Coronavirus, l’industrie automobile européenne demande un report des normes de CO2 et des amendes

30 mars 2020

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Photo : Epaves de voitures
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Coronavirus, l’industrie automobile européenne demande un report des normes de CO2 et des amendes

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Touchée de plein fouet par les conséquences économiques de la pandémie, l'industrie automobile européenne demande à Bruxelles de décaler les normes de CO2 qui lui sont imposées. Aucun groupe automobile majeur présent sur le continent européen ne sera en mesure de les respecter et d'échapper aux milliards d'euros d'amendes. Il y va aujourd'hui de la survie d'une des rares industries dans laquelle l'Europe reste dominante.

La pandémie et la récession planétaire qu’elle provoque sont une menace mortelle pour les constructeurs automobiles. Les ventes se sont effondrées sur tous les marchés du monde et personne ne sait quand elles vont reprendre, à quel rythme et dans quelles conditions. Les usines sont aujourd’hui à l’arrêt sur tous les continents et les chaînes logistiques mettront des semaines voire des mois avant d’être totalement réactivées. Dans cet environnement, est-il bien raisonnable de continuer à soumettre les constructeurs, notamment européens, à des normes sévères d’émission moyenne de CO2 et à des amendes potentielles de milliards d’euros?

Les pertes des constructeurs pourraient être considérables cette année. A tel point qu’il y a maintenant des doutes sur la possibilité de mener à bien la fusion annoncée entre PSA et Fiat-Chrysler. Qu’il y a eu des rumeurs, démenties, d’un projet de nationalisation de Renault. Pour illustrer l’ampleur du choc, Volkswagen a reconnu dépenser aujourd’hui 2 milliards d’euros par semaine sans la moindre recette à mettre en face. Le groupe ne tient que par sa trésorerie qui est solide. Pour les constructeurs les plus fragiles, dont la trésorerie est plus limitée, la faillite devient une vraie menace. L’agence de notation financière Moody’s a annoncé il y a quelques jours qu’elle mettait pas moins de sept constructeurs européens sous surveillance négative. Le lendemain, elle faisait de même avec 14 équipementiers automobiles.

Demande de report

Du coup, plusieurs associations européennes de constructeurs dont la plus puissante, l’ACEA (Association des constructeurs européens d’automobiles), se sont associées pour demander au nom de toute la filière automobile dans une lettre adressée à la présidente de l’Union Européenne, Ursula von der Leyen, un report de l’entrée en vigueur des normes d’émissions de CO2.

«Ceci [la pandémie ndlr] compromet nos plans de préparation à la conformité aux existantes et futures lois et régulation de l’UE dans les délais impartis», écrivent-ils. «Nous pensons donc que des ajustements devraient être fait sur ces échéances». Les constructeurs ne remettent pas en question «la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement», mais demandent des délais.

Il faut dire que déjà avant la pandémie l’industrie automobile, notamment européenne, se trouvait face à un défi économique et financier sans précédent. Elle était contrainte d’investir des dizaines de milliards d’euros pour se doter de gammes de véhicules électriques sans aucune certitude sur sa capacité à les vendre et en se mettant sous la coupe des fabricants asiatiques de batteries. En plus, le potentiel d’amendes infligées par l’Union Européenne était évalué au début de l’année à 15 milliards d’euros dès 2021 dans une étude du cabinet britannique PA Consulting. Il estimait alors qu’aucun grand groupe automobile ne serait en mesure de respecter les nouvelles normes d’émissions de CO2 mises en place progressivement dès cette année au sein des 27 pays de l’Union.

La réglementation européenne impose aux constructeurs de commercialiser des véhicules particuliers émettant moins de 95 grammes de CO2 par kilomètre (selon l’ancienne norme NEDC). Chaque groupe dispose d’un objectif propre, en fonction du poids moyen des véhicules vendus. Cette mesure s’applique à 95% des immatriculations (les moins émettrices) en 2020 et à 100% des voitures vendues en 2021. Les véhicules électriques, hybrides, hybrides rechargeables ou à hydrogène comptent double en 2020 dans le calcul. Le coefficient ne sera plus que de 1,67 en 2021. Chaque gramme supplémentaire engendre une pénalité de 95 euros pour chaque véhicule immatriculé.

