<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> COP26, le cirque médiatique et la dramatisation n’ont aucune importance

1 novembre 2021

Temps de lecture : 6 minutes
Photo : Atmosphere Wikimedia
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COP26, le cirque médiatique et la dramatisation n’ont aucune importance

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La dramatisation des enjeux ne règle pas vraiment les problèmes. Elle attire l'attention et puis elle lasse. Elle n'efface pas en tout cas l'échelle sans précédent d'une transition qui consiste à substituer en quelques décennies des énergies plus propres et renouvelables aux 10 milliards de tonnes de carburants fossiles consommés dans le monde par an. Le point clé, ce sont les investissements, leur impact, et l'acceptabilité sociale et politique de la transition. Et il y a même quelques raisons d'être relativement optimiste, même s'il s'agit en 2021 d'un gros mot. Les dernières prévisions publiées par l'Agence internationale de l'énergie (World Energy Outlook 2021) montrent que nous sommes très proches du pic des émissions. Une baisse de ces mêmes émissions de 40 à 50% d'ici 2050 est une perspective réaliste. Elle pourrait être suffisante pour se traduire par un réchauffement moyen de l'ordre de 2,3°C à la fin du siècle.

La dramatisation est en marche. La COP26 de Glasgow, qui se tient du 31 octobre au 12 novembre, va encore en être le théâtre. C’est la marque de fabrique de l’écologie depuis 50 ans. Elle nous a annoncé l’épuisement irrémédiable des ressources avant la fin du XXème siècle, la destruction des forêts par les pluies acides et maintenant la disparition de l’humanité du fait des émissions de gaz à effet de serre et du réchauffement climatique. Même le GIEC dans ses rapports et ses pronostics se garde bien de prédire des catastrophes. Ce n’est pas le cas de John Kerry, l’envoyé spécial pour le climat de Joe Biden, le président des Etats-Unis, et ancien Secrétaire d’Etat de Barack Obama. Il a en quelque sorte donné le ton. Glasgow est «le dernier espoir pour que le monde agisse ensemble». Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU n’est pas en reste. Il a déclaré il y a deux semaines, «Nous sommes au bord du précipice». Il y a 11 ans, à Copenhague, lors d’une autre COP, Ban Ki Moon son prédécesseur avait ouvert la conférence  en déclarant… «Nous sommes au bord du précipice». Quant à Greta Thunberg, la militante climatique la plus célèbre et la plus médiatique, pour elle les COPS de toute façon ne servent à rien, «30 ans de blablabla». Ces citations résument assez bien des attentes qui ne seront certainement pas satisfaites par la COP26. Elle doit accoucher d’une espèce de miracle, un «happy end» hollywoodien permettant de «sauver la planète», sinon ce sera un échec. Une vision des choses totalement érronée.

La dramatisation à outrance est contreproductive

D’abord parce que «sauver la planète» ne veut rien dire. La planète ne risque rien, c’est l’humanité qui peut voir ses conditions de vie se dégrader. La question de le transition tient plus aux réalités physique, technologique et politique qu’à une dramaturgie hollywoodienne. Cette dernière, une stratégie délibérée, a été utile pour sensibiliser et pour mobiliser. Elle ne l’est pas pour résoudre les problèmes. Il y a un temps incompressible pour construire une nouvelle économie et un nouvel ordre planétaire financier et commercial. Cela se chiffre en décennies. Cela demande des investissements considérables. Cela nécessite la maitrise, le développement et le déploiement de technologies aujourd’hui encore souvent embryonnaires. Enfin, cela exige de la pédagogie pour obtenir une acceptation sociale et politique la plus large possible. La dramatisation à outrance est contreproductive. Elle culpabilise. Elle effraye. Elle décourage.

