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Mini-réacteur nucléaire Rolls-Royce

Pour l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’avenir du nucléaire se dégage


Pour la première fois depuis l’accident de la centrale de Fukushima en 2011, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) revoit à la hausses ses prévisions de capacités nucléaires d’ici 2050. Un retournement de tendance significatif pour une source d’énergie qui est à la fois la plus décarbonée et la plus décriée. Dans le scénario le plus favorable à l’électricité d’origine nucléaire, il s’agirait même d’un doublement des capacités de production dans les trois prochaines décennies. Il faut dire que l’innovation nucléaire s’est accélérée au cours des dernières années menée par la Chine, les Etats-Unis, la Russie et le Royaume-Uni. La France qui pendant des décennies a été l’un des leaders mondiaux du nucléaire civil prend aujourd’hui du retard.

À fin de l’année 2020, 442 réacteurs nucléaires civils, d’une puissance nette cumulée de 392,6 GW, étaient «opérationnels» dans le monde selon les dernières statistiques et prévisions rendues publiques il y a quelques jours par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’AIEA fait état de 5 mises en service de nouveaux réacteurs et 6 arrêts au cours de l’année 2020. Par ailleurs, 52 réacteurs sont en construction et représentent 54,4 GW de puissance cumulée.

La production nucléaire mondiale s’est élevée à 2.553 TWh en 2020, soit près de 4% de moins qu’en 2019 (la production électrique dans son ensemble a baissé de 2%, dans le contexte de la pandémie mondiale). La part de la filière dans le mix électrique mondial a représenté 10,2% en 2020, contre 10,4% en 2019. Mais si le nucléaire stagne en terme de production et de fait décline en proportion dans le monde et dans de nombreux pays, à l’exception notable de la Chine, cette tendance pourrait bien s’inverser.

Accélération de l’innovation

Elle tient à une accélération de l’innovation nucléaire dans le monde. Réacteurs au thorium, réacteurs à neutrons rapides dits de quatrième génération, mini réacteurs ou SMR (voir l’image ci-dessus), sans parler de la fusion. Les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni multiplient les prototypes pour donner un second souffle à l’énergie nucléaire et tirer partie du fait qu’elle produit l’électricité la plus décarbonée. La France, qui pendant des années a été en pointe dans l’innovation nucléaire, a quasiment renoncé.

Deux institutions respectées, l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et l’Académie des sciences ont d’ailleurs donné l’alerte cet été, sans trop d’échos, sur la stratégie nucléaire défaillante de la France. Cela est d’autant plus désolant que comme le répète depuis des années des organismes internationaux comme le GIEC ou l’Agence internationale de l’énergie, la transition ne se fera pas, ou bien plus difficilement, sans recours à l’électricité nucléaire, la plus décarbonée.

Dans son scénario dit haut, l’AIEA estime ainsi que les capacités nucléaires installées dans le monde pourraient doubler d’ici à 2050 et atteindre 792 GW à cet horizon (contre 393 GW à fin 2020). C’est 10% de plus que les prévisions antérieures de l’AIEA (715 GW en 2050 dans le précédent scénario haut de l’Agence). Il est précisé qu’un tel scénario nécessite «une mise en œuvre accélérée de technologies nucléaires innovantes». Car il ne faut pas perdre de vue que la majorité des réacteurs opérationnels aujourd’hui, qui se trouvent dans les pays développés, sont vieillissants. Les deux tiers des réacteurs en service dans le monde ont une moyenne d’âge de plus de trente ans.

Une électricité décarbonée et non intermittente

L’AIEA a révisé à la hausse ses projections haute après avoir constaté une «reconnaissance croissante des problèmes liés au changement climatique et de l’importance de l’énergie nucléaire dans la réduction des émissions provenant de la production d’électricité» dans de nombreux pays. L’agence présente également un scénario bas, qui est celui de la poursuite de la tendance actuelle et qui serait la conséquence du fait que les investissements réalisés dans les différentes innovations ne débouchent pas sur des installations de production. Dans ce cas, les capacités nucléaires mondiales de production resteraient stables (392 GW en 2050) et régresseraient en proportion.

L’AIEA estime que la production mondiale d’électricité dans son ensemble devrait doubler d’ici à 2050. La part du nucléaire pourrait compter pour 12% de ce mix électrique mondial en 2050 selon le scénario haut de l’Agence et pour 6% dans le scénario bas.

Les conclusions de ce rapport témoignent «d’une sensibilisation croissante au fait que l’énergie nucléaire est absolument vitale dans nos efforts pour combattre le réchauffement climatique», s’est félicité le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi.

L’électricité nucléaire est la plus décarbonée (avec 12 grammes de CO2 émis par kWh produit) et présente le considérable avantage par rapport aux renouvelables éoliens et solaires de ne pas être intermittente et de ne pas dépendre de la météorologie. Elle semble par ailleurs être le moyen presque idéal de produire en masse de l’hydrogène vert par électrolyse avec de l’électricité décarbonée. Mais elle suscite des craintes en bonne partie irrationnelles.

L’accident de la centrale de Fukushima au Japon, dévastée par le gigantesque tsunami du 11 mars 2011, a porté un coup considérable à la confiance dans la sûreté de l’énergie nucléaire. De nombreux pays, notamment en Europe, ont alors décidé de sortir du nucléaire. Et les investissements dans la construction de nouveaux réacteurs ont considérablement ralenti. L’Allemagne s’est donnée jusqu’à 2022 pour sortir du nucléaire ce qui n’est pas sans conséquences très négatives sur ses émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique. La Suisse en a décidé de même, tout en maintenant dans l’immédiat certains sites. La Belgique vise pour sa part une sortie en 2025 même si elle semble de plus en plus incertaine, compte tenu du retard de la construction des centrales de remplacement fonctionnant au gaz naturel.

La rédaction