Transitions & Energies
Batteries sur roues

Les progrès permanents et spectaculaires des batteries, un fantasme


C’est un mythe entretenu depuis des années par les constructeurs de voitures électriques. Celui des progrès constants effectués par les batteries et les promesses de nouvelles technologies qui vont bientôt permettre d’augmenter considérablement leur autonomie, de réduire fortement leur temps de recharge et d’abaisser leurs prix. La réalité jusqu’à aujourd’hui est assez différente.

Avec les centaines de milliards de dollars et d’euros investis dans les voitures électriques, la pression grandissante mise dans de nombreux pays par les gouvernements sur les constructeurs automobiles pour les fabriquer et sur les consommateurs pour les acheter, les attentes de progrès sur les batteries sont de plus en plus grandes. D’autant plus, que les annonces de percées technologiques imminentes se succèdent depuis des années.

Des promesses non tenues et des annonces toujours plus spectaculaires

Les batteries sont le cœur des véhicules électriques. Elles représentent de loin la part la plus importante de sa valeur, autour de 40%. Elles conditionnent aussi de fait son autonomie, ses performances, son prix et sa facilité d’utilisation. Les véhicules électriques ne pourront surmonter les limites de leurs usages et de leurs performances par rapport à leur équivalent à moteur thermique que par une augmentation importante des performances des batteries. Cela ouvrira alors la porte à la vente généralisée des véhicules électriques sur la plupart des marchés. Voilà pour le scénario idéal des promoteurs de l’électrique. Aujourd’hui, si les véhicules électriques se vendent, c’est avant tout parce qu’ils sont subventionnés. Et cela est vrai aussi bien en Chine qu’en Allemagne, en Norvège ou en France.

Les promesses de rupture technologique sur les batteries ne se sont pas encore concrétisées. Sans parler des problèmes d’empreinte carbone et de dégâts environnementaux liés à la fabrication des batteries et à l’extraction des matières premières indispensables à leur construction. C’est la raison pour laquelle la fabrication d’un véhicule électrique laisse une empreinte carbone deux à trois fois supérieure à celle d’un véhicule thermique.

Des progrès à petits pas mais pas de percée technologique

Il n’y a pas d’industrie plus mondialisée que celle des batteries lithium-ion. Les matières premières viennent d’Afrique et d’Amérique du sud, elles sont raffinées en Chine et les cellules sont également fabriquées en grande partie en Chine et en Asie. Enfin, les voitures sont assemblées en Europe, au Japon, aux Etats-Unis… et en Chine. L’Europe tente maintenant de produire des batteries sur son sol avec un programme baptisé «l’Airbus de la batterie» pour retrouver dans ce domaine devenu stratégique une certaine souveraineté.

Bien sûr, les coûts des batteries ont baissé au cours des dernières années et leur densité énergétique a augmenté. Mais ces progrès sont lents et n’ont rien à voir avec les prévisions et les promesses faites depuis plusieurs années. Les annonces de batteries révolutionnaires rappellent celles, dont étaient saturés les médias il y a quelques années, de l’arrivée imminente sur nos routes de la voiture autonome

On peut même parler pour les batteries de régression. Pour faire face aujourd’hui à l’augmentation rapide de la demande de véhicules électriques, les constructeurs prennent parfois des batteries utilisant des technologies moins performantes d’il y a quelques années.

En Chine, sur le plus grand marché mondial de voitures électriques, les véhicules utilisant des batteries lithium ion phosphate, la technologie d’il y a dix ans, représentaient l’an dernier plus de 40% du marché contre 33% en 2019 selon l’agence Bloomberg. Ces batteries ont des performances inférieures en terme de densité énergétique d’environ 30% par rapport aux batteries de conception plus récentes.

Contradiction entre densité énergétique et sécurité

Il y a deux éléments à prendre en compte. La complexité technologique des systèmes de batteries et la viabilité économique des nouveautés sans cesse annoncées. Il y a une contradiction technique qui semble aujourd’hui très difficile à surmonter entre l’augmentation de la densité énergétique et la sécurité des batteries. Plus une batterie concentre d’énergie, plus l’autonomie d’un véhicule est grande. Mais cela a aussi pour conséquence aujourd’hui de réduire la durée de vie des batteries en augmentant la rapidité de dégradation des composants. En plus, de nombreuses batteries ayant une forte densité énergétique n’ont pas une composition chimique très stable et sont vulnérables à l’auto combustion.

Pour surmonter ces obstacles techniques, une des solutions semble être celle des batteries solides qui sont en théorie, plus sûres, plus puissantes et éventuellement moins coûteuses. D’autres solutions consistent à augmenter la densité énergétique des batteries en utilisant plus de nickel et moins de cobalt. Les progrès ont été jusqu’à aujourd’hui limités et n’ont pas débouché sur des productions de masse. Notamment, car ces technologies ont de sérieux inconvénients.

Ainsi, les batteries solides ont une plus grande capacité de stockage mais délivrent plus lentement leur puissance. Leur principal problème, aujourd’hui non résolu, est la formation de dendrites, un amas excédentaire d’électrolyte solidifié qui détruit la batterie. Quand à celles qui ont une densité plus grande en nickel, elles sont chimiquement plus instables que les lithium ion traditionnelles.

Quand la spéculation s’en mêle

Les exemples de problèmes techniques rencontrés par des sociétés innovantes dans les batteries sont multiples. Ainsi, QuantumScape qui compte parmi ses actionnaires Volkswagen, Soros et Bill Gates est entré en Bourse le 27 novembre 2020. Le cours de son action s’est envolé, gagnant plus de 250% en moins d’un mois. Une spéculation alimentée notamment par des articles annonçant que la société était un futur Tesla. QuantumScape, qui a perdu plus d’un milliard de dollars en 2020,  a annoncé avoir surmonté le problème des dendrites et créé des batteries solides qui conservaient 80% de leurs capacités après 1.100 cycles de décharge-recharge. QuantumScape annonçait une commercialisation de ses cellules d’ici 2024. Et puis l’action a plongé perdant 60% de sa valeur. Le 4 janvier, Seeking Alpha a écrit que les batteries de QuantumScape sont «petites et non testées et n’ont jamais été expérimentées en-dehors d’un laboratoire». Quelques jours plus tard, un cabinet d’avocats de New-York a lancé une action de groupe contre QuantumScape au nom d’actionnaires qui estiment avoir été trompés.

Le constructeur automobile chinois Nio, spécialisé dans l’électrique, a lui aussi fait des promesses qui semblent inconsidérées. Il a annoncé en janvier lancer la production de batteries permettant une autonomie de 1.000 kilomètres avant la fin de l’année. Cela semble d’autant plus optimiste que dans le même temps, Nio a décidé d’utiliser des batteries avec moins de nickel pour des raisons de «performances et de coûts».

Le développement accéléré  dans le monde du marché du véhicule électrique à batteries et les centaines de milliards de dollars et d’euros investis suscitent des appétits et des convoitises sans limites. Des centaines d’entreprises et des milliers de chercheurs travaillent à une percée technologique dans les batteries. Ils ont besoin de capitaux et donc d’attirer l’attention par des annonces et des promesses spectaculaires. Un système dont il ne faut surtout pas être dupe.

La rédaction