La crise de l’énergie que nous vivons en apporte la preuve. La transition, c’est compliqué, long, difficile… La crise, conséquence d’un déséquilibre mondial entre l’offre et la demande, notamment de gaz naturel, a un mérite, forcer à introduire une plus grande dose de réalisme dans les promesses et les ambitions proclamées. La leçon est claire. Non seulement cela ne sert à rien de détruire l’ancienne économie avant d’avoir construit la nouvelle, mais on risque ainsi de ne rien construire du tout. La crise est liée à plusieurs facteurs, dont le redémarrage brutal et désordonné de l’économie mondiale après une récession sans précédent dans l’histoire récente. La demande mondiale d’énergie ainsi est très difficile à satisfaire du fait d’une faiblesse des stocks (de gaz et de charbon), de chaînes d’approvisionnement désorganisées et du jeu des producteurs de pétrole et de certains producteurs de gaz. C’est aussi la conséquence d’une transition mal gérée. Depuis 2014, les investissements dans les énergies fossiles ont fortement baissé de 1.300 milliards de dollars par an à environ 700 milliards de dollars. Dans le même temps, les investissements dans les énergies décarbonées (renouvelables, nucléaires, réseaux électriques, hydrogène…) sont restés relativement stables à 700 milliards de dollars par an. Au total, les investissements mondiaux dans l’énergie sont passés depuis six ans de 1.900 milliards de dollars par an à 1.400 milliards. Dans ces conditions, les prix ne peuvent que monter.

Les pays, les médias et les financiers ne peuvent pas dans le même temps démoniser les énergies fossiles et ne pas investir suffisamment dans les énergies de substitution. Sinon, les prix s’envolent et le mécontentement grandit. La transition, pour réussir, doit être juste socialement. Les populations les plus défavorisées et les plus vulnérables ne doivent pas supporter les conséquences de stratégies défaillantes et irréalistes dictées par des seules considérations électorales ou le poids de lobbys. Ignorer cela conduira à l’échec.

Une dimension médiatique, diplomatique et technocratique

La COP26 a aussi une autre dimension, celle d’une grande messe diplomatique, dont le succès sera mesuré au jour le jour par la chronique et la mise en scène de négociations évidemment âpres et complexes. La COP est une usine à gaz technocratique. Elle réunit 195 pays et 30.000 délégués pour finaliser et adopter un texte élaboré par une armée de diplomates du climat qui travaillent à plein temps entre les COP qui se succèdent. Et au bout du suspense, un accord sera signé. Il aura une importance toute relative, même si  certains points sont plus importants que d’autres. Ce serait une bonne chose si l’article 6, qui réglemente les échanges d’émissions entres pays, pouvait être finalement adopté. Il devrait permettre d’augmenter les financements de la transition.

Un autre sujet qui mérite l’attention est celui de l’engagement pris en 2009 par les pays développés de financer à hauteur de 100 milliards de dollars par an la transition dans les pays en développement à partir de 2020. De sérieux progrès ont été faits au cours des dernières années et selon l’OCDE, en 2019 les financements ont atteint 79,6 milliards de dollars. L’objectif n’est plus très éloigné.

En revanche, un autre point de négociation bien plus problématique concerne les réparations climatiques qu’exigent certains pays en développement, dont l’Inde, des pays développés. Ils veulent ces réparations à perpétuité…

Des engagements pris par des pays représentant plus de 80% du Pib mondial

La dramatisation et la mise en scène font parti maintenant du folklore des COPS. Mais derrière cet écran de fumée, comme le souligne le World Economic Forum, elles ont eu un impact bien plus tangible. Elles ont contraint l’ensemble des pays du monde à reconnaître la réalité de la menace climatique et à commencer à y répondre. Contrairement aux opinions martelées par les très nombreux prophètes de l’apocalypse adeptes du «ya ka faut qu’on», l’accord de Paris de décembre 2015 a été un véritable tournant.

