Transitions & Energies
Flamanville Chantier EDF

Nucléaire: l’Etat demande à EDF de pouvoir construire six nouveaux EPR


Rien n’est définitif et encore moins officiel. Le gouvernement a tout de même adressé à EDF,  le 12 septembre, une lettre demandant d’évaluer l’état de la filière nucléaire et sa capacité à construire six nouveaux réacteurs EPR. Son contenu, rendu public par Le Monde, est minimisé. «Une hypothèse de travail» a immédiatement assuré le gouvernement… qui ne présage «en rien des décisions» à venir concernant le secteur. «Le gouvernement dément formellement la moindre décision en matière de construction de réacteurs nucléaires», affirme le ministère de la Transition écologique.

En matière nucléaire, le gouvernement a peur de son ombre. Il a déjà décidé, en catimini, d’abandonner le projet de prototype de réacteur nucléaire de quatrième génération dit à neutrons rapides baptisé Astrid (acronyme de l’anglais Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration).

Cette prudence et cette difficulté à prendre des décisions et à communiquer s’expliquent notamment par la crainte qu’inspire l’énergie nucléaire dans l’opinion publique et par l’hostilité historique des écologistes à cette énergie, bien avant que se pose la question environnementale. Le problème semble d’autant plus insoluble que l’opinion est particulièrement mal informée, notamment sur l’impact de l’énergie nucléaire sur l’environnement. Un sondage réalisé en avril par BVA montrait que dans l’esprit de la grande majorité des Français (69%), les centrales nucléaires contribuent au réchauffement de la planète. Ce qui est totalement faux. Elles n’émettent quasiment pas de gaz à effet de serre. Encore plus préoccupant, les moins bien informés sont les plus jeunes. Toujours selon le sondage BVA, 86% des 18-34 ans interrogés jugeaient le nucléaire néfaste pour le climat…

«Démontrer sa capacité à répondre à un programme de construction…»

Dans la lettre adressée au PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, les ministres de l’Économie et de la Transition écologique, Bruno Le Maire et Élisabeth Borne, lui demandent de travailler à une analyse des forces et faiblesses de la filière et esquissent un calendrier. EDF doit ainsi fournir à la «mi-décembre 2019, une analyse des capacités de la filière nucléaire pour être en mesure de répondre à l’exécution d’un programme de construction de trois paires de réacteurs sur trois sites distincts, chaque paire étant espacée de quatre ans… Nous souhaitons que la filière nucléaire se mobilise pour apporter au gouvernement les éléments permettant de démontrer sa capacité à répondre à un programme de construction de nouveaux réacteurs dans des délais et des coûts impartis».

Il faut dire que la filière nucléaire française est à la fois affaiblie et décrédibilisée par les déboires et les retards à répétition du chantier de l’EPR de Flamanville (voir image ci-dessus). Le chantier aura au moins dix ans de retard et les coûts de construction auront été multipliés par quatre. A tel point que des doutes sérieux existent maintenant sur la capacité de cette filière à construire des centrales de nouvelle génération dans des conditions économiques et techniques maitrisées. C’est l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) qui le dit. Auditionnés en mai dernier par les parlementaires de l’Office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), les dirigeants de l’ASN mettaient en avant la perte dramatique de savoir-faire et de compétence de l’industrie française.

Le gouvernement se trouve face à des choix techniques et politiques particulièrement difficiles et, comme l’indiquait la Cour des comptes en juillet, a beaucoup de mal à trancher et prendre des décisions. Les centrales nucléaires, qui produisent près des trois quart de l’électricité, permettent à la France d’être l’un des pays les plus vertueux en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Selon l’Environmental Performance Index de l’université Yale, la France est le deuxième pays au monde le plus performant en matière énergétique… grâce notamment au nucléaire.

Remplacer les centrales vieillissantes par des sources renouvelables, éoliennes et solaires, n’apporte rien en matière d’émissions de CO2 et affaiblit la fiabilité du réseau car les renouvelables sont par nature intermittents. Le gouvernement doit donc convaincre l’opinion publique qu’il faut conserver encore pendant des décennies et renouveler une base nucléaire à la production d’électricité et pour cela faire preuve de pédagogie et de transparence. Il ne semble pas en prendre le chemin.

La rédaction