Transitions & Energies

Pour «changer le monde», devenez ingénieur!


Patrick Caine, Directeur général de Thales, se montre inquiet de «l’extraordinaire perte d’influence des experts techniques dans la prise de décision politique en matière d’énergie». Plus particulièrement dans un pays comme la France qui a subi une «profonde vague de désindustrialisation» qui l’a appauvri et a détruit une partie de son tissu économique et social.

Face au retour en force d’un millénarisme quasi-religieux et l’avalanche de nouveaux prophètes de l’apocalypse, sans cesse relayés par des médias complaisants, qui nous promettent la «disparition» de la planète, certains diplômés semblent perdus et rejettent la science et la technologie. Le Directeur général de Thales, Patrice Caine, a pris le contrepied du nihilisme ambiant en appelant les jeunes à devenir ingénieurs plus que jamais pour être capables de «changer le monde».

«Si vous voulez changer le monde, devenez ingénieurs: voilà ce que nous devrions dire à nos enfants. Ces formations et ces métiers constituent notre seul véritable levier pour faire advenir, à l’échelle pertinente, de nouvelles manières de produire, d’habiter, de consommer», a affirmé Patrick Caine dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche. Le texte est titré: «Remettons l’ingénieur au cœur de la cité».

«Extraordinaire perte d’influence des experts technique»

La remise en cause de la science, des progrès matériels et technologiques et des ingénieurs peut paraître saugrenue aujourd’hui. En ce début d’année 2023 marqué par une crise énergétique majeure, une pénurie massive de compétences scientifiques et techniques, la diffusion à grande échelle de théories complotistes facilitée par la baisse générale du niveau scolaire, les lendemains d’une pandémie planétaire et le retour au premier plan des enjeux de souveraineté industrielle. Mais elle est la conséquence bien réelle d’une guerre idéologique menée par les «défenseurs de la planète».

Patrick Caine s’inquiète ainsi de «l’extraordinaire perte d’influence des experts techniques dans la prise de décision politique en matière d’énergie» dans un pays qui a subi une «profonde vague de désindustrialisation» qui l’a appauvri et a détruit une partie de son tissu économique et social, notamment dans la France dite périphérique.

Une allusion au réquisitoire hallucinant à la fin de l’année dernière devant la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la Souveraineté et l’indépendance énergétique, d’Yves Bréchet, ancien Haut-commissaire à l’énergie atomique. Il avait notamment dénoncé «l’ignorance stupéfiante» des politiques sur l’énergie. L’inculture crasse scientifique et technique de la classe politique étant pour Yves Bréchet «au cœur du problème» de la politique énergétique française».

«Se condamner à l’inaction»

«A court terme, nous allons devoir rapidement développer les énergies renouvelables, les nouvelles générations de pompes à chaleur, des nouvelles technologies de batteries, concevoir des bâtiments à énergie passive, de nouvelles modalités de transport bas carbone, qui va s’en charger, si ce ne sont pas les ingénieurs?» s’interroge Patrick Caine.

Ingénieur de formation, M. Caine était déjà intervenu dans le débat public au début de l’année 2022 pour demander avec une trentaine d’autres patrons de «sauver les maths» et renforcer l’enseignement des sciences à l’école face à la vague de remise en cause de la compréhension même basique du fonctionnement du monde. Sa tribune fait notamment suite à la «remise en cause de la formation qu’ils venaient de recevoir» par un groupe de jeunes diplômés d’AgroParis Tech en mai dernier «au nom de l’écologie».

«Qu’on le veuille ou non, notre monde est modelé par la technique. Il en est ainsi depuis que l’espèce humaine s’est sédentarisée il y a quinze mille ans, et nous savons qu’il n’y aura pas de retour en arrière… Les ingénieurs ne sont pas ceux qui en savent le plus sur notre environnement, mais ce sont eux en revanche qui savent le mieux comment agir sur lui», explique M. Caine. «Et refuser d’admettre cette réalité en y voyant du techno-solutionnisme, c’est en pratique se condamner à l’inaction et à un avenir bien sombre», affirme le patron du groupe d’aérospatiale et d’électronique.

«Oui, nous allons devoir repenser certains aspects de nos modes de vie, de notre rapport à la nature, voire de notre organisation sociale… Chercher des réponses à des problèmes complexes en prenant les contraintes de l’environnement et en optimisant l’usage des ressources, ce pourrait être la définition même du métier d’ingénieur».

La rédaction