Transitions & Energies
Building Site Wikimedia

Le gouvernement fait prudemment son marché dans les propositions de la Convention citoyenne


Le gouvernement a annoncé lundi 27 juillet les premières mesures «réglementaires» inspirées des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Accélérer la rénovation thermique des logements, la fin des chaudières au fuel et la fin des terrasses chauffées sont les principales annonces. Les sujets qui fâchent ont été remis à une concertation avec les élus et à une loi en 2021.

Dans le bric-à-brac plus ou moins anecdotique, plus ou moins folklorique et plus ou moins sérieux des 149 mesures concoctées par la Convention citoyenne pour le climat, le gouvernement a décidé de faire son choix. Sans vraiment le dire comme cela. Il s’agit de montrer -comme d’autres gouvernements avant lui du Grenelle de l’environnement de Nicolas Sarkozy à la Cop 21 de François Hollande- que sa fibre environnementale va au-delà des mots.

Quant à la mise en œuvre d’une transition énergétique ambitieuse, planifiée, réaliste et efficace, il s’agit d’une toute autre question. Rappelons que la Convention de 150 citoyens tirés au sort, dont déjà la légitimité pose question tout comme celle des différents intervenants qui ont dicté à ses membres la voie à suivre, a réussi le tour de force de proposer une stratégie de transition énergétique sans aborder les questions majeures du nucléaire, de la taxe carbone et d’une politique à l’échelle européenne… Il n’était pas question, non plus, de financements, de conséquences économiques, sociales, politiques, d’innovations, de réalités technologiques et industrielles, d’investissements…

Rénovation thermique, fin des chaudières au fuel et fin des terrasses chauffées

Le gouvernement a en tout cas annoncé lundi 27 juillet, par la voix de la nouvelle ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, des premières mesures «réglementaires» à l’issue d’un Conseil de défense écologique présidé par Emmanuel Macron. Des lois plus «ambitieuses» devraient être soumises au Parlement l’an prochain.

Ce conseil s’est notamment penché, il était temps, sur la lutte contre les passoires thermiques. Reste à s’assurer que la rénovation en sera bien une. Selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), seulement 25% des rénovations énergétiques de logements réalisées entre 2014 et 2016 ont permis d’améliorer d’une classe le diagnostic de performance énergétique et 5% de gagner deux classes…

Il faudra aussi convaincre les Français. Ils font des travaux dans leur logement plus pour l’amélioration du confort (52%) que pour la réduction des factures d’énergie (24%), selon un récent sondage de Cofidis. Et il sera nécessaire d’avoir des outils de mesure, de ce qui est fait et de ce qui est à faire, efficaces. L’Observatoire national de la rénovation énergétique, annoncé depuis 2018, n’existe toujours pas.

En tout cas, la rénovation thermique des bâtiments est bien une question majeure. Le chauffage et la climatisation représentent 39,5% de la consommation finale d’énergie en France et 27% des émissions de CO2. C’est aussi essentiel que les transports et sans doute un domaine dans lequel l’action publique peut être efficace rapidement. Sur un parc de 35 millions de logements, la France compte environ 7,5 millions de «passoires thermiques».

Le gouvernement va introduire, par décret, la performance énergétique parmi les critères de la «décence» d’un logement dès le 1er janvier 2023. Les personnes qui vivent dans des habitations consommant plus de 500 kW/h au mètre carré par an pourront exiger que leur propriétaire fasse des travaux. Sinon, ce dernier s’exposera à ne plus percevoir de loyer, voire à être interdit de location du logement en question. La mesure est spectaculaire, mais son impact s’annonce limitée. Elle est très loin de concerner toutes les «passoires thermiques». Le seuil fixé ne devrait toucher que quelques 250.000 logements classés G sur 3,1 millions de «passoires thermiques» classées F et G…

Par ailleurs, il sera interdit à partir de janvier 2022 d’installer des chaudières au fuel et au charbon dans des logements neufs. Les chaudières au fuel ou au charbon en panne devront, toujours à partir de 2022,  être remplacées obligatoirement par une chaudière moins polluante.

Eviter les questions qui fâchent

Autre décision, le gouvernement va interdire les terrasses chauffées aux cafés et restaurants à partir de 2021. Et c’est cette mesure, somme toute relativement anecdotique, qui suscite le plus de réactions. Barbara Pompili a expliqué que chauffer les terrasses «constitue une aberration écologique. […] On ne peut pas climatiser la rue en plein été lorsqu’il fait 30 degrés et on ne peut pas chauffer à plein régime en hiver, pour le simple plaisir de boire son café en terrasse en ayant chaud.» Des arguments qui sont difficilement contestables. Mais les restaurateurs et les cafetiers, qui sont déjà fortement touchés par la crise sanitaire, estiment être maltraités. Il existe, uniquement à Paris, pas moins de 12.500 établissements dotés de terrasses chauffées.

Le Conseil a pourtant tenté d’éviter les questions qui fâchent comme la limitation de la vitesse à 30 kilomètres heure dans les agglomérations ou l’instauration d’un moratoire sur les nouvelles zones commerciales en périphérie des villes. Cette dernière mesure est populaire dans l’opinion, mais pas du tout auprès de nombreux maires qui cherchent à attirer emplois et populations. La ministre va donc organiser des concertations avec les élus qui commencent dans les prochains jours. Le gouvernement compte ensuite présenter un projet de loi regroupant plusieurs mesures en «septembre-octobre», afin que le texte soit voté l’an prochain.

Certaines mesures proposées par la convention, liées notamment au développement de transports dits propres, devraient aussi se retrouver dans le plan de relance économique du gouvernement qui sera présenté le 24 août en conseil des ministres. Le 14 juillet, Emmanuel Macron avait dit vouloir «redévelopper massivement» le secteur ferroviaire. Il avait également évoqué un plan de développement de l’hydrogène et même «un grand programme de rénovation» énergétique concernant les écoles et les Ehpad dans un premier temps. Pour ce qui est du fret ferroviaire, le Premier ministre Jean Castex a annoncé lundi 27 juillet la création «d’autoroutes ferroviaires» avec notamment la réouverture de la ligne Perpignan-Rungis –le train des primeurs–, et la construction de deux lignes entre Cherbourg et Bayonne et entre Sète et Calais.

Enfin, le président de la République avait  aussi souhaité inscrire «le plus vite possible» la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution. Mais «le plus vite possible» passe par une procédure de révision de la Constitution compliquée et longue. A moins que la tentation d’un référendum l’emporte…

La rédaction