Transitions & Energies
Toyota Mirai II

Pour Toyota, tout miser sur le véhicule électrique à batteries est une erreur


Le premier constructeur automobile mondial et le précurseur et toujours numéro du véhicule à motorisation hybride estime dangereux de ne miser que sur une seule technologie. Il considère que les voitures électriques à batteries vont évidemment continuer à se développer rapidement mais qu’elles ont des limites d’usage et environnementales. Que de nombreux obstacles existent pour qu’elles deviennent la réponse aux besoins et aux usages de tous les automobilistes. Et que les gouvernements qui les imposent dans la plupart des pays développés ne mesurent pas toutes les conséquences économiques, sociales et environnementales de leurs décisions.

Pour Toyota, le premier constructeur automobile mondial, l’avenir de l’automobile n’appartient pas exclusivement aux voitures électriques à batteries. Et ce en dépit des contraintes imposées par les gouvernements et de la fuite en avant de nombreux constructeurs qui souvent contraints et forcés ont investi des milliards et se sont endettés massivement pour se doter de gammes entièrement électriques.

Ce n’est pas pour rien si dans le classement des sociétés les plus endettées au monde à la fin de l’année 2019, l’automobile est le secteur le plus représenté. Volkswagen est le numéro un mondial avec 192 milliards de dollars de dettes, Daimler Benz est quatrième (151 milliards), Toyota cinquième (138 milliards), Ford septième (122 milliards) et BMW huitième (114 milliards).

«Trop tôt pour se concentrer sur une seule option»

En tout cas, de nombreux pays dans le monde, notamment en Europe, ont décidé d’interdire la commercialisation de véhicules à véhicules thermiques neufs d’ici 2030 à 2040. Dans ces conditions, de nombreux constructeurs automobiles n’ont pas vraiment le choix et ont pris la décision à la fois d’électrifier l’ensemble de leur gamme en quelques années et de renoncer à investir dans le développement de modèles à moteur thermiques. Seul ou presque (avec le Coréen Hyundai et l’Allemand BMW) Toyota affirme avoir une autre stratégie et entend continuer à développer différentes technologies et différents types de motorisation. Porsche tente également résister à la vague mais en misant avant sur les carburants synthétiques qui n’émettent pas de CO2 pour alimenter les moteurs thermiques de ses sportives.

Mais la stratégie à suivre de près est celle de Toyota. Car il s’agit à la fois du premier constructeur au monde et également d’un des plus grands innovateurs depuis deux décennies avec Tesla. Lors de l’assemblée récente des actionnaires de Toyota, Shigeki Terashi, membre du conseil d’administration, a estimé «qu’il est trop tôt pour se concentrer sur une seule option». Le constructeur japonais développe depuis des années un véhicule électrique à hydrogène et pile à combustible et vient d’en présenter il y a quelques mois la deuxième évolution, la Mirai II (voir la photographie ci-dessous), qui semble particulièrement réussi. Hino, la filière utilitaires et camions de Toyota, a aussi développé des véhicules à hydrogène. Cela s’inscrit dans une volonté générale au Japon de créer une «économie de l’hydrogène».

Toyota est aussi et surtout le précurseur et le numéro un mondial des véhicules hybrides. Il a lancé sa première Prius en 1997. Personne alors ou presque ne croyait à un tel véhicule.

Des consommateurs encore réticents

Toyota met en avant plusieurs arguments pour expliquer sa réticence à ne parier que sur la voiture électrique à batteries. Tout d’abord, il souligne que la fabrication de véhicules à batteries et plus particulièrement des batteries nécessite de nombreuses matières premières et métaux stratégiques dont les capacités de production sont relativement limitées et dont les coûts environnementaux de l’extraction et du raffinement sont très élevés. Pour Toyota, il faut bien prendre en compte l’empreinte carbone et environnementale sur tout son cycle de vie d’un véhicule électrique à batteries. Les études foisonnent dans ce domaine et sont souvent l’expression d’engagements militants plus que de réalités objectives. Ce n’est pas pour rien si, par exemple, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) explique dans une étude récente que la pénurie potentielle de matières premières est un des principaux obstacles à venir à la transition. Les prix de ses matières premières se sont déjà envolés au cours des derniers mois.

Toyota met aussi en avant le fait que bon nombre de consommateurs sont encore réticents à passer à l’électrique dont ils jugent le coût et les limites d’usage trop importants comme le montre de nombreuses études d’opinion. «Certaines personnes aiment les voitures électriques à batteries et d’autres ne jugent pas les technologies actuelles très pratiques… A la fin, ce qui compte est ce que les consommateurs choisissent», a déclaré Masahiko Maeda, le responsable de la technologie de Toyota.

En fait, Toyota essaye de maintenir le plus longtemps possible toutes les options et de ne pas se retrouver ainsi avec une technologie qui serait soudain dépassé ou devenue une voie de garage. Les constructeurs français qui a une époque et sous la pression des pouvoirs publics presque tout misé sur les motorisations diesels s’en mordent encore les doigts aujourd’hui. Cela signifie pour Toyota avoir des gammes comprenant des véhicules hybrides, des véhicules à hydrogène et pile à combustible et des véhicules 100% électriques à batteries. Le constructeur va lancer cette année deux modèles 100% électriques à batteries et a annoncé son intention d’en lancer une quinzaine d’ici 2025. Le premier modèle 100% électrique à batteries baptisé bZ4x sera sur le marché dans les prochains mois.

Le véhicule électrique à batteries est encore loin d’être un outil universel

Reste la question de fond. Si Toyota continue encore pendant de nombreuses années à vendre des véhicules ayant des moteurs thermiques, même combinés avec des moteurs électriques (hybrides), à qui va-t-il les vendre? En fait, si on regarde au-delà de l’Europe et même des pays les plus développés, de nombreux pays n’ont pas du tout l’intention pour le moment de se priver de véhicules utilisant des carburants fossiles. Il y en a même un certain nombre qui utilisent encore aujourd’hui de l’essence contenant du plomb et du diesel à haute teneur en soufre.

Il est indéniable que les progrès des véhicules électrique à batteries, plus faciles à recharger rapidement et dont l’autonomie augmente, réduisent peu à peu la limite de leurs usages. Il est vrai aussi que la pression fiscale et économique en leur faveur a un impact important sur le marché, à la fois sur l’offre et la demande. Toyota fait un pari sans doute risqué mais avance des arguments convaincants. Il reste encore beaucoup d’obstacles économiques, techniques, d’infrastructures, environnementaux pour que le véhicule électrique devienne un outil universel. Si ces obstacles deviennent trop difficiles à franchir, Toyota aura réussi un coup de maître en ne se faisant pas imposer par les gouvernements ses choix économiques et technologiques. Des gouvernements et même des institutions internationales qui d’ailleurs ont fait ses choix sans en mesurer exactement les conséquences économiques, sociales et environnementales.

La rédaction