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Tesla soupçonné d’avoir truqué le logiciel indiquant l’autonomie de ses voitures


Selon une enquête menée par l’agence Reuters, il y a environ une dizaine d’années Tesla a pour des raisons de marketing équipé ses voitures d’un logiciel qui « enjolivait » l’autonomie réelle des véhicules. Puis lorsque le niveau de charge arrivait en dessous de 50%, l’autonomie se mettait à chuter brutalement, pour retrouver un niveau plus proche de la réalité et éviter que les conducteurs ne tombent en panne. Reuters n’est pas capable de déterminer si les véhicules récents de Tesla ont toujours le même logiciel mais a découvert l’existence l’an dernier d’une équipe dite de « diversion » créée par le constructeur américain aux Etats-Unis. Tesla a reçu tellement de plaintes qu’il aurait mis en place dans le Nevada une équipe spéciale chargée d’étouffer les plaintes des acheteurs mécontents sur l’autonomie de leurs voitures en annulant par tous les moyens les rendez-vous de prise en charge.

L’autonomie réelle des véhicules électriques à batteries est, à tort ou à raison, la question principale que se posent les acheteurs de ses voitures. Elle est d’autant plus délicate qu’elle dépend grandement des conditions météorologiques, des conditions de circulation, des types de trajets effectués et de routes empruntées et de la façon de conduire du conducteur. Les températures extrêmes, grand froid et canicule, réduisent la capacités des batteries. Il en va de même des routes des montagnes et des parcours à vitesse élevée sur les autoroutes notamment. Et puis, il y a la fiabilité et l’honnêteté des constructeurs. Tesla est aujourd’hui dans le collimateur.

Et s’il ne s’agit pas encore du fameux « dieselgate », la découverte en 2015 du logiciel truqueur mis au point au sein du groupe Volkswagen qui détectait les tests de consommation pour adapter le fonctionnement du véhicule, les soupçons sont très sérieux sur une tromperie organisée de longue date. Selon une longue enquête menée par l’agence Reuters, il y a une dizaine d’années, le patron de Tesla, Elon Musk, aurait demandé à ses équipes de truquer volontairement le logiciel permettant d’afficher l’autonomie des voitures électriques de la marque, pour donner l’illusion de meilleures performances à ses utilisateurs avant qu’ils soient contraints de recharger.

Une équipe de « diversion » créée spécialement pour étouffer les plaintes des acheteurs mécontents

L’autonomie affichée sur le tableau de bord était sciemment exagérée pour respecter les promesses faites aux acheteurs, puis lorsque le niveau de charge arrivait en dessous de 50% l’autonomie se mettait à chuter brutalement, pour retrouver un niveau plus proche de la réalité et éviter que les véhicules ne tombent en panne.

La question est de savoir si ce trucage existe toujours aujourd’hui ? L’agence Reuters se dit incapable de « déterminer si Tesla utilise toujours des algorithmes qui augmentent les estimations d’autonomie affichées sur les tableaux de bord… Mais les testeurs automobiles et les régulateurs continuent de reprocher à l’entreprise d’exagérer la distance que ses véhicules peuvent parcourir avant que leurs batteries ne s’épuisent ».

L’an dernier, le constructeur américain a reçu tellement de plaintes à ce sujet des acheteurs qu’il aurait même mis en place dans le Nevada une équipe spéciale dite « de diversion » chargée d’étouffer les plaintes des propriétaires de Tesla neuves mécontents de leurs voitures en annulant par tous les moyens les rendez-vous de prise en charge pour des problèmes d’autonomie…

