Transitions & Energies

Quand le gouvernement français redécouvre l’hydrogène


Jusqu’à présent, l’hydrogène a toujours été considéré avec beaucoup de méfiance en France. Ce n’est pas le cas en Allemagne, en Chine, en Corée du sud, au Japon, en Australie… Ces pays ont lancé des plans d’investissements dans cette énergie se chiffrant en milliards. Mais les choses semblent changer. Le ministre de l’Economie, Bruno Lemaire, évoque un partenariat avec l’Allemagne pour produire de l’hydrogène vert et Air Liquide annonce la construction de la première station d’Europe d’hydrogène à haute pression à Fos-sur-mer.

Depuis des années, la France refuser de miser sur l’hydrogène. La Chine, la Corée du sud, le Japon, l’Australie, la Californie et l’Allemagne ont eux franchi le pas avec des projets de milliards de dollars. Le Japon et la Corée ont même l’intention de créer des villes nouvelles alimentées uniquement en énergie par l’hydrogène. L’Allemagne vient d’annoncer, il y a trois semaines, son intention d’investir 9 milliards d’euros pour créer une filière de production d’hydrogène vert, sans émissions de gaz à effet de serre. Le ministre allemand de l’économie, Peter Altmaier, veut faire du pays «le numéro un des technologies de l’hydrogène». Déjà, à la fin de l’année dernière, le ministre des Transports allemand, Andreas Scheuer, affirmait que l’hydrogène était l’un des carburants du futur et la production d’hydrogène décarboné «une opportunité industrielle majeure».

Pas un euro des 100 millions annoncés en 2018 par Nicolas Hulot n’a été débloqué

Il y a deux ans, en juin 2018, la France s’était bien fixée l’objectif d’un financement, modeste, de 100 millions d’euros par an de développements dans l’hydrogène. Il s’agissait d’ailleurs d’une des dernières initiatives prises par Nicolas Hulot en tant que ministre de la Transition écologique et solidaire. Au jour d »aujourd’hui, pas un euro des 100 millions annuels n’a été débloqué…  Encore au début de l’année, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France (RTE) a publié un rapport qui est un enterrement de première classe de l’hydrogène. RTE ne voit aucune urgence à la transition vers de l’hydrogène bas carbone et n’a clairement pas la moindre envie de voir un réseau de distribution d’hydrogène vert  lui faire de l’ombre.

Quant à la fameuse PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028, rendue officielle en avril avec 18 mois de retard, elle fait à peine allusion à l’hydrogène.

Mais les choses sont peut-être, enfin, en train de changer… Le 30 juin, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances a annoncé, à la surprise générale, que le plan de relance de l’économie française inclura l’hydrogène dans le cadre d’un partenariat avec l’Allemagne. «Tout le monde me dit « il faut développer l’hydrogène », j’y suis très favorable. Dans le plan de relance, il y aura des éléments très forts pour développer la filière de l’hydrogène et nous le ferons en liaison avec l’Allemagne, dans un partenariat avec l’Allemagne», a déclaré Bruno Le Maire sur BFM TV. Il a aussi évoqué la possibilité que la France produise de l’hydrogène propre (sans émissions de CO2 par électrolyse) avec de électricité nucléaire. Une expérimentation a été lancée aux Etats-Unis à grande échelle pour fabriquer de l’hydrogène directement dans les centrales nucléaires.

Air Liquide construit à Fos-sur-Mer la première station d’hydrogène haute pression d’Europe

Coïncidence, un jour plus tard, le 1er juillet, le groupe Air Liquide a annoncé la construction de la première station d’hydrogène haute pression d’Europe. Elle alimentera la première flotte de camions à hydrogène effectuant des trajets sur de  longues distances. Cette station de grande capacité, une tonne d’hydrogène par jour à 700 bar de pression, , sera située sur le site d’Air Liquide à Fos-sur-Mer, en Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Elle permettra 20 rechargements journaliers en quelques minutes de camions hydrogène à moteurs électrique et piles à combustibles dont l’autonomie pourra atteindre 800 kilomètres. L’hydrogène est considéré dans le transport lourd de marchandises, routier comme ferroviaire, maritime et même aérien comme la seule vraie alternative aujourd’hui aux carburants fossiles. Daimler et Volvo se sont ainsi associés il y a trois mois pour développer ensemble des poids lours à hydrogène.

La station d’Air Liquide sera construite dans le cadre du projet HyAMMED1 (Hydrogène à Aix-Marseille pour une Mobilité Écologique et Durable) qui regroupe à la fois des industriels, des transporteurs, des acteurs de la grande distribution comme Carrefour, Coca-Cola European Partners et Monoprix soucieux de voir le transport de marchandises évoluer vers des solutions décarbonées. La station bénéficiera aussi d’un financement de la Région PACA et de l’Europe FCH JU (Fuel Cells and Hydrogen Joint Undertaking). Une expérience assez similaire a été lancée en Suisse cette année mais avec des véhicules plus «légers», de 18 tonnes.

L’une des nouveautés de la station de Fos-sur-Mer qui entrera en service début 2022 et qu’elle alimentera alors la première flotte européenne de huit camions électriques à hydrogène et pile à combustible «lourds» de 44 tonnes spécifiquement conçus pour ce projet. La station pourra également ravitailler des bus et autres véhicules utilitaires à hydrogène.

Air Liquide est un acteur industriel historique de l’hydrogène depuis 50 ans. Il maitrise  l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, de la production au stockage, à la distribution et au développement d’applications pour les utilisateurs. Il a conçu et installé plus de 120 stations de remplissage d’hydrogène dans le monde. Il se convertit aujourd’hui progressivement à l’hydrogène dit vert, fabriqué par électrolyse sans émissions de gaz à effet de serre et non plus à partir de gaz naturel.

La rédaction