Transitions & Energies
Epaves de voitures

L’Europe va imposer la voiture électrique, au risque d’une crise économique et politique


Le magazine Forbes en est maintenant convaincu, la voiture électrique va s’imposer en Europe. Mais cela ne se fera pas sans sévères conséquences économiques, financières, sociales et politiques. «La révolution de la voiture électrique est sur le point de devenir sérieuse en Europe, et comme le changement est imposé par le haut il devrait conduire à de sévères conséquences pour les industriels et à un mécontentement populaire. Quand le message va passer que les voitures neuves ne sont plus abordables et que l’utilisation des transports publics devient une nécessité [quand elle est possible], attendez-vous à une sérieuse réaction politique», écrit Forbes.

L’accélération en Europe du passage à la voiture électrique est pour cette année selon le spécialiste allemand du marché automobile Matt Schmidt. Il prévoit que les ventes de véhicules électriques à batterie devraient atteindre 700.000 unités en Europe de l’ouest (Allemagne, France, Grande-Bretagne, Espagne et Italie) en 2020 et un million de 2021.

Les normes européennes restreignant massivement les émissions de CO2 des véhicules neufs entrent en vigueur en 2020 et seront encore renforcées au cours de la décennie suivante. Les constructeurs automobiles européens devront, à partir de 2020 et surtout 2021, émettre en moyenne 91 grammes de CO2 au kilomètre pour toute leur gamme. Avec de fortes amendes en cas de dépassement qui pourraient atteindre des milliards d’euros pour certains constructeurs. Et Bruxelles a décidé d’une nouvelle baisse de 37% des émissions de gaz à effet de serre en Europe de 2021 à 2030.

Ces règles représentent un tel bond en terme d’efficacité énergétique qu’elles ne peuvent être remplies que par une adoption en masse des véhicules électriques à batterie. Même les hybrides rechargeables, avec une autonomie purement électrique de 50 kilomètres, ne devraient pas satisfaire les normes imposées par l’Europe après 2025. En conséquence, les constructeurs ont investi en catastrophe des dizaines de milliards d’euros dans la transition vers les véhicules électriques et multiplient les annonces de sorties de nouveaux modèles avec ces motorisations… sans avoir la moindre certitude qu’ils seront capables de les vendre. Ils n’ont pas vraiment le choix.

Le cabinet d’investissement Jefferies explique dans un rapport récent que si l’industrie automobile ne fait pas de progrès significatifs pour réduire ses émissions moyennes de CO2 par véhicule vendu par rapport aux chiffres de 2018, elle pourrait faire l’objet après 2021 d’amendes représentant plus de 30 milliards d’euros, le double de ses profits. Elle pourrait aussi être contrainte d’augmenter ses prix d’au moins 10%. Cela s’appelle une catastrophe industrielle. Et ce n’est qu’un début puisque la nouvelle Président de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, entend renforcer l’objectif de diminution des émissions de 40% en 2030 par rapport à 1990 à au moins 50%…

Ventes forcées

Il y a une différence très profonde de nature entre une rupture technologique résultant d’un progrès indéniable et d’une demande populaire massive, comme par exemple avec la révolution des téléphones portables, qui sont devenus des outils sociaux et professionnels indispensables, et la vente forcée d’un nouveau produit souvent inférieur et plus coûteux que le précédent. Tout cela parce que l’industrie automobile fait face à une contrainte sans précédent dans son histoire.

Car l’autonomie des véhicules électriques, même si elle a augmenté au cours des dernières années, reste une contrainte importante qui ne permet pas une utilisation aisée sur de longues distances et encore moins une utilisation intensive. La question des infrastructures de rechargement est loin d’être réglée et ne le sera peut-être jamais, parce que dans le meilleur des cas, la recharge d’une voiture nécessite la mobilisation d’une borne pendant au moins 45 minutes à une heure et plus souvent plusieurs heures.

Pour Matt Schmidt, la seule solution aujourd’hui passe par des subventions massives des gouvernements aux acheteurs de véhicules électriques, particuliers comme entreprises, afin d’éviter à leurs constructeurs nationaux des amendes massives et une hémorragie d’emplois. Son hypothèse de 700.000 véhicules électriques commercialisés en Europe de l’ouest en 2020, contre 335.000 en 2019, et d’un million en 2021 repose sur la mise en place de ses subventions. D’ores et déjà, l’Allemagne a augmenté le mois dernier les subventions pour l’achat d’un véhicule électrique de moins de 40.000 euros en les faisant passer de 4.000 à 6.000 euros.

Reste à savoir si cela sera suffisant pour sauver l’industrie automobile européenne. Volkswagen annonce que 25% de ses ventes mondiales en 2025 seront réalisées par des véhicules électriques. Mais le cabinet IHS Markit estime que les véhicules électriques représenteront 10,2% des ventes de véhicules neufs en 2025 et 14,8% en 2030…

Classes moyennes en danger

Voilà pour les conséquences économiques et financières. Il y aura aussi des conséquences sociales et politiques à la révolution de la voiture électrique. Volkswagen explique qu’il sera incapable d’ici 2030 de produire des voitures électriques offrant des performances minimums acceptables à des prix comparables à ceux de son entrée de gamme actuelle comme la Up et la Polo. Cela est vrai pour tous les constructeurs. Cela tient au coût des batteries, fabriquées en quasi-totalité en Asie, au coût des matières premières nécessaires à la fabrication de ses batteries, qui représentent 40% de la valeur d’un véhicule électrique, et au fait que les marges des constructeurs sur les voitures électriques sont proches de zéro…

Et cela veut dire que les classes moyennes en Europe ne pourront plus acheter de petits véhicules neufs. Elles auront également des difficultés à acheter des véhicules thermiques d’occasion récents pénalisés par les taxes de plus en plus élevées liées à leurs émissions de gaz à effet de serre. Cela ne sera pas sans conséquences sociales comme politiques. Le mouvement des gilets jaunes a vu le jour il y a un peu plus d’un an en France à la suite seulement d’une augmentation de trois centimes d’une taxe dite écologique sur les prix du carburant. Il n’est pas sûr que les dirigeants européens aient bien mesuré les conséquences possibles de leurs décisions même si elles se voulaient bien intentionnées

La rédaction