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Reacteur Thorium Pays-bas

La Chine annonce un réacteur nucléaire au thorium opérationnel d’ici 2030


En théorie, la technologie d’un réacteur nucléaire au thorium et sels fondus ne présente que des avantages. Elle est bien plus sûre que celle d’un réacteur à uranium ou plutonium puisque le refroidissement ne se fait pas via un système à eau pressurisée. Il n’y a quasiment pas de déchets radioactifs et ce réacteur peut difficilement servir à fabriquer des armes atomiques. Cela explique sans doute pourquoi les investissements nécessaires à son développement n’ont jamais été suffisants. Mais la Chine a décidé de le faire depuis une dizaine d’années et promet aujourd’hui un réacteur parfaitement opérationnel d’ici 2030. Si c’est le cas, l’avenir de l’énergie nucléaire pourrait en être changé.

Le réacteur nucléaire au thorium offre en théorie le meilleur des mondes. Celui de la puissance et de l’abondance de l’électricité nucléaire sans avoir de dimension militaire, sans consommer d’eau pour le refroidir et sans avoir à gérer ensuite des déchets radioactifs provenant de la fission des atomes d’uranium ou de plutonium. Le thorium est abondant. Et pour être utilisé dans un réacteur, il n’a pas besoin d’un long processus d’enrichissement. Appelé aussi réacteur à sels fondus, cette technologie a commencé à être étudiée à la fin des années 1940. Elle a été délaissée faute de financements même si plusieurs expérimentations ont été menées dans les années 1960 et 1970 et même au cours des dernières années, aux Etats-Unis, en Russie, en Asie et en Europe. Aux Pays-Bas, un projet d’évaluation a été lancé en 2017 (voir la photographie ci-dessus).

Réacteur commercialisable d’ici 2030

Mais c’est la Chine qui est la plus avancée et démontre ainsi à nouveau son ambition de dominer l’industrie nucléaire dans le monde. Une équipe de l’Institut des sciences appliquées de Shanghai vient de dévoiler, dans une revue spécialisée chinoise, un projet avancé de réacteur au thorium. Selon les chercheurs chinois, dès 2030 un premier réacteur pourrait être pleinement opérationnel et commercialisable. Ils annoncent qu’un prototype, dont la construction a été lancée en 2011 dans le désert proche de la ville de Wuwei dans la province du Gansu au nord-ouest du pays, doit être fini dans les prochains mois. Il s’agira, si c’est le cas, du premier réacteur au thorium à fonctionner dans le monde. Un réacteur plus important devrait ensuite être construit au même emplacement qui devrait générer environ 100 MW.

Le réacteur au thorium peut être facilement installé dans des zones désertiques car il n’a pas besoin de grandes quantités d’eau. Il fonctionne avec un minerai abondant qui se trouve en petites quantités dans la plupart des roches. Il est quatre fois plus abondant que l’uranium et à peu près aussi fréquent que le plomb. Le thorium peut difficilement servir à fabriquer des bombes nucléaires. Dans le réacteur, le combustible est utilisé sous une forme liquide, dissous dans du sel fondu entre 600 et 900°C. Le sel joue à la fois le rôle de caloporteur et de barrière de confinement. Le sel liquide diffuse la chaleur, refroidit le processus de réaction et permet de se passer d’un système de refroidissement avec de l’eau à haute pression. En cas d’accident, si le combustible est exposé à l’air, il se refroidit rapidement et devient solide.

Des obstacles techniques

En dépit de ses promesses, le réacteur à sels fondus n’a jamais vu le jour car il se heurtait à la fois aux besoins militaires, qu’il ne permet pas de satisfaire, et à des technologies existantes que ne voulaient pas concurrencer les industriels du secteur.

Il existe aussi des obstacles techniques non négligeables à franchir. Le principal est de parvenir à maintenir la réaction en chaîne. Cela est compliqué parce que le thorium contient beaucoup moins de matériau fissile que l’uranium ou le plutonium. Il y aussi le problème de la corrosion provoquée par les sels fondus qui dégrade rapidement les équipements et les tuyauteries.

Mais si ces obstacles sont surmontés notamment par les chercheurs chinois, le réacteur au thorium peut devenir, en partie, l’avenir du nucléaire et l’avenir de la production d’électricité décarbonée. Même si évidemment cela ne plaira sans doute pas du tout à bon nombre de militants écologistes.

La rédaction