Transitions & Energies
Investissement Vert

Relance, saupoudrage et recyclage


Le plan de relance de 100 milliards d’euros de l’économie française consacre 30 milliards à la transition écologique. Mais, une fois encore, ce qui frappe est l’incapacité des pouvoirs publics à établir des priorités, à définir des stratégies technologiques et économiques et à concentrer les moyens sur des filières, des secteurs. Le saupoudrage est la règle.

Dans le plan de relance de 100 milliards d’euros de l’économie française, présenté par le gouvernement jeudi 3 septembre, la transition écologique est une priorité. Elle bénéficie de 30 milliards, un doublement des crédits qui y sont consacrés. Ils s’étaleront sur deux ans, tout au long de l’année 2021 et 2022, et les premiers financements devront être disponibles, en théorie, à partir du 1er janvier prochain.

Dans le détail de ce plan «d’une ambition et d’une ampleur historiques», selon le Premier ministre Jean Castex, les transports bénéficient de 11 milliards. Dont 40% pour le ferroviaire (5 milliards), 20% pour l’avion vert, 15% pour la poursuite de la conversion du parc automobile vers des véhicules moins polluants, un peu plus de 10% sur les mobilités du quotidien (vélos, transports collectifs…) et 10% pour les infrastructures.

9 milliards pour l’énergie

L’énergie obtient 9 milliards. Mais il faut en soustraire 2 milliards soumis à «éco-condition» et déjà versés aux secteurs automobile et aéronautique soutenus en urgence. Sur les 7 milliards restant, 2 milliards iront à la création d’une filière de production et distribution d’hydrogène vert, produit par électrolyse, et le reste à l’innovation et à la R&D. Symboliquement le nucléaire n’est pas oublié et reçoit 470 millions, mais seulement pour des investissements destinés à sécuriser cette énergie (stockage des déchets). Il est bien prévu au total 7 milliards pour l’hydrogène jusqu’en 2030, mais 5 milliards ne sont pas aujourd’hui financés et sont donc une possibilité.

La rénovation énergétique des bâtiments est dotée de 7 milliards avec 4 milliards pour les bâtiments publics (écoles, universités, administrations…) et 2 autres milliards pour les logements en 2021 et 2022. L’exécutif entend faire de «MaPrimeRénov» son principal outil pour accélérer les rénovations énergétiques. Lancée cette année, cette nouvelle aide, dont la facilité d’utilisation n’est pas la principale vertu, s’adressait aux ménages aux revenus modestes. Elle sera étendue à tous les Français à partir du 1er janvier 2021. Mais le montant des forfaits alloués pour chaque type de travaux restera lié aux niveaux de revenus des bénéficiaires. Les ménages modestes continueront à être favorisés et le calcul des aides s’annonce compliqué.

Pour parvenir à un total de 30 milliards, il faut enfin ajouter à l’enveloppe transition des crédits attribués à l’agriculture et l’alimentation.

Pas de priorités, pas de stratégies

S’il faut saluer l’effort consenti, ce qui apparait une fois encore est l’incapacité des pouvoirs publics à établir des priorités, à définir des stratégies technologiques et économiques et à concentrer les moyens sur des filières, des secteurs. Il s’agit donc d’un alignement de vieilles formules, ayant pour la plupart échoué, et dont on espère que les milliards mis sur la table changeront cette fois la donne. Le fret ferroviaire ou la rénovation thermique des bâtiments ne sont pas des choix contestables. Ils s’agit bien de deux domaines essentiels de la transition, le transport et la chaleur, avec l’ambition de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Le  problème est que dans ces deux domaines et jusqu’à aujourd’hui, les pouvoirs publics ont toujours échoué. Les grands plans de relance du fret ferroviaire se sont succédés depuis des décennies sans succès, faute notamment d’une offre adaptée à la demande de transports. Comme si l’Etat ne comprenait pas le marché. Résultat, la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises ne cesse de reculer en France.

Le constat est similaire pour la rénovation thermique des bâtiments. Jusqu’à aujourd’hui les résultats n’ont jamais été à la hauteur des ambitions affichées, que ce soit en nombre de rénovations et plus grave encore en efficacité de celles-ci. Selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), seulement 25% des rénovations énergétiques de logements réalisées entre 2014 et 2016 ont permis d’améliorer d’une classe le diagnostic de performance énergétique et 5% de gagner deux classes. La Loi Énergie Climat de 2015 prévoyait bien d’atteindre les 500.000 rénovations par an. On est à peine à 25.000 rénovations de bâtiments basse consommation par an…  Et concernant les fameuses «passoires thermique», l’objectif des 100.000 par an n’est pas non plus atteint. La réalité serait plutôt à 40.000.

Il faudra que l’utilisation des deux milliards annoncés sur deux ans pour la rénovation des logements dans le plan de relance soit d’une toute autre efficacité.

Les limites de l’étatisme

Le paradoxe de la crise sanitaire est qu’elle aura démontré les errements, l’inefficacité et parfois l’irresponsabilité de la gestion publique. Mais la réponse à cette situation consiste à ajouter encore plus d’étatisme… L’Etat, qui est le problème, va le régler, notamment grâce à une escouade de tout nouveaux sous-préfets dédiés à la relance.

La résurrection d’un Commissariat au plan est à cet égard encore plus extraordinaire. On peut parler de réaction au sens premier du terme, de retour en arrière. La résurgence des Trente Glorieuses, de la reconstruction du pays, de la période gaullienne et de la toute puissance du modèle soviétique. Pour nos gouvernants, l’État qui n’a cessé d’étendre son emprise dans de nouveaux domaines, qui répartit une part toujours plus grande de la richesse nationale et qui accumule depuis deux décennies les déficits et les échecs économiques, détiendrait les clés du redressement. Comme s’il était encore nécessaire de démontrer que le fonctionnement d’une économie moderne et de son extraordinaire complexité ne se décrète pas par une bureaucratie et une armée de technocrates.

Sans surprise, le Commissariat au plan sera irresponsable. Il sera relié directement à l’Élysée et ne rendra de comptes en fait à personne. On peut prendre le pari que jamais ses choix ne seront évalués. Plus grave encore, il n’a pas vraiment d’objectifs précis, de secteurs bien définis à promouvoir, à développer, de technologies à mettre en œuvre. Toujours la même incapacité à définir des stratégies.

La rédaction