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Graphite naturel Wikimedia Commons

Le nouveau pétrole n’est pas le lithium ou le cuivre, mais le graphite


On ne peut pas fabriquer de batteries lithium-ion sans graphite. C’est un élément indispensable de l’anode de la batterie. En l’état actuel des choses, les producteurs de graphite, essentiellement chinois, seront incapables de répondre à la demande provenant du développement des véhicules électriques. La bataille pour sécuriser les approvisionnements en graphite s’annonce sévère.

Il n’y a pas que le manque de lithium, de cobalt voire de cuivre et de nickel qui constituent une menace pour le développement des véhicules électriques et plus particulièrement un goulet d’étranglement pour la fabrication des centaines de kilos de batteries lithium-ion qui équipent chaque véhicule. La capacité à produire du graphite en quantité suffisante commence aussi à poser de sérieux problèmes.

Pour se rendre compte, voilà avec quoi est fabriquée une batterie lithium-ion de 400 kilos d’une technologie classique. Elle contient 15 kilos de lithium, 30 kilos de cobalt, 60 kilos de nickel, 90 kilos de graphite et 40 kilos de cuivre. Plus parlant encore, pour en retirer les 15 kilos nécessaires, il faut traiter 10 tonnes de saumure de lithium. Pour obtenir les 30 kilos de cobalt, c’est 30 tonnes de minerai. Pour les 60 kilos de nickel, on en est à 5 tonnes de minerai. Il faut 6 tonnes pour les 40 kilos de cuivre et une tonne pour les 90 kilos de graphite. Le graphite est indispensable car toutes les anodes de batteries utilisent ce matériau. Ce n’est pas pour rien si l’Union Européenne et les Etats-Unis ont fait du graphite un matériau stratégique.

Une pénurie inévitable

A en croire, les spécialistes de ce marché, la pénurie de graphite semble aujourd’hui inévitable. Et tout aussi préoccupant, la production de graphite fait l’objet d’un quasi-monopole chinois. Plus de 70% du graphite est produit en Chine et la domination de ce pays sur le marché a augmenté avec la pandémie de Covid-19. La Chine a redémarré très rapidement en 2020 ses usines, plus vite que les autres pays, s’assurant d’une domination encore plus grande du marché.

A la fin de l’année dernière, l’agence de conseil britannique Benchmark Minerals,spécialisée dans la chaîne de valeur des batteries Lithium-ion, alertait sur une pénurie à venir du graphite. Elle estimait que le marché du graphite naturel risquait d’être en sous-production dès 2023 et celui du graphite synthétique à partir de 2026.

 La raison en est simple. En 2020, seuls 30% des 770.000 tonnes de consommation annuelle mondiale de graphite étaient utilisés pour la fabrication de batteries. Les 70% restant ont été principalement destinés à la métallurgie la fabrication de lubrifiants et diverses applications dans les composants électriques. L’explosion attendue et provoquée par les pouvoirs publics des ventes de véhicules électriques à batteries devrait tout changer. En 2030, les besoins en graphite pour le seul marché des batteries sont estimés à plus de 3 millions de tonnes par an, soit plus de quatre fois la taille du marché actuel d’après les projections de Benchmark Minerals. Les autres utilisations du graphite ne représenteraient plus que 20% de la demande à horizon 2030 (854.000 tonnes par an).

Comment susciter la naissance d’une industrie du graphite

Or, les producteurs –principalement chinois– de graphite seront incapables de répondre à la demande. La Chine décidera donc quels fabricants de batteries et quels constructeurs automobile seront approvisionnés… Notamment, parce qu’elle maitrise presque seule la technologie pour fabriquer l’anode en graphite des batteries. «La Chine est aujourd’hui la seule à maîtriser l’étape stratégique du traitement du graphite. Ce qui signifie que, même si l’on parvient à s’approvisionner ailleurs en matière première, il faudra tout de même envoyer le graphite extrait en Chine pour fabriquer l’anode-graphite», résume Cabrero Vilatela, la Directrice de la recherche et du développement du producteur américain d’anodes Urbix.

La seule solution pour éviter la pénurie consiste, d’après les spécialistes de Benchmark, a permettre à de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché. Et cela ne se fera pas sans une intervention des Etats. Notamment, parce que le point clé est le traitement du graphite et la technologie pour le faire n’est pas facilement accessible. Elle demande des investissements financiers et humains importants.

Mais avoir de nouvelles capacités de production situées hors de Chine offrirait également d’autres avantages. Améliorer la traçabilité des matériaux et avoir quelques sur l’empreinte environnementale réelle de la fabrication de ces anodes. Le graphite synthétique, fabriqué à partir de résidus de pétrole et de charbon, pose de sérieux problèmes. Non seulement les matériaux utilisés émettent beaucoup de CO2, mais le processus de fabrication lui-même consomme énormément d’énergie; Il nécessite de très hautes températures (entre 2600°C et 3000°C). Aujourd’hui, personne ne connait exactement l’empreinte carbone de la production de graphite synthétique.

La rédaction