Transitions & Energies
Bidons déchets nucléaires

La COP26 aura vu le nucléaire redevenir fréquentable


L’urgence climatique va-t-elle sauver l’énergie nucléaire? Il y a dix ans, après l’accident de Fukushima, elle semblait condamner. A ce moment-là, plusieurs pays ont renoncé au nucléaire et la quasi-totalité des projets de construction de centrales ont été arrêtés ou retardés. Oui mais voilà, l’électricité nucléaire est la plus décarbonée qui soit et elle a en outre l’avantage de ne pas être intermittente comme l’éolien et le solaire. Sans nucléaire, il sera encore plus difficile d’atteindre les objectifs de réductions des émissions de CO2. L’AIE comme le Giec le disent. Et certains pays ont fait résolument le choix du nucléaire comme la Chine qui compte construire une centaine de réacteurs lors des quinze prochaines années. Alors soudain à la COP26, le nucléaire n’est plus une énergie pestiférée.

C’est pour le moins inattendu. La COP26 a été marquée par le retour en grâce de l’énergie nucléaire… «Cette COP est peut-être la première où l’énergie nucléaire a une chaise à la table, où elle a été considérée et a pu échanger sans le fardeau idéologique qui existait avant», s’étonne même Rafael Mariano Grossi, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Il aura fallu dix ans à l’énergie nucléaire pour surmonter le choc lié à l’accident de Fukushima.

Et encore l’appui de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a été décisif. Selon l’AIE, la décarbonation des économies et plus particulièrement de la production de l’électricité sera beaucoup plus difficile à réaliser sans apport de l’énergie nucléaire. Il y a un an, Fatih Birol, le Directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, et Rafael Mariano Grossi, publiaient une tribune commune affirmant la nécessité de développer l’énergie nucléaire. «L’électricité nucléaire a un rôle très clair à jouer dans la réduction des émissions mondiales… Compte tenu de l’échelle et de l’urgence du défi climatique, nous n’avons pas le luxe d’exclure le nucléaire des outils dont nous disposons», écrivaient-ils. Le Giec également se montre indirectement favorable au nucléaire. Dans la plupart de ces scénarios pour limiter le réchauffement à +1,5°C, la part du nucléaire augmente.

10% d’électricité nucléaire en Chine en 2035

Ce n’est pas pour rien si le pays qui produit de loin le plus de gaz à effet de serre et qui est de loin le principal producteur et consommateur de charbon dans le monde, la Chine, a le programme de constructions de centrales nucléaires le plus ambitieux. Comme l’écrivait l’an dernier Le Monde de l’Energie, «la Chine considère le nucléaire comme le seul type d’énergie susceptible de remplacer le charbon à grande échelle pour la production d’électricité et d’assurer la sécurité d’approvisionnement du pays

La Chine entend atteindre 10% d’électricité nucléaire en 2035, ce qui implique la construction de près d’une centaine de réacteurs en 15 ans (soit 6 à 8 réacteurs par an)! Elle deviendra alors de loin la première puissance mondiale du nucléaire civil. Cette ambition sera notamment assurée par le nouveau réacteur «Hualong» (Dragon). Il est le fer de lance du déploiement accéléré de centrales nucléaires sur le territoire chinois. Signe des temps, pour la première fois, l’an dernier, la Chine a généré plus d’électricité nucléaire que la France «et est devenue le deuxième plus gros producteur nucléaire au monde derrière les Etats-Unis», a indiqué le World nuclear industry status report (WNISR). Enfin, la Chine développe aujourd’hui un réacteur nucléaire au thorium, qui offre en théorie le meilleur des mondes. La puissance et l’abondance de l’électricité nucléaire sans avoir de dimension militaire, sans consommer d’eau pour le refroidir et sans avoir à gérer ensuite des déchets radioactifs.

Et il n’y a pas que la Chine. La Pologne compte remplacer ces centrales à charbon avec du nucléaire et l’Inde négocie avec le français EDF. Enfin, le nucléaire représente 20% de l’électricité produite aux Etats-Unis et en Russie et ces deux pays n’ont pas l’intention de renoncer à développer le nucléaire, mais parient plutôt sur l’innovation, notamment les réacteurs modulables de petite dimension dits SMR. Sans parler de projets d’une toute autre ambition et d’une toute autre dimension, les réacteurs de quatrième génération à neutrons rapides et même la fusion.

Un retour en grâce aussi en France

Et puis, il y a la France qui produit 70% de son électricité avec des réacteurs nucléaires. En dépit d’une accumulation incroyable de déboires dans la construction des réacteurs EPR de troisième génération et de la réticence évidente d’Emmanuel Macron pendant les premières années de sin quinquennat à s’engager en faveur du nucléaire, les derniers mois ont apparemment tout changé… Un peu comme à la COP26.

Hasard qui n’en est pas un, EDF vient juste d’annoncer le 8 novembre que son «plan d’excellence industrielle dans le nucléaire» était en phase de déploiement et a assuré que la filière «sera prête» en cas de commandes de nouveaux EPR en France. Après les dérives, le mot est faible, du chantier de l’EPR de Flamanville (Manche), EDF a lancé un plan comprenant 25 engagements, afin de restaurer la confiance dans les capacités de l’industrie nucléaire française.

Pour autant, le nucléaire est encore loin d’avoir gagné la partie. Il faut s’attendre à de fortes résistances de la part des mouvements écologistes qui sont nés dans les années 1970 en Europe avant tout d’une volonté de se débarrasser de l’énergie nucléaire. La peur de l’atome a été bien avant la lutte contre le réchauffement climatique au cœur de la doctrine écologiste. Et elle le reste. Les faits leur ont par ailleurs donné en partie raison et de nombreux gouvernements ont arrêté tout développement nucléaire et même renoncé à cette source d’énergie après les accidents de Tchernobyl en 1986 et de Fukushima en 2011. Mais l’urgence climatique va peut-être donner une deuxième vie à l’énergie nucléaire.

La rédaction