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Rénovation thermique des bâtiments, passer aux actes


La rénovation thermique des bâtiments est sans doute le moyen le plus rapide de réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Elle devrait occuper une place importante dans le plan de relance du gouvernement dont l’annonce a été reportée à septembre. Mais il ne faudrait pas encore répéter les erreurs commises depuis des années: des mesures mal calibrées, inutilement complexes et d’une efficacité limitée.

La méthode la plus simple à utiliser pour réduire les émissions de gaz à effet de serre consiste à consommer moins d’énergie et à commencer par ne plus en gaspiller. L’efficacité énergétique est un des éléments clés de la transition et tout particulièrement quand elle concerne le chauffage et la climatisation des bâtiments.

Un élément important du plan de relance

Dans son plan de relance post-Covid, qui sera finalement présenté avec retard au début du mois de septembre, le gouvernement devrait consacrer entre 20 et 30 milliards d’euros à la transition. Une partie importante sera dédiée à la rénovation thermique des bâtiments. Cette dernière a l’avantage de soutenir immédiatement des emplois en théorie non délocalisables et de se traduire aussi très vite par des réductions significatives de consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre.

Voilà pour la théorie. Dans la pratique, faut-il encore que les rénovations soient efficaces et faites par des professionnels compétents, que l’obtention des aides ne soit pas tellement compliquée qu’elle décourage et que les priorités aillent bien aux «passoires thermiques».

Juste pour rappel et pour illustrer les enjeux, le chauffage et la climatisation représentent 39,5% de la consommation finale d’énergie en France et 27% des émissions de CO2. C’est aussi essentiel que les transports et il s’agit d’un domaine dans lequel l’action publique peut être plus efficace et plus rapidement. Sur un parc de 35 millions de logements, la France compte environ 7,5 millions de «passoires thermiques».

Des résultats jamais au rendez-vous

Le problème est que jusqu’à aujourd’hui les ambitions et plus encore les résultats n’ont jamais été au rendez-vous. Selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), seulement 25% des rénovations énergétiques de logements réalisées entre 2014 et 2016 ont permis d’améliorer d’une classe le diagnostic de performance énergétique et 5% de gagner deux classes.  La Loi Énergie Climat de 2015 prévoyait bien d’atteindre les 500.000 rénovations par an. On est à peine à 25.000 rénovations de bâtiments basse consommation par an…  Et concernant les fameuses «passoires», l’objectif des 100.000 par an n’est pas non plus atteint. La réalité serait plutôt à 40.000.

Cette incapacité publique n’est pas seulement un reflet du passé. Il y a tout juste un mois, le pompeux Conseil de défense écologique a donné suite à un certain nombre de propositions de la toute aussi pompeuse Convention citoyenne pour le climat. Le gouvernement a annoncé sa décision d’introduire, par décret, la performance énergétique parmi les critères de la «décence» d’un logement à partir du 1er janvier 2023. Les personnes qui vivent dans des habitations consommant plus de 500 kW/h au mètre carré par an pourront exiger que leur propriétaire fasse des travaux. Sinon, ce dernier s’exposera à ne plus percevoir de loyer, voire à être interdit de location du logement en question.

A première vue, la mesure est spectaculaire, mais il s’agit surtout de communication et son impact s’annonce limité… Elle est loin de concerner toutes les «passoires thermiques». Le seuil fixé ne devrait toucher que quelques 250.000 logements classés G sur 3,1 millions de «passoires thermiques» classées F et G…

Fraudes et malfaçons

En fait, ce n’est pas seulement une question de moyens et de subventions, mais comme toujours de mise en place d’un dispositif simple et efficace, d’éviter de le changer en permanence et plus encore du suivi et du contrôle des résultats pour limiter les fraudes et les malfaçons et pour l’adapter à la réalité du marché.

Ainsi, le 1er janvier de cette année, le dispositif a commencé à changer et pas pour le meilleur. La logique était alors notamment de dépenser moins… Le CITE (Crédit d’Impôt à la Transition Energétique) est remplacé progressivement par une prime versée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Elle présente un certain nombre d’avantages comme le fait d’être versée au moment de la réalisation des travaux, ce qui évite aux ménages de devoir faire l’avance des frais comme c’était le cas pour le CITE. Son montant n’est plus calculé sur la base des travaux, mais de leur efficacité énergétique. Des montants forfaitaires de 200 à 11.000 euros sont définis par type de travaux. La prime est aussi versée sous condition de ressources. Elle est ainsi devenue un élément de redistribution et plus seulement un moyen d’accélérer la transition énergétique. Les aides ont été supprimées pour les 20% de ménages les plus aisés. L’astuce financière se trouve là. Ces ménages percevaient près de 50% des deux milliards d’euros de dépenses annuelles du CITE.

À ce jour, 80 000 demandes pour financer des travaux ont été déposées à l’Anah et 40 000 sont validées. Ce dispositif remplacera définitivement le CITE au 1er janvier 2021Il sera alors ouvert aux copropriétés et aux propriétaires bailleurs. Aujourd’hui, seuls les propriétaires occupants sont aidés.

Renforcement des contrôles

Plusieurs autres aspects du nouveau dispositif permettront ou non de réussir à le rendre plus efficace. D’abord, la publication des objectifs imposés aux fournisseurs d’énergie. Ceux-ci doivent contribuer à la rénovation des bâtiments. On devrait connaître dans les prochaines semaines leurs quotas à réaliser entre 2022 et 2026. Il y a aussi la question encore plus essentielle de la formation et la qualification des artisans. Pour être apte à rénover des logements, il faut être labellisé RGE (Reconnus garant de l’environnement). Environ 50.000 artisans en France ont ce label. Mais il est bien trop facile à obtenir. Les contrôles sur les chantiers sont presque inexistants. Un environ tous les cinq ans…

Le renforcement des contrôles est pourtant indispensable pour permettre de limiter les fraudes et les arnaques, particulièrement nombreuses dans ce secteur. Il y va de la confiance des clients et donc de la réussite de la rénovation énergétique.

Enfin, il faut des outils de mesure de l’efficacité réelle des dispositions et des sommes engagées. Il faut pouvoir les adapter et les améliorer rapidement. Cela devrait être le rôle de l’Observatoire national de la rénovation énergétique. Sa création a été annoncée en  2018. Il devrait bientôt voir le jour…

La rédaction