« Enjoliver » les performances des véhicules

« L’équipe fermait souvent des centaines de dossiers par semaine et les employés étaient jugés sur le nombre moyen de rendez-vous détournés par jour. Les responsables ont indiqué aux employés qu’ils faisaient économiser à Tesla environ 1 000 dollars pour chaque rendez-vous annulé… L’équipe devait clore environ 750 dossiers par semaine. Pour ce faire, les superviseurs du bureau demandaient aux conseillers d’appeler un client une fois et, s’il n’y avait pas de réponse, de classer le dossier comme étant sans réponse. Lorsque les clients répondaient, les conseillers devaient essayer de terminer l’appel en cinq minutes maximum. Fin 2022, des responsables soucieux de clore rapidement les dossiers ont demandé aux conseillers d’arrêter d’effectuer des tests de diagnostic à distance sur les véhicules des propriétaires qui avaient signalé des problèmes d’autonomie, selon l’une des personnes connaissant bien les opérations de l’équipe de diversion. Des milliers de clients se sont vu dire que leur voiture ne présentait aucun problème par des conseillers qui n’avaient jamais effectué de diagnostic, a déclaré cette personne. Reuters n’a pas pu déterminer la durée de cette pratique. Tesla a récemment cessé d’utiliser son équipe de diversion dans le Nevada. »

En fait, dans la plupart des cas, les batteries des voitures des clients n’avaient probablement pas besoin d’être réparées. Elles  n’étaient pas défaillantes mais ne permettaient tout simplement pas les performances d’autonomie promises par le constructeur.

Selon l’enquête de Reuters, il y a environ une dizaine d’années le constructeur a décidé pour des raisons de marketing de créer des algorithmes qui montraient aux conducteurs de ses véhicules des projections enjolivées de l’autonomie offerte quand la batterie était rechargée. Selon une source citée par Reuters, la directive pour construire ce logiciel trompeur émanait directement d’Elon Musk. « Elon voulait montrer de bons chiffres d’autonomie lorsque la voiture est complètement chargée », a déclaré un employé anonyme du groupe à Reuters. « Lorsque vous achetez une voiture affichant une autonomie de 550 ou 600 km, cela vous rassure. »

Tesla ne fait pas de publicité et dépend de l’image renvoyée par ses acheteurs et les médias

Mais pour éviter de voir se multiplier les voitures en panne sur le bord de la route, le logiciel finissait par indiquer l’autonomie réelle du véhicule quand la batterie se vidait et il existait même une marge de sécurité permettant une autonomie supplémentaire d’environ 15 miles (24 kilomètres) après que le tableau de bord ait indiqué que la batterie était vide.

À l’époque du logiciel truqué Tesla ne vendait que deux modèles : le Roadster à deux portes, son premier véhicule, qui a ensuite été abandonné, et la Model S, une berline sportive lancée en 2012. Aujourd’hui, le constructeur vend quatre modèles: deux voitures, la 3 et la S, et deux SUV le X et le Y.

Il ne faut pas perdre de vue que Tesla n’a jamais fait de publicité et a construit notamment son succès sur la publicité qui lui est faite par ses acheteurs et les médias. Les propriétaires de Tesla sont souvent devenus des défenseurs et des promoteurs fanatiques de la marque au point d’être présentés parfois comme une secte… Une situation qui était encore plus vraie quand Tesla vendait 100.000 véhicules par an, il y a cinq ans, mais qui a quelque peu changé aujourd’hui. L’an dernier, le constructeur américain a vendu 1,3 million de voitures dans le monde et s’est lancé dans une véritable guerre des prix.

En tout cas, ce n’est pas la première fois que Tesla est dénoncé sur la question de l’autonomie réelle de ses véhicules. Au début de cette année, les régulateurs sud-coréens ont condamné l’entreprise américaine à une amende de plus de 2 millions de dollars car ses voitures ne pouvaient parcourir que la moitié de l’autonomie annoncée par temps froid.

Selon Recurrent, une société américaine d’analyse de véhicules électriques, et d’après les données collectées en 2022 et 2023 sur plus de 8.000 Tesla, les modèles affichent presque toujours qu’ils peuvent parcourir plus de 90% de leur autonomie théorique, quelles que soient les températures extérieures…

La rédaction