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Le coronavirus, dernier coup porté à l’industrie automobile


Ebranlée par la rupture technologique du passage à l’électrique, l’industrie automobile est aussi touchée de plein fouet par l’épidémie de Coronavirus. Cela ne pouvait tomber à un plus mauvais moment. Le marché mondial ne cesse de baisser en volume depuis plusieurs années et devrait continuer à le faire.

L’industrie automobile mondiale n’avait pas vraiment besoin de cela. Ebranlée par le choc du passage à l’électrique, la plus grande rupture technologique depuis la naissance de l’automobile de masse, elle est également directement touchée par les conséquences de l’épidémie de Coronavirus… Selon les dernières prévisions de l’agence de notation Moody’s, les ventes de voitures devraient diminuer d’environ 2,5% en 2020. Au début de l’année, les prévisions de baisse du marché étaient de «seulement» 0,9%. «L’épidémie de coronavirus est en train d’affecter la demande automobile et de perturber les chaînes d’approvisionnement», explique Moody’s, ajoutant maintenir une perspective «négative» sur tout le secteur automobile mondial. De nombreux analystes ont déjà prévenu que les résultats des constructeurs, qui investissent actuellement des milliards de dollars dans le développement de nouvelles technologies autonomes et électriques, allaient être désastreux au premier trimestre. Même Tesla finit par inquiéter les investisseurs au point d’avoir vu les cours de son action perdre jusqu’à 15% jeudi 27 février à Wall Street!

Les ventes en Chine se sont effondrées

La plupart des grands groupes automobiles mondiaux disposent d’usines et de sites de production en Chine. La province du Hubei, d’où s’est propagée l’épidémie et qui est coupée du monde depuis un mois, est un centre majeur de l’industrie automobile. De nombreuses usines ont été temporairement fermées et la plupart des employés n’ont pas repris le travail malgré les incitations des autorités. Du coup, certains constructeurs sont en rupture de stock de pièces détachées, ce qui devrait retarder les livraisons, les réparations et la vente de voitures partout dans le monde. Les systèmes multimédias comme les GPS, et tout l’électronique embarqué en général, sont les pièces les plus dépendantes de la production chinoise. Ainsi, par exemple, si vous avez commandé une Fiat 500 L il va falloir être patient. L’usine en Serbie où elle est assemblée n’a plus de système audio.

Quant aux ventes de voitures en Chine, c’est la catastrophe. Elle se sont effondrées de 92% sur la première quinzaine de février! Quelques 4.900 voitures ont été vendues sur la période allant du 1er au 16 février 2020 contre près de 60.000 sur la même période en 2019, indique la Fédération chinoise des constructeurs de voitures individuelles. Selon ses estimations, le recul des livraisons de voitures pourrait être de 70% pour l’ensemble du mois de février et de 40% en cumul sur les deux mois de janvier-février.

Le marché automobile chinois, le premier au monde, ne se portait déjà pas très bien. Il a connu en 2018 son premier repli depuis les années 1990 (- 2,8%) qui s’est amplifié en 2019 avec une baisse des ventes de 9,6%. Cela est la conséquence d’un ralentissement de la croissance chinoise lié notamment à la guerre commerciale avec les Etats-Unis. Et même les ventes de voitures électriques en Chine avaient chuté de 34,6% au quatrième trimestre de 2019 à la suite notamment d’une forte baisse des subventions.

Il est difficile aujourd’hui de voir les perspectives s’améliorer rapidement en Chine et ailleurs. Le salon de l’automobile de Pékin qui devait se tenir en avril a été annulé. Le salon de Genève, prévu du 5 au 15 mars, vient lui aussi d’être annulé. Et déjà avant l’épidémie, la situation de l’industrie automobile devenait préoccupante. Les prévisions étaient alors que la production mondiale allait diminuer en 2020 pour la troisième année consécutive du fait d’une baisse de la demande en Chine, en Europe et aux Etats-Unis. Cette prévision était notamment celle du premier équipementier automobile mondial, le très puissant groupe Bosch.

«Il se pourrait bien que nous ayons passé le point du maximum de la production automobile» avait expliqué Volkmar Denner, le Directeur général de Bosch lors de la présentation me 30 janvier des résultats en 2019 du groupe. Il n’anticipait pas un rebond avant 2025 au mieux et pour lui en 2020 la production de voitures dans le monde devait être inférieure de 10 millions d’unités à celle de 2017 à moins de 90 millions. Le recul sera sans doute encore plus important.

«Très peu de constructeurs vont survivre aux Etats-Unis comme en Europe»

Pour Volkmar Denner, la bascule vers les véhicules électriques devrait créer à terme des opportunités, mais elle se traduira dans un premier temps par une réduction des effectifs. «Il faut 10 travailleurs pour fabriquer un système d’injection diesel, trois pour un système d’injection à essence et un seul pour produire un moteur électrique», avait-il expliqué. L’an dernier, Bosch a déjà réduit ses effectifs de 6.800 personnes à 402.800 dans le monde avec 2.000 suppressions de postes en Allemagne et 3.600 en Asie.

Bosch espère pousser ses ventes à un milliard d’euros de composants pour les véhicules électriques et investira encore 500 millions d’euros dans l’électrique en 2020. L’équipementier commencera par ailleurs à produire des piles à combustibles pour véhicules à hydrogène en 2022. Mais il a bien conscience de faire face à la plus grande crise de l’industrie automobile, en-dehors des guerres.

Comme l’explique aussi le magazine Forbes, l’industrie automobile mondiale fait face à une «menace existentielle» pour la première fois depuis 140 ans. Pour l’auteur de l’article, Ashwini Choudhary, membre du Forbes Technology Council, «la disruption est une réalité et je pense que très peu de constructeurs automobiles vont survivre aux Etats-Unis comme en Europe».

Il considère que les constructeurs automobiles doivent devenir maintenant avant tout des groupes technologiques et électroniques, même si c’est loin d’être le coeur de leur métier et de leurs compétences. Et ils doivent se transformer tout en continuant à être performants dans le domaine des véhicules à moteur thermique «qui restent un élément essentiel de la mobilité et dont les ventes financent le développement des motorisations électriques et des voitures autonomes… Seules les sociétés qui s’adapteront rapidement à ce nouvel univers survivront».

La rédaction