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Les producteurs d’électricité renouvelable éolienne n’entendent pas lâcher la poule aux œufs d’or


Face à la flambée des prix de l’électricité, qui a représenté l’an dernier et dans une moindre mesure cette année une aubaine incroyable pour les producteurs d’électricité renouvelable, le gouvernement a voulu déplafonner les surplus qu’ils doivent verser à l’Etat au-delà du prix qui leur est garanti. Ce dernier leur assure déjà une rentabilité plus que confortable. Mais les producteurs ne l’entendent pas de cette oreille. Ils ont porté l’affaire devant le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel. Ce dernier vient de leur donner raison. Résultat, une perte de 2 à plus de 3 milliards d’euros pour l’Etat. Une somme qui reste dans les poches des parcs éolien.

Pour encourager le développement de la production d’électricité à partir de sources renouvelables intermittentes (éolien et solaire), le gouvernement a contraint EDF depuis près de dix ans à offrir à ses productions un accès prioritaire au réseau et un prix minimum garanti. Un investissement sans le moindre risque. L’Etat a donc mis en place depuis 2015 des contrats dits de « complément de rémunération » entre les producteurs et EDF. Il y a tout de même une limite et si les prix de marché dépassent le prix garanti, les producteurs reversent alors la différence à l’Etat.

Mais certains de ces contrats mal négociés par la puissance publique fixent un plafond à ses versements. Le gouvernement a souhaité supprimer ce plafond de façon rétroactive au 1erjanvier 2022 à la suite de l’envolée des tarifs de l’électricité après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Les profits de certains producteurs d’électricité renouvelables étaient alors devenus inacceptables, au détriment des consommateurs et de l’Etat.

Un recours gagnant devant la justice administrative

Mais France Renouvelables (ex-France Energie Eolienne), qui comme son ancien nom l’indique regroupe les producteurs d’électricité éolienne, a déposé un recours devant la justice administrative, contestant la rétroactivité de la décision et «une atteinte disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues». Et l’association a obtenu gain de cause auprès du Conseil constitutionnel. Il vient de censurer la semaine dernière la disposition du projet de loi de finances rectificative 2022 qui déplafonnait les reversements demandés par l’Etat aux producteurs d’électricité renouvelable. L’institution, saisie par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité «censure l’insuffisante précision des dispositions» instaurant ce déplafonnement. «Le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant le droit au maintien des conventions légalement conclues».

Les critères permettant à l’Etat de définir le seuil à partir duquel les revenus des producteurs doivent retomber dans ses caisses ne figurent pas dans la loi, mais doivent être définis par un arrêté ce qui est jugé inconstitutionnel.

Un manque à gagner pour l’Etat de 2 à 3 milliards d’euros

Pour autant, sur le fond, «dans un contexte de forte hausse des prix de l’électricité, le législateur a entendu corriger les effets d’aubaine dont ont bénéficié les producteurs qui ont reçu un soutien public, afin d’atténuer l’effet préjudiciable de cette hausse pour le consommateur final. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général» estime le Conseil constitutionnel. Encore heureux ! Cela représente tout de même un manque à gagner compris entre deux et plus de trois milliards d’euros pour l’Etat en 2022 et 2023.

Car en 2022 et 2023, les quelque 9.000 éoliennes installées en France devaient rapporter 6,6 milliards d’euros au budget de l’Etat. Selon la Commission de régulation de l’énergie, 30 à 50% de ses recettes étaient directement liées à la mesure de déplafonnement des contrats se trouvant dans la loi de finances rectificative de 2022.

Le gouvernement pourrait effectuer une nouvelle tentative pour récupérer ses profits indus dans la loi de finances 2024 en proposant un amendement un peu plus précis…

La rédaction