<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le Portugal déchiré par la guerre du lithium

9 septembre 2021

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Salarde Atacama Gisement Lithium Chili Wikimedia Commons
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Le Portugal déchiré par la guerre du lithium

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Les technologies de la transition énergétique nécessitent des quantités importantes de matières premières et de métaux, et notamment de lithium pour la fabrication des batteries. L'Europe dépendante pour son approvisionnement veut exploiter le lithium de son sous-sol. Le Portugal, dont les réserves sont importantes, a même décidé d'en faire une priorité de son développement économique. Une première mine doit voir le jour dans le nord du pays, mais les populations locales s'y opposent. Les mines de lithium génèrent une importante pollution.

Ce qui se passe aujourd’hui dans la province portugaise de Tras-os-Montes, littéralement derrière la montagne, la plus isolée et la plus éloignée de Lisbonne, est une bonne illustration des réalités de la transition énergétique. Cette province a dans son sous-sol d’abondantes ressources en lithium. Il s’agit d’un métal indispensable pour produire les batteries de nos équipements électroniques et plus encore des véhicules électriques. Selon de nombreuses estimations, nous allons souffrir dans quelques années d’une pénurie mondiale de lithium. Faute d’investissements, les ressources exploitables seront inférieures à des besoins qui augmentent très rapidement. La demande de batteries lithium-ion pourrait être multipliée par 8 au cours des dix prochaines années.

Alimenter les dizaines de gigafactories de batteries qui vont voir le jour en Europe

Cela pose en outre un problème de souveraineté à l’Europe qui dépend pour le lithium et son raffinement de l’Amérique latine et surtout de la Chine. Elle doit absolument parvenir à un certain niveau d’indépendance dans la production et le raffinage des métaux dits stratégiques pour assurer un avenir à son industrie automobile. Il lui faut donc exploiter sur son sol des mines de lithium pour alimenter les dizaines de gigafactories qui vont se créer un peu partout en Europe pour fabriquer des batteries. Une mine à ciel ouvert devrait voir le jour bientôt dans la province de Tras-os-Montes à côté du village de Covas do Barroso… Elle sera exploitée par le groupe minier britannique Savannah Resources. Mais les populations locales y sont farouchement opposées, notamment parce que les conséquences environnementales et économiques seront lourdes.

L’exploitation du lithium est extrêmement polluante. Parce que ce métal est très réactif au contact de l’air, il n’existe que quand il est enfermé et protégé dans une gangue d’autres matériaux. Cela explique pourquoi son exploitation est à la fois difficile, coûteuse et nécessite de retirer du sous-sol des quantités considérables de matériaux.

Pour donner un ordre d’idées, la batterie lithium-ion d’un véhicule électrique pèse environ 400 kilos. Elle contient 15 kilos de lithium. Pour les obtenir, il faut traiter 10 tonnes de saumure de lithium… Sans parler de la consommation d’eau. Il faut plus de 2.000 tonnes d’eau pour retirer de terre une tonne de lithium.

Des régions d’agriculture traditionnelle

Le gouvernement portugais a néanmoins décidé de faire de son pays un acteur important du lithium et y voit une opportunité économique. Les réserves du sous-sol sont importantes, au moins de 10% de celles existant en Europe, et relativement facilement accessible. Bien plus par exemple qu’en Alsace et en Allemagne où il faut aller chercher le lithium dans les nappes d’eau chaude profondes du fossé rhénan. Lisbonne a adopté il y a déjà trois ans une stratégie nationale du lithium construite sur des milliards d’euros d’investissements. Elle comprend des mines mais aussi une usine pour raffiner le métal et une autre pour fabriquer des batteries. L’ambition est d’attirer des activités à haute valeur ajouté et avec elles des emplois qualifiés bien payés. «Nous voulons utiliser nos réserves de lithium pour profiter de la valeur ajoutée résultant de la décarbonation», explique Joao Pedro Matos Fernandes, le ministre de l’environnement portugais. Son gouvernement a d’ores et déjà accordé deux licences d’exploitation de mines de lithium et désigné neuf régions où prospecter afin de trouver ce qu’il appelle «l’or blanc».

Le problème est que le lithium se trouve aujourd’hui dans des endroits très préservés à la fois en terme de beauté des paysages et de mode de vie… comme le village de Covas do Barroso. La région dans laquelle il se trouve a été classée en zone d’héritage par les Nations-Unies et plus particulièrement la FAO (Food and Agriculture Organization) compte tenu des méthodes agricoles ancestrales toujours utilisées. La plupart des habitants vivent de l’agriculture et de l’élevage. Selon de nombreuses organisations hostiles aux projets miniers, cette économie sera détruite par l’exploitation du lithium. Qui voudra de la viande et des fromages provenant d’une région minière. Et puis économiquement, les doutes existent sur les retombées réelles pour les populations locales.

Selon Nuno Forner, de l’ONG group Zero, les sociétés étrangères s’intéressent au lithium du sous-sol portugais mais n’ont pas l’intention de la raffiner sur place.  «Il n’y a aucun engagement concret de sociétés pour aider à construire une raffinerie de lithium ou une usine de fabrication de batteries. Il y a de grandes chances que l’exploitation très profitable des matériaux bruts se passent à l’étranger», affirme-t-il. L’Agence portugaise de protection de l’environnement s’est engagée à étudier étroitement les impacts des projets des groupes miniers. Mais group Zero estime que l’impact sur des espèces animales en danger n’est même pas pris en compte.

Le gouvernement portugais espère que les travaux sur la première mine, celle de Covas do Barroso, commenceront l’année prochaine.

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