Transitions & Energies

Les promesses de l’hydrogène blanc ou géologique


Après la découverte l’an dernier en Lorraine au fond d’une mine de charbon d’un gisement d’hydrogène géologique ou blanc, des chercheurs français en ont encore trouvé au fond d’une mine de chrome en Albanie. Même s’il est prématuré de considérer qu’il existe de nombreux gisements de ce type, cette possibilité pourrait totalement bouleverser l’économie de l’hydrogène et faire de cette molécule une véritable source d’énergie renouvelable décarbonée et non plus seulement un vecteur d’énergie qu’il faut fabriquer.

L’hydrogène est une source ou un vecteur d’énergie indispensable à la transition. Dans un grand nombre de domaines allant des transports sur longue distance (aérien, maritime et terrestre) à l’industrie lourde, il est souvent le seul substitut crédible aux combustibles fossiles. Le problème, c’est qu’il faut le fabriquer à partir de carburants fossiles, ce qui ne règle aucun problème, ou par électrolyse avec de l’électricité bas carbone, ce qui coûte particulièrement cher. La solution miracle existe peut-être, elle a pour nom hydrogène blanc, naturel ou géologique. On pensait qu’il en existait très peu piégé dans le sous-sol par la croute terrestre, c’était apparemment une erreur.

On a trouvé l’an dernier un gisement dans le sous-sol lorrain au fond d’une vieille mine de charbon. La Française de l’énergie a annoncé une découverte autour du puits de Folschviller (Moselle). Les premières estimations font état de 46 milliards de tonnes.  A nouveau une équipe de chercheurs français, de l’Université Grenoble Alpes, a révélé il y a quelques jours avoir trouvé un gisement dans une mine de chrome en Albanie. « Le bouillonnement est vraiment, vraiment intense, c’est comme un jacuzzi », a expliqué à la revue NewScientist Laurent Truche, un des géochimistes de l’Université de Grenoble Alpes.

Des milliards de tonnes dans le sol presque inaccessibles

Les chercheurs ont constaté que le gaz qui s’échappait d’une piscine à 1.000 mètres de profondeur est composé à plus de 80% d’hydrogène, avec du méthane et une petite quantité d’azote. La fuite d’hydrogène se fait à un rythme d’environ 200 tonnes par an. C’est tout simplement le plus grand flux d’hydrogène détecté à partir d’une seule source dans le monde. Sur cette base, les chercheurs estiment que le gisement pourrait contenir entre 5.000 et 50.000 tonnes d’hydrogène.

Selon Geoffrey Ellis, géochimiste américain travaillant pour le U.S. Geological Survey, « la majeure partie de l’hydrogène se trouvant dans le sous-sol est probablement inaccessible, mais une récupération de quelques pour cent permettrait encore de répondre à la demande prévue – 500 millions de tonnes par an – pendant des centaines d’années ». Geoffrey Ellis est le responsable d’une étude dont les conclusions provisoires montrent qu’il pourrait y avoir jusqu’à 5.000 milliards de tonnes d’hydrogène sous nos pieds. Le ministère américain de l’énergie vient d’allouer une première enveloppe de 20 millions de dollars dédiée à la recherche d’hydrogène blanc dans huit États du pays.

Extrapolations statistiques

Il faut toutefois rester prudent même si certains commencent déjà à parler d’une nouvelle ruée vers l’or, en l’occurrence vers l’hydrogène géologique. Au jour d’aujourd’hui, les milliards de tonnes potentielles d’hydrogène qui gisent sous la surface de la Terre restent « potentielles ». Leur existence repose sur des extrapolations statistiques, pas sur des gisements réels qui existent en très petit nombre. Mais il est clair que les recherches vont s’intensifier et que pour l’instant tous les espoirs sont permis. Car pouvoir exploiter des sources naturelles ou géologiques d’hydrogène décarboné pourrait totalement changer la donne de l’économie de l’hydrogène et en faire une solution majeure à la transition énergétique.

Les couleurs de l’arc-en-ciel

Il existe en fait toutes sortes d’hydrogène que l’on distingue essentiellement par la façon dont ils sont produits. Il y a les hydrogènes fortement carbonés, noir ou marron, car fabriqués avec du charbon et de la lignite et gris, de loin le plus abondant aujourd’hui, avec du gaz naturel par vaporeformage. Il y a aussi l’hydrogène bleu, bas carbone, fabriqué toujours avec du gaz naturel mais dont les émissions de CO2 sont capturées et stockées. Dans le même registre, il y a l’hydrogène turquoise, qui reste pour l’instant cantonné aux laboratoires, et consiste par pyrolyse à convertir du gaz naturel en hydrogène et en carbone solide. Il y a l’hydrogène vert, vanté par toutes les politiques publiques, qui consiste à produire la molécule par électrolyse de l’eau (H2O) en utilisant de l’électricité décarbonée issue des renouvelables.

Il y a une autre couleur de l’hydrogène, l’hydrogène rose (parfois aussi appelé hydrogène jaune), décarboné et produit toujours par électrolyse mais avec de l’électricité sortant cette fois des réacteurs nucléaires. Dans une centrale nucléaire, de l’hydrogène peut aussi être fabriqué à partir de la vapeur d’eau.

Enfin, l’hydrogène blanc, naturel ou géologique est d’une toute autre nature. Contrairement au pétrole et au gaz naturel issus de la décomposition de matières organiques accumulées entre 20 et 350 millions d’années qui ne se renouvellent pas, l’hydrogène blanc serait produit de façon continue par la terre. La plupart du temps, quand il n’est pas piégé par la croute terrestre, il s’échappe dans l’atmosphère grâce à sa légèreté et à la faible taille de sa molécule. Sa très faible masse ne permet pas à la gravité de le retenir dans l’atmosphère. Il poursuit donc sa course dans l’espace. On trouve la trace de ce passage fugace dans la composition de l’atmosphère où il ne représente que 0,55 partie par million (ppm) en volume de l’ensemble des gaz qui la compose (78% d’azote, 21% d’oxygène, 0,1 à 4% d’eau).

La rédaction