Transitions & Energies

Les banques continuent à financer massivement l’industrie pétrolière et gazière


Les 60 plus grandes banques mondiales ont apporté, selon l’ONG Oil Change International, 6.900 milliards de dollars de financements à l’industrie pétrolière et gazière depuis la signature des Accords de Paris en 2015. Et sur cette somme 3.300 milliards de dollars ont été consacrés à des projets de développement des capacités de production d’hydrocarbures.

Il y a les promesses, les anathèmes, les dénonciations, le chahut médiatique et la réalité économique et financière. Le domaine dans lequel ce fossé est le plus large et le plus visible est celui de la transition énergétique et plus particulièrement des énergies fossiles. Elles représentent aujourd’hui encore plus de 80% de la consommation d’énergie primaire dans le monde et l’année 2024 devrait être marquée par de nouveaux records de production et de consommation… de charbon, de pétrole et de gaz naturel. La « veille » économie n’est pas prête à disparaître et d’ailleurs, les quatre-cinquième de l’humanité ne sont pas pressés de l’enterrer.

Une échelle de temps incompressible

Cela ne veut pas dire que les renouvelables, les véhicules électriques ne se développent pas rapidement, parfois de façon spectaculaire comme le photovoltaïque, que la naissance d’une filière de l’hydrogène vert n’est pas en cours et que le nucléaire ne connait pas une renaissance planétaire. Mais l’échelle de temps pour substituer dans des proportions significatives des énergies bas carbone aux combustibles fossiles ne se mesure pas en années, mais en décennies…

Une parfaite illustration en est donnée par la réalité de l’engagement dans le monde des établissements financiers auprès de l’industrie pétrolière et gazière. Dans une prise de position qui avait alors eu un important impact médiatique, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) demandait en 2021 l’abandon de tout nouveau projet pétrolier et gazier. Évidemment, il n’en a rien été. Et d’ailleurs pour ne pas se ridiculiser davantage, l’AIE a fini par revenir sur son injonction.

Sur la seule année 2023, pas moins de 705 milliards de dollars de financements

Il faut dire que selon le 15ème rapport annuel de l’ONG Oil Change International, les 60 plus grandes banques mondiales ont apporté 6.900 milliards de dollars de financements à l’industrie pétrolière et gazière depuis la signature de l’Accord de Paris de 2015 qui devait marquer la grande marche mondiale vers l’objectif de zéro net émissions de CO2 en 2050. Et sur cette somme, 3.300 milliards de dollars ont été investis dans des projets d’extension des capacités de production de pétrole et de gaz. Sur la seule année 2023, les apports financiers bancaires à l’industrie pétrolière et gazière ont représenté 705 milliards de dollars.

Oil Change International dénonce tout particulièrement ce qu’elle appelle la « Dirty Dozen » (la douzaine sale), les établissements bancaires les plus engagés auprès des compagnies pétrolières et gazières, qui sont dans l’ordre JP Morgan, qui a apporté 430,9 milliards de dollars à cette industrie entre 2016 et 2023, Citi avec une exposition au pétrole et au gaz de 396,3 milliards de dollars pour la même période, Bank of America, qui a investi 333,3 milliards de dollars dans le même temps.  La liste « Dirty Dozen » comprend également la Barclays, MUFG, Scotiabank, HSBC et la RBC.

Dividendes records

Mais le rapport oublie un élément essentiel. Pourquoi les banques, dont l’objet faut-il le rappeler est de maximiser leurs profits, investissent-elles toujours autant dans le pétrole et le gaz ? La réponse se trouve dans les performances financières des compagnies pétrolières.  Selon Global Witness, les principaux groupes pétroliers mondiaux ont distribué l’an dernier un record de 111 milliards de dollars de dividendes à leurs actionnaires à la suite de leurs profits historiques de 2022.

Le rapport d’Oil Change International met aussi l’accent sur le financement du Gaz naturel liquéfié (GNL) qui connait un développement très rapide depuis l’invasion de l’Ukraine et est devenu en Europe un substitut au gaz russe. Il a atteint l’an dernier 120,9 milliards de dollars. Pour les banques, le GNL est un eldorado avec la multiplication des projets de développement de capacités de production et d’importation (terminaux portuaires) et la signature de contrats à très long terme, parfois à près de trente ans, garantissant la rentabilité desdits projets.

Production d’électricité comme transports, le déclin des hydrocarbures n’a pas vraiment commencé

Et le développement de sources alternatives de production électricité renouvelables, notamment éoliennes et solaires, n’y change pas grand-chose compte tenu de la nature de ses substituts. Ils sont intermittents et aléatoires. Cela signifie qu’il faut des capacités de production disponibles à tout moment pour pallier au manque de vent ou de soleil. Et le gaz est le mieux adapté. L’Allemagne vient ainsi de lancer la construction en urgence de quatre centrales à gaz de grande puissance (2,5 GW) avec 16 milliards d’euros d’aides publiques.

Et du côté des transports, l’impact du développement rapide des véhicules électriques reste très limité sur la consommation de produits pétroliers. Un bon exemple de cela est donné par la Norvège. Le pays a établi un record avec pas moins de 80% des véhicules neufs commercialisés qui sont électriques depuis plus de trois ans. Mais la demande de carburants pétroliers n’a diminué que de 10%.

La rédaction