Transitions & Energies
Puit de pétrole Wikimedia

L’année 2020 sera marquée par une baisse historique des investissements dans l’énergie


Dans un rapport publié le 27 mai, l’Agence internationale de l’énergie met en garde contre une chute considérable cette année des investissements dans l’énergie dans le monde, qui est une menace pour la transition.

Si le monde d’après la pandémie suscite des espoirs, la dure réalité économique d’une récession mondiale d’une ampleur sans précédent depuis 75 ans commence aussi à prendre forme. Elle va ainsi se traduire par une baissé historique cette année des investissements dans l’énergie mettant en danger la transition prévient l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans un rapport publié le 27 mai.

L’agence anticipe un recul d’environ 20% -soit l’équivalent de 400 milliards de dollars- des investissements dans le monde cette année, en comparaison avec 2019. Elle s’attendait initialement à une progression de 2% de ces investissements en 2020, sur la base des annonces des entreprises et des gouvernements, ce qui aurait été la plus forte progression depuis 2014. Mais la pandémie a tout changé. «L’industrie de l’énergie qui va émerger de cette crise sera significativement différente de cette qui existait auparavant», prévient l’AIE.

Le pétrole perd sa première place face à l’électricité

Parmi les évolutions majeures, le pétrole, qui était en 2019 la principale composante de la consommation énergétique mondiale, dont il représentait 50%, devrait perdre sa première place. Il était, toujours en 2019, suivi par l’électricité (38%). Cette dernière devrait devenir la première énergie utilisée. «Nous estimons que la consommation de pétrole va chuter de plus de mille milliards de dollars en 2020 tandis que le secteur électrique devrait voir ses revenus baisser de 180 milliards de dollars», écrit l’AIE.

Les hypothèses de l’AIE sont construites autour d’une récession planétaire évaluée à 6% du Pib mondial, une baisse sept fois plus importante qu’à la suite de la crise financière de 2018. «Avec une rouverture graduelle des économies, la reprise devrait avoir un profil en forme de U accompagné d’une perte durable et substantielle de l’activité économique». Cette prévision correspond à peu de choses près aux calculs du Fonds monétaire international (FMI). Cette récession est la conséquence des restrictions imposées aux transports et aux activités économiques et sociales dans le monde. Au plus fort de la pandémie, plus de 4 milliards de personnes étaient soumises à un confinement plus ou moins strict.

Du fait notamment de la baisse du trafic automobile et du transport aérien, la demande en pétrole devrait reculer de 9% en moyenne sur l’année soit environ 9 millions de barils par jour. Elle reviendrait ainsi à ses niveaux de 2012. Le charbon serait ensuite la source d’énergie la plus affectée après le pétrole avec une baisse de la consommation qui devrait atteindre 8%, notamment du fait d’un recul de la consommation d’électricité dans le monde évalué à 5% sur l’année. Le charbon est affecté avant tout par le ralentissement de l’économie chinoise, premier consommateur de charbon au monde, et par la montée en puissance du gaz naturel. Le gaz naturel est le moins affecté parmi les énergies fossiles avec une décrue de sa consommation évaluée à e%. Mais l’AIE avertit qu’elle pourrait être plus importante, notamment si la demande d’électricité et dans l’industrie redémarre lentement.

Enfin, les énergies à faible teneur en carbone résistent mieux, «à cause de coûts de fonctionnement réduits et d’un accès préférentiel à de nombreux réseaux électriques». L’AIE classe dans cette catégorie l’éolien, l’hydroélectrique, le solaire, et le nucléaire. Ses énergies représenteront, en 2020, environ 40% de l’électricité produite dans le monde, un chiffre en progression, notamment du fait du recul de la production d’électricité à partir d’énergies fossiles. Cela permettra à ses énergies faiblement carbonées de confirmer, après 2019, le fait qu’elles dépassent le charbon. Dans le détail, ll demande en électricité verte devrait très légèrement progresser (+1%) et celle en électricité nucléaire légèrement reculer (-3%).

Baisse d’un tiers des investissements dans le pétrole et de 11% dans les énergies propres

Les conséquences de cette situation extraordinaire, au sens premier du terme, sur l’investissement dans l’énergie ont deux origines. D’abord, une baisse mécanique des possibilités des entreprises du fait du recul important de leurs chiffres d’affaires et de leurs profits. Cela est particulièrement sensible dans l’industrie pétrolière. Ensuite, parce que l’activité d’investissement est en elle-même perturbée par le confinement et les restrictions de déplacement des biens et des personnes.

Les investissements doivent ainsi chuter d’un tiers pour le pétrole dans son ensemble et même d’environ 50% pour le pétrole de schiste plus affecté compte tenu de ses coûts de production plus élevés. L’ensemble des investissements dans les technologies considérées comme propres par l’AIE (capture et séquestration du CO2, batteries, mesures d’efficacité énergétique, nucléaire, renouvelables) déclinera aussi mais de seulement 11% pour atteindre environ 560 milliards de dollars contre 630 milliards l’an dernier.

Mais si les investissements dans les énergies peu émettrices de gaz à effet de serre résistent, ils restent à des niveaux jugés par l’AIE «très insuffisants par rapport à ce qui est nécessaire pour mettre le monde sur une voie  plus durable».

«Enfermés avec de vieilles technologies peu efficaces»

En terme de pays, la Chine restera le premier pays à investir dans l’énergie en dépit d’une baisse de 12% de ses investissements dans ce domaine cette année. Le recul sera plus important aux Etats-Unis, de l’ordre de 25% «du fait de sa plus grande exposition au pétrole et au gaz». Enfin, les investissements en Europe devraient baisser de 17%.

Le plus problématique pour la transition est le fait, souligné par l’AIE, que les pays en développement risquent de bien plus recourir à des énergies faciles à mettre en œuvre et bon marché mais très polluantes comme le charbon. La construction de nouvelles centrales à charbon a ainsi été lancée au premier trimestre à un rythme deux fois plus important que pour l’ensemble de l’année 2019. Cette tendance est marquée avant tout en Asie, en Chine, mais aussi au Cambodge, en Indonésie, au Pakistan et en Inde.

«Avec le confinement à travers le monde, on risque de se retrouver enfermés avec de vieilles technologies inefficaces, en particulier dans le monde émergent qui est confronté à d’énormes problèmes de dette et de financement», a déclaré à l’AFP Fatih Birol, le directeur exécutif de l’AIE.

La rédaction