Un handicap supplémentaire

Un des problèmes tient au fait que la moyenne de 95 grammes de CO2 est propre à l’Union Européenne. Un effort considérable imposé à son industrie par l’Europe tandis que, dans le même temps, les États-Unis s’en tiennent à 125 grammes et le Japon et la Chine à 122 grammes. L’Europe met ainsi dans une situation plus difficile que ses concurrents une des rares industries ou elle est encore technologiquement dominante. En imposant rapidement la solution électrique sans aucune certitude sur le fait que la consommation suive, Bruxelles fait le jeu de l’industrie chinoise dominante dans les batteries notamment et la débarrasse de la technologie mécanique européenne supérieure difficile à maîtriser. Les avantages de l’automobile européenne sont ainsi en passe d’être effacés par les pénalités financières.

Le groupe Volkswagen est le plus menacé et risque une pénalité de 4,5 milliards d’euros, plus du tiers de ses bénéfices dans le monde. Fiat-Chrysler serait également fortement touché à hauteur de 2,46 milliards d’euros, tout comme Ford, qui a annoncé il y a quelques mois la suppression de 12.000 postes en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne.

Ces estimations démentent les déclarations rassurantes de plusieurs constructeurs. Il y a un an, le patron de PSA (Peugeot, Citroën, DS, Opel-Vauxhall), Carlos Tavares n’envisageait aucune amende: «Nous serons conforme en 2020 quoi qu’il arrive», avait déclaré le dirigeant. Or, selon PA Consulting, le groupe français sera contraint de payer plus de 900 millions d’euros dans un an.

Voilà la liste des amendes estimées pour chaque groupe par PA Consulting:

-Volkswagen: 4,50 milliards d’euros

-Fiat-Chrysler: 2,46 milliards d’euros

-Ford: 1,46 milliard d’euros

-Renault-Nissan-Mitsubishi: 1,057 milliard d’euros

Daimler (Mercedes): 997 millions d’euros

PSA (Peugeot-Citroën): 938 millions d’euros

-Mazda: 877 millions d’euros

-Hyundai-Kia: 797 millions d’euros

-BMW: 754 millions d’euros

-Volvo: 382 millions d’euros

-Honda: 322 millions d’euros

-Jaguar-Land Rover: 93 millions d’euros

-Toyota: 18 millions d’euros

Un premier rapport publié par le cabinet londonien à l’été 2019 indiquait des chiffres nettement inférieurs. PA Consulting estimait alors à 3,9 milliards d’euros le total des amendes à payer par les constructeurs. Mais entre-temps, les émissions produites par les véhicules n’ont pas baissé, en raison à la fois du succès commercial continu des SUV et du recul rapide de la part de marché des véhicules diesel qui émettent moins de CO2 que l’essence et en revanche bien plus de particules fines.

Des normes appelées à être encore renforcées

Pour contourner un peu la difficulté en 2020, les constructeurs avaient multiplié les astuces. Ils ont décalé leurs ventes de véhicules «propres» de la fin de l’année dernière au début de cette année pour qu’elles entrent dans le calcul des pénalités. Les immatriculations de véhicules électrifiées ont ainsi bondi en janvier en France. Selon les chiffres du CCFA, un véhicule sur cinq commercialisé en janvier 2020 était électrique, hybride ou hybride rechargeable! Autre solution temporaire, passer des accords entre industriels afin de mettre en commun les émissions de leurs véhicules. En avril 2019, Fiat-Chrysler avait ainsi signé un contrat avec Tesla. En échange de cette baisse de la moyenne (rappelons que la marque américaine ne produit que des véhicules électriques), le groupe italo-américain lui aurait versé 2 milliards de dollars. Mazda et Toyota avaient conclu un pacte similaire.

La question de délais supplémentaires pour se mettre aux normes et éviter d’enfoncer un peu plus une industrie touchée de plein fouet par la récession et la pandémie se pose d’autant plus aujourd’hui que l’Union Européenne a déjà décidé de renforcer encore les normes d’émissions en 2025 et en 2030. Ursula von der Leyen, qui a fait du New Green Deal la marque de son ambition, va devoir faire preuve de pragmatisme ou prendre le risque politique d’être accusée de torpiller toute une industrie.

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