Transitions & Energies

ZFE, le gouvernement revient enfin à la réalité


Les Zones à faibles émissions (ZFE) sont devenues de fait des zones à fortes exclusions, provoquant l’hostilité des populations et des élus. Au point que le gouvernement après avoir affirmé qu’elles verraient le jour quoi qu’il arrive a enfin amorcé un recul. Même s’il s’agit juste de gagner du temps et pas vraiment de s’interroger sur leur efficacité réelle…  L’objectif annoncé, réduire la pollution atmosphérique, n’est pas contestable. L’efficacité de la méthode l’est. Rappelons que les émissions les plus dangereuses pour la santé, celles de particules fines, ne sont liées que de façon relativement marginale à la circulation routière (entre 25 et 34% en Ile-de-France et entre 13 et 15% dans le reste du pays). Et les confinements en 2020 ont permis de faire des expériences en grandeur réelle sur le véritable impact de la circulation automobile sur le niveau de particules fines. Il y a eu trois alertes aux particules fines en 2020 en Ile-de-France, dont deux pendant les périodes de confinements marquées par une très forte baisse de la circulation automobile… 

A défaut de reconnaître ses erreurs et surtout l’impact limité des ZFE (Zones à faible émissions surnommées Zones à forte exclusion) imposées pour améliorer la qualité de l’air, le gouvernement a décidé de repousser les échéances. Les rodomontades de Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique,… sont aujourd’hui oubliées. Il faut dire que la multiplication impérative des ZFE d’ici 2025 sur tout le territoire et dans toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants menaçait de devenir un désastre social, économique… et politique. Cela serait revenu à assigner à résidence une grande partie de la France périphérique et modeste (plus de 40% du parc automobile actuel).

Selon un sondage Aramisauto réalisé à la fin de l’année dernière par OpinionWay, 51% des sondés ne connaissaient même pas le numéro Crit’air de leur voiture… Et selon la même étude, 42% des automobilistes issus des classes modestes se disaient «déterminés» à conduire leur véhicule dans les agglomérations malgré les interdictions.

Le 10 juillet, le Comité Ministériel de la Qualité de l’Air en Ville, énième Comité ad-hoc…, a donc rendu ses conclusions. Il a décidé que seules les agglomérations «dépassant de manière régulière» les seuils réglementaires de qualité de l’air devaient appliquer des mesures restrictives de circulation des véhicules. Cela signifie que les nouvelles restrictions liées aux ZFE seront dans un premier temps limitées d’ici 2024 et 2025 aux voitures anciennes dans cinq métropoles: Lyon, Marseille, Paris, Rouen et Strasbourg. Le gouvernement a un objectif clair, se donner du temps. Ces agglomérations auront pour obligation de bannir: les voitures diesel de plus de 18 ans au 1er janvier 2024 (Crit’Air 4) et les voitures diesel de plus de 14 ans et les voitures essence de plus de 19 ans au 1er janvier 2025 (Crit’Air 3).

Une façon de tenter de limiter la contestation de millions de conducteurs et des élus locaux mais pas de trouver une solution pérenne, acceptable socialement et efficace en termes d’émissions polluantes. Ce faisant, le gouvernement introduit tout de même de nouvelles absurdités puisque ne serons plus concernés que les automobilistes et plus les camions et utilitaires. Le dossier de presse du ministère de la Transition Ecologique souligne que le calendrier d’interdiction pour les agglomérations qui dépassent les seuils réglementaires de qualité de l’air ne concerne que les voitures. «Il n’y a aucune obligation concernant les véhicules utilitaires légers ou les poids lourds». Comme si les utilisateurs de voitures étaient uniquement des promeneurs et des touristes… Les agglomérations seront également «libres de déterminer les paramètres du dispositif, les dérogations, les plages horaires, ou de mettre en place un pass autorisant un certain nombre de passages pour des véhicules faisant l’objet de restrictions de circulation».

Initialement, d’ici à 2025, 42 métropoles de plus de 150 000 habitants devaient mettre en place des ZFE. A ce jour, seules 11 agglomérations les ont instaurées. Les six agglomérations en plus des 5 métropoles citées plus haut, Reims, Grenoble, Saint-Etienne, Nice, Montpellier et Toulouse, sont maintenant considérées comme des territoires de vigilance… Cela veut dire qu’ils n’ont donc plus aucune obligation de renforcer leurs restrictions actuelles. Ils interdisent pour le moment l’accès aux voitures immatriculées jusqu’au 31 décembre 1996 (non classés Crit’Air). En 2022, cette classe représentait seulement 3% de la part des véhicules en circulation, soit environ 1,2 million de véhicules.

Et avant le 1er janvier 2025, ces véhicules auront aussi interdiction de circuler dans les 31 agglomérations suivantes: Dunkerque, Béthune, Lille, Douai-Lens, Valenciennes, Amiens, Metz, Nancy, Mulhouse, Dijon, Annemasse, Annecy, Chambéry, Clermont-Ferrand, Toulon, Avignon, Nîmes, Perpignan, Pau, Bayonne, Bordeaux, Limoges, Orléans, Tours, Angers, Nantes, Le Mans, Brest, Rennes, Caen, Le Havre.

Le vrai problème aujourd’hui avec les ZFE est que la question de fond n’est pas vraiment abordée. C’est celle de l’efficacité réelle en termes de pollution atmosphérique des mesures visant à interdire l’entrée dans les agglomérations des véhicules les plus anciens, en général il est vrai les plus polluants, appartenant par définition aux ménages les plus modestes. Les arguments ont beaucoup évolué. Face à la réalité, la pollution aux particules fines est de moins en moins évoquée et celle au dioxyde azote, plus fortement liée à la circulation routière, mise de plus en plus en avant. Le problème, c’est que les alertes et franchissements de seuils depuis de nombreuses années concernent avant tout les particules fines

Et puis le document officiel du ministère de la Transition écologique reconnait lui-même implicitement que les ZFE pourraient ne pas servir à grand-chose puisqu’il se félicite que «la qualité de l’air s’améliore progressivement depuis plusieurs décennies avec une réduction de 60 % des émissions de dioxyde d’azote (NO2) entre 2000 et 2021 et de 53 % sur les particules fines entre 2000 et 2021».

Car si la circulation routière a un impact évident sur la qualité de l’air, elle n’est qu’un élément parfois relativement marginal, notamment dans les émissions de particules fines. Ces dernières voyagent sur des centaines voire des milliers de kilomètres. Cela avait été démontré de façon éclatante en 2020 pendant les périodes de confinement… et passé sous silence. Il y avait eu en 2020 trois périodes d’alerte aux particules fines en région Ile-de-France dont deux pendant des périodes de confinement marquées par une diminution considérable de la circulation automobile…

La FEDA (Fédération de la distribution automobile) et l’Association 40 millions d’automobilistes se félicitent du recul du gouvernement mais  estiment que «de nombreux efforts restent à faire pour rendre les ZFE socialement acceptables». Pierre Chasseray, délégué général de l’association de 40 millions d’automobilistes souligne qu’il ne faut pas oublier «ces usagers qui n’ont que leur vieux véhicule pour se déplacer et ne peuvent pas en changer, faute de moyens financiers. Des solutions doivent être trouvées pour qu’ils ne soient pas exclus des métropoles». A ce titre, il soutient la proposition de Philippe Tabarot, rapporteur de la mission flash du Sénat sur l’acceptabilité des ZFE, qui réclame de créer une dérogation pour les véhicules passant avec succès le test pollution du contrôle technique.

La rédaction