nations dites BRIC, seule la Chine a finalement connu l’expansion spectaculaire anticipée. Et elle n’est pas prête de se reproduire. Car la Chine est passée de 2000 à 2020 de 3,6% à 16,3% du Pib mondial selon les chiffres de la Banque Mondiale. La Chine est aujourd’hui en mutation. Son économie longtemps dopée par les investissements, les exportations et la construction d’infrastructures productives est maintenant plus tournée vers le marché intérieur et la consommation. Par ailleurs, le commerce mondial est en recul depuis plusieurs années et le protectionnisme a fait son grand retour. La pandémie a clairement accélérée cette évolution. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour les approvisionnements en matières premières stratégiques. La Chine en fait clairement une arme économique. Elle assure 50 à 70% du raffinement du lithium et du cobalt. Elle contrôle également 85 à 90% du processus industriel de traitement des terres rares et de leur raffinage et transformation en métaux et en aimants.

La baisse brutale des exportations de terres rares par la Chine l’an dernier n’était pas seulement une conséquence de la pandémie. Il s’agissait aussi d’une stratégie pour asseoir la domination chinoise du marché des batteries pour véhicules électriques. En faisant monter les prix et en limitant les quantités de minéraux disponibles pour les concurrents des industriels chinois, cela affecte leur développement et leur compétitivité.

Comme l’écrivait l’Agence Internationale de l’énergie l’an dernier, «l’idée de géopolitique énergétique est typiquement associée au pétrole et au gaz. Par contraste, le solaire, l’éolien et les autres technologies propres sont souvent considérées comme immunisées contre de tels risques. Mais il y a des risques géopolitiques associés à la production de nombreuses matières premières essentielles à la transition énergétique.»

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