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Pour RTE, l’hiver énergétique sera un long fleuve tranquille


Les années se suivent et ne se ressemblent pas. L’an dernier à l’approche de l’hiver, le gouvernement et ses ministres en cols roulés et RTE, le gestionnaire du réseau électrique, avaient presque traumatisé les Français en annonçant des risques sérieux de pénurie d’électricité. Finalement, la crainte de délestages et l’envolée des prix avaient fait fortement baisser la consommation d’électricité comme de gaz et un hiver clément avait fait le reste. La catastrophe ne s’était pas produite. Cette année, RTE se veut cette fois particulièrement confiant. EDF a réglé une partie des problèmes de disponibilité de son parc nucléaire, les barrages et les stocks de gaz sont pleins et la consommation d’énergie du pays n’est pas repartie à la hausse. Il n’y a donc rien à craindre… A moins que l’hiver soit rigoureux et que compte tenu du laxisme et des négligences des deux dernières décennies y compris de RTE, les capacités de production soient nettement insuffisantes face à un pic de consommation prolongé. Ce qui reste possible.

RTE, le gestionnaire du réseau électrique, s’est livré le 8 novembre à un exercice d’autosatisfaction nous annonçant un hiver tranquille au coin du feu même s’il n’est pour rien dans la restauration des capacités de production d’EDF nucléaires et hydrauliques et dans le fait que les stocks de gaz sont quasiment pleins. On peut ajouter à ce constat, le fait que hausse des prix de l’énergie et désindustrialisation obligent, la consommation d’énergie du pays est en baisse sensible, inférieure de 8% en moyenne par rapport aux années 2014-2019.

RTE estime donc que « le risque pesant sur la sécurité d’approvisionnement apparaît faible pour les prochains mois » dans sa note de Perspectives pour le système électrique pour l’hiver 2023-24. Le risque, jugé bien plus élevé l’an dernier avec la conjonction d’une multitudes de réacteurs nucléaires à l’arrêt qui devaient être réparés dans l’urgence, d’une sécheresse qui avait vidé les barrages et d’un risque aigüe de pénurie de gaz après l’invasion de l’Ukraine, ne s’était finalement pas matérialisé. Tout cela par la grâce à la fois d’un hiver très clément et d’une baisse sensible de la consommation de l’industrie comme des particuliers liée surtout à un effet prix et un peu moins aux appels répétés à la sobriété. Cela n’empêche pas Xavier Piechaczyk, Président du Directoire de RTE, de se féliciter du comportement des Français et de s’en attribuer en partie le mérite : « l’hiver 2022-2023 a montré que la mobilisation des Français, des entreprises, des collectivités et acteurs publics avait un véritable impact sur la consommation d’électricité ».

Mais RTE fait malheureusement, comme souvent, trop de communication et passe d’une extrême à l’autre. L’an dernier, nous courions à la catastrophe et cette année sera un long fleuve tranquille. Sauf, si… par un malheureux concours de circonstances les capacités de production du pays, qui par négligence et laxisme y compris de RTE, n’ont pas été adaptées depuis de nombreuses années à ses besoins, ne permettent pas de couvrir un pic de consommation prolongé et nos voisins ne peuvent plus nous exporter la différence. La France devrait pouvoir mobiliser à la fin de l’année 74 GW pour passer les pointes de consommation contre 66 GW en janvier 2023. C’est une amélioration indéniable, mais toujours insuffisante face aux besoins les soirs d’hiver quand il fait très froid et que la consommation de pointe peut alors osciller entre 80 et 90 GW! Il va donc falloir espérer que l’hiver soit doux et les Français toujours aussi « mobilisés » pour diminuer leur consommation d’électricité.

Des prix de l’électricité en baisse

Pour autant, classé sur une échelle de 1 à 5, le risque d’un déséquilibre offre-demande est considéré comme « très faible » en novembre (niveau 1) et « faible » (niveau 2) pour les mois suivants. C’est d’ailleurs le reflet des anticipations du marché de gros de l’électricité avec des prix spot de 80 euros le mégawattheure (MWh) le mois dernier à comparer à 225 euros un an auparavant en octobre 2022. « Les perspectives sont beaucoup plus favorables que l’an passé », souligne la note, même si « la disponibilité hivernale du parc nucléaire reste plus faible que dans les années 2010».

Placée dans une situation inédite notamment par les problèmes de retards de maintenance et de corrosion sous contrainte de circuits de refroidissement découverte sur plusieurs réacteurs nucléaires, la France avait dû importer de l’électricité en 2022, ce qui ne lui était plus arrivé depuis 42 ans. Depuis le début de l’année et la remise en service finalement plus rapide que prévue d’une partie des réacteurs, elle est redevenue exportatrice de courant.

Pas de délestages

Aujourd’hui, une grande partie du parc des 56 réacteurs nucléaires est opérationnelle et réparée, les barrages sont pleins et de nouvelles capacités de production d’électricité éolienne et solaire ont été installées, même si en général elles sont peu utiles pendant les pics de demande hivernaux. Par définition, l’ensoleillement est limité et dans les périodes de grand froid la présence d’un anticyclone sur l’Europe fait que les vents sont faibles.

« Une proportion notable du parc nucléaire a pu être contrôlée et réparée au cours de l’année », les stocks hydrauliques et gaziers sont « élevés pour la saison » et « les énergies renouvelables ont continué à se développer », écrit RTE. De ce fait, le risque de délestages envisagés à l’hiver 2022-23 est « très faible ».

« La disponibilité du parc nucléaire pourrait atteindre un maximum de 50 GW en janvier 2024 (soit 6 GW de plus qu’en janvier 2023). Les perspectives de production nucléaire sont comprises entre 300 et 330 TWh en 2023, contre 279 TWh en 2022Malgré une sécheresse qui a touché la France début 2023, le niveau de remplissage des stocks hydrauliques se situe aujourd’hui au-dessus des moyennes historiques… Enfin, les deux dernières centrales au charbon (Cordemais et Saint-Avold) seront disponibles cet hiver ».

Ecowatt se met à l’écologie

« Le recours aux moyens de sauvegarde ne se matérialiserait que dans des scénarios très dégradés combinant plusieurs aléas défavorables : reprise rapide de la consommation, retards sur les retours d’arrêts des centrales nucléaires, vague de froid sévère ou limitations fortes des imports », précise RTE.

Le fameux système d’alerte Ecowatt, destiné à prévenir les usagers d’un risque de tension sur le réseau et à appeler à décaler leur consommation, ne devrait donc pas servir. Le signal devrait rester vert tout l’hiver. L’application, téléchargée plus de 3 millions de fois, propose en cette fin d’année 2023 une fonctionnalité supplémentaire qui se veut écologique. Elle indique à quelles heures de la journée la consommation électrique est susceptible d’être couverte par la production combinée du parc nucléaire, hydraulique, éolien et solaire, et peut donc être considérée comme décarbonée. « Cette capacité collective à agir, constatée l’hiver dernier, peut donc désormais être mise au service du climat », se félicite encore Xavier Piechaczyk.

La rédaction