Pourquoi la Russie commence à se préparer au déclin des hydrocarbures

7 décembre 2020

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Installation petrolière russe
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Pourquoi la Russie commence à se préparer au déclin des hydrocarbures

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Pour la première fois, un membre du gouvernement russe a reconnu que son pays se préparait à un éventuel déclin des énergies fossiles et à une baisse des recettes tirées des exportations de pétrole et de gaz. La Russie est le premier exportateur mondial d'énergie. Vladimir Poutine s'est engagé à plusieurs reprises, sans y parvenir, à réduire la dépendance de son pays aux exportations d'énergies fossiles. Moscou pourrait maintenant bien être contraint de le faire.

«Le pic de la consommation d’énergies fossiles a peut-être été déjà atteint», a déclaré Vladimir Kolychev, le ministre adjoint des Finances russe à l’agence Bloomberg. «Le risque grandit à long terme que les revenus provenant des hydrocarbures soient inférieurs aux prévisions actuelles», a-t-il ajouté. La Russie est le premier exportateur au monde d’énergie, principalement du pétrole et du gaz. Le budget de l’Etat russe en retire un tiers de ses recettes en dépit des promesses répétées faites par le Président Vladimir Poutine de réduire la dépendance de son pays aux revenus provenant des hydrocarbures.

Dépendance aux recettes pétrolières et gazières

Les propos de Vladimir Kolychev sont une très rare reconnaissance par un officiel que l’âge d’or des recettes provenant de l’énergie est peut-être en train de se terminer et que cela aura un sérieux impact sur l’économie russe qui est celle d’un pays pétrolier. Au début de l’année, quand l’économie mondiale s’est subitement arrêtée avec la pandémie, la Russie et l’Arabie Saoudite s’étaient même lancées dans une guerre des prix suicidaire sur le pétrole pour préserver à tout prix leurs parts de marché et leurs recettes. Devant l’effondrement des cours et après une intervention américaine, les deux principaux exportateurs de pétrole mondiaux avaient tout de même fini par s’entendre pour limiter la production et stabiliser les cours. Mais cela illustre la dépendance saoudienne comme russe aux recettes pétrolières.

En octobre, Vladimir Poutine avait expliqué que la demande venant d’Asie allait soutenir les exportations d’énergie russes dans les prochaines décennies. Le ministre russe de l’économie,Maxim Reshetnikov, estimait encore en mars que la consommation de pétrole atteindrait son pic dans le monde autour de 2045. Rien n’est moins sûr et plusieurs grands groupes pétroliers commencent à considérer que le fameux «peak oil» pourrait bien avoir été atteint l’an dernier.

Coup d’arrêt momentané ou changement profond?

C’est notamment le cas de BP qui en septembre a officiellement estimé que la consommation de carburants fossiles allait baisser dans les prochaines années pour la première fois de l’histoire du fait à la fois des politiques en faveur des énergies renouvelables, de l’électrification massive des usages et des effets durables de la pandémie sur l’économie mondiale. Ces prévisions justifient la stratégie de BP qui consiste à vendre ces actifs pétroliers et basculer massivement vers la production d’électricité renouvelable.

Autre évolution majeure, les deux premières économies mondiales prennent le chemin de la transition énergétique. La Chine s’est engagée officiellement devant l’Assemblée générale des Nations Unies à parvenir à la neutralité carbone d’ici 2060 et les Etats-Unis vont changer radicalement de politique énergétique avec l’élection à la présidence de Joe Biden qui entend réduire le poids des énergies fossiles.

Et donc le ministère russe des finances se prépare à faire face à différents scénarios de demande de pétrole et de gaz dans le monde au cours des prochaines années a reconnu Vladimir Kolychev. Il est l’un des architectes du mécanisme qui place une partie du produit des taxes sur l’énergie dans un fonds souverain.

Toute la question est de savoir si la Covid-19 marque seulement un coup d’arrêt momentané, de quelques années, à la croissance de l’économie mondiale ou un changement plus profond. Est-ce que les bouleversements en matière de transports (aérien, maritime et routier), le recul de la mondialisation et les efforts accrus entrepris dans les plans de relance économiques pour mener la transition énergétique et réduire la consommation d’énergies fossiles vont s’inscrire dans la durée?

Menace sur la croissance économique

Jusqu’à présent, la Russie, qui produit moins de 1% de son électricité avec des sources d’énergie renouvelable, n’a pas pris le chemin de la transition et continue à investir dans l’exploration pétrolière, notamment dans l’Arctique. Comme l’indique à l’agence Bloomberg Natalia Orlova, économiste en chef de la Alfa-Bank à Moscou «l’économie russe n’est clairement pas prête à tourner le dos aux hydrocarbures. Le gouvernement comme les milieux d’affaires n’ont pas aujourd’hui une compréhension claire de la stratégie à adopter si la Russie doit s’éloigner du pétrole». Mais ils n’auront peut-être pas vraiment le choix.

Les analystes du Centre Skolkovo sur l’énergie de Moscou ont mis en garde au mois de mai en estimant que la croissance de l’économie russe serait limitée à 0,8% par an au cours des vingt prochaines années si le pays ne s’adapte pas au long déclin prévisible des hydrocarbures.

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La rédaction

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