Bien sûr, il n’est pas contraignant. La surenchère consistant à prendre au dernier moment, pour des raisons de communication et de gloriole, la décision de ramener l’objectif d’un réchauffement moyen de 2 degrés Celsius à 1,5 degré a été à la fois irréaliste et contreproductive. Mais, l’accord de Paris a à son actif le fait que les deux plus importantes nations émettrices de gaz à effet de serre, la Chine et les Etats-Unis, s’y sont ralliées. Certes après des péripéties. Les Etats-Unis sont sortis de l’accord avec Trump et y sont revenus avec Biden. La Chine s’est engagée à la neutralité carbone pour 2060, pour autant Xi Jinping ne sera pas à Glasgow. Mais d’autres pays ont rejoint l’accord et notamment les récalcitrants comme l’Arabie Saoudite, la Russie (Poutine non plus ne sera pas à Glasgow), la Turquie, les Emirats arabes unis, l’Australie. En tout, des pays représentant plus de 80% du Pib mondial et 70% des émissions se sont engagés à atteindre la neutralité carbone en 2050 ou 2060 pour la Chine et l’Arabie Saoudite.

Il ne faut pas être naïf. Il y a souvent une sérieuse différence entre les engagements et les réalisations. Mais il y a un certain nombre de réalités encourageantes. D’abord, le rythme très rapide des innovations technologiques dans de nombreux domaines, celui des batteries, de l’hydrogène, du nucléaire, de la gestion des réseaux électriques, de la capture du CO2, des carburants synthétiques, des performances des panneaux solaires… Le coût des solutions décarbonées baisse rapidement. Les moyens de la finance verte ne cessent de grandir. La mobilisation des grandes entreprises privées augmente et change rapidement de nature, ce n’est plus seulement de la communication et du «green washing», les modèles économiques se transforment réellement.

Un peu au-delà des 2°C à la fin du siècle

Sans surprise, l’objectif de 2015 de limiter le réchauffement à 1,5°C ne sera pas atteint. C’est impossible à moins de condamner le monde à une récession comme celle de 2020 pendant 10 ans d’affilée… L’échelle des transformations à mener est trop grande. Il y a trop d’inertie dans l’économie mondiale qui est aujourd’hui alimentée à 80% par des énergies fossiles. Les moyens de substitution n’existent pas aujourd’hui à une telle échelle et n’existeront pas avant plusieurs décennies. Il y a trop d’équipements et d’installations à changer. Trop d’outils de production qu’il est difficile de convertir. Trop d’investissements colossaux à financer. Et trop peu de volonté des populations de renoncer à leur mode de vie ou à leurs aspirations au développement.

De toute façon, la COP21 savait que son objectif de 1,5°C était irréaliste et n’en avait d’ailleurs pas fait un absolu. Le texte de l’accord de Paris stipule que les pays doivent «maintenir l’augmentation moyenne des températures mondiales sous les 2°C au-dessus des niveaux pré industriels» et seulement de «poursuivre des efforts» pour limiter la progression des températures à 1,5°C.

Nous sommes aujourd’hui sur une trajectoire qui devrait nous amener à être un peu au-delà des 2°C à la fin du siècle. Il faut évidemment prendre ces projections avec prudence, les modèles climatiques sont peu fiables. Ceux repris par le GIEC vont de 1,8 à 5,7 degrés Celsius d’ici la fin du siècle… Mais on peut trouver des raisons d’envisager l’avenir avec un relatif optimisme. Ce n’est pas un sacrilège… Selon le World Energy Outlook 2021 (Prévisions sur l’énergie mondiale) publié récemment par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), nous ne sommes plus très loin du pic des émissions de gaz à effet de serre.

Si les engagements pris par les différents pays ayant adopté l’accord de Paris sont à peu près tenus, cela pourrait réduire de 40 à 50% d’ici 2050 les émissions de CO2. Et selon les experts de Carbon Brief, cela pourrait limiter l’augmentation moyenne des températures à 2,3°C à la fin du siècle. C’est sans doute trop, mais on entre dans des évolutions qui deviennent sans doute gérables.

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