Transitions & Energies
Fils de cuivre Wikimedia Commons

Une pénurie de cuivre semble inéluctable


Le monde risque de ne pas pouvoir échapper au cours des prochaines années à des pénuries de cuivre, un métal indispensable à la plupart des technologies de la transition énergétique : éoliennes, panneaux solaires, batteries, véhicules électriques, réseaux électriques… Non seulement les investissements dans de nouvelles mines sont totalement insuffisants pour faire face aux besoins à moyen et long terme, mais en outre des capacités de production existantes sont en train d’être fermées aujourd’hui.

Le monde fonce tout droit vers une pénurie de cuivre. Ce qui ne sera pas sans conséquences sur la transition énergétique et plus particulièrement les technologies qui lui sont indispensables : éoliennes, panneaux solaires, batteries, véhicules électriques, réseaux électriques…

Global, un cabinet de conseils financiers, estime que la demande annuelle de cuivre raffiné va presque doubler d’ici 2035, pour atteindre 49 millions de tonnes. Les batteries, les réseaux électriques, les cellules photovoltaïques, les transports, utilisent tous des quantités importantes de ce métal. Selon la Copper Development Association, la fabrication d’un véhicule électrique à batteries nécessite environ 80 kilos de cuivre contre 18 kilos pour un véhicule à motorisation thermique.

Fermetures de mines

Le paradoxe est que le cuivre est devenu un enjeu stratégique au moment même où les perspectives ne cessent de se dégrader pour la production de cuivre à court comme à long terme. Dans l’immédiat, le gouvernement du Panama vient ainsi de fermer la mine de Cobre Panama de First Quantum Minerals. D’une valeur de 10 milliards de dollars, elle produit 400.000 tonnes de cuivre par an et est considérée comme l’un des plus grands gisements au monde. Cette décision a été prise à la suite de protestations et de conflits politiques qui ont abouti à l’annulation de la licence d’exploitation de la mine par la Cour suprême du pays. Cobre Panama devrait rester fermé au moins jusqu’aux prochaines élections au Panama en mai 2024.

Un autre producteur important, Anglo American, vient de revoir à la baisse ses prévisions de production de cuivre en Amérique du Sud pour les deux prochaines années. Anglo American a réduit de 200.000 tonnes son objectif de production pour 2024. Et les capacités baisseront jusqu’en 2025. Cela équivaut à la mise hors service d’une grande mine. Et ce n’est pas tout, le brésilien Vale et l’australien Rio Tinto ont également mis en garde contre une baisse de leur production.

Les perspectives de production pour 2024 ont, au total, été amputées de 750.000 tonnes, près de 3% de l’offre. Tandis que les observateurs tablaient sur un excédent de cuivre sur le marché, ils anticipent désormais un déficit non négligeable et au mieux, si la conjoncture reste médiocre, un équilibre fragile. En conséquence, les cours pourraient flamber et passer de moins de 8.400 dollars la tonne à 10.000 dollars d’ici la fin de l’année selon la banque Goldman Sachs. Pour l’agence Bloomberg, « c’est un avertissement majeur pour l’avenir : le cuivre est un métal essentiel nécessaire pour décarboner l’économie mondiale… ». Le problème est que dans les faits, cette industrie est à l’arrêt depuis de nombreuses années…

Il faut 17 ans en moyenne pour ouvrir une mine

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) souligne la nécessité d’ouvrir 80 mines de cuivre en plus des quelque 250 existantes pour assurer les besoins liés à la transition énergétique. Cela semble aujourd’hui impossible. La filière n’investit presque plus depuis plusieurs années. Seuls 12 des 228 gisements identifiés au cours des trente dernières années l’ont été lors  de la dernière décennie! Moins d’une dizaine de projets sont aujourd’hui à l’étude et rien ne garantit en plus qu’ils verront le jour. La plupart de ses projets miniers sont aujourd’hui bloqués par les gouvernements pour des raisons environnementales, sociales et politiques. Aux Etats-Unis, Il y a un an, l’administration Biden a interdit le projet minier de Pebble en Alaska pour protéger la baie de Bristol riche en saumons.

Les risques financiers sont ainsi devenus bien trop grands. Un projet minier met de nombreuses années avant de se concrétiser. Comme pour tous les équipements industriels lourds, on est dans le temps long ce que ne comprennent ni les politiques, ni les médias, ni les multiples experts de la transition énergétique qui travaillent sur des modèles théoriques. Il faut en moyenne 17 ans pour ouvrir une nouvelle mine dans le monde !

Il faudrait investir plus de 23 milliards de dollars par an

Et évidemment les contraintes financières actuelles compliquent encore les choses. Les politiques monétaires restrictives mises en place par les principales banques centrales rendent encore plus aléatoire la rentabilité les investissements. Les compagnies minières ne sont plus prêtes à investir sans avoir une perspective solide de rentabilité. Ce que les cours du cuivre ne permettent pas aujourd’hui d’espérer. Lors de la conférence de la LME Week (London Metal Exchange) à la fin de l’année dernière, plusieurs groupes miniers ont indiqué qu’ils n’étudieraient pas le moindre projet avant que les cours du cuivre dépassent 9.500 dollars la tonne. Ils étaient le 4 janvier à 8.381 dollars la tonne.

Une étude publiée il y a un an par le cabinet de conseil Wood Mackenzie montre que pour satisfaire d’ici 2050 les besoins en cuivre permettant d’atteindre les objectifs de diminution drastique des émissions de gaz à effet, l’industrie du cuivre doit totalement changer de dimension. On ne voit pas aujourd’hui comment cela peut se faire.

« L’industrie minière doit réaliser de nouveaux projets miniers à une fréquence et à un niveau constant de financement jamais atteints auparavant » explique Nick Pickens, directeur de recherche de Wood Mackenzie. Au cours des 30 prochaines années, il faudra que l’industrie du cuivre investisse plus de 23 milliards de dollars par an dans de nouvelles mines, 64% de plus que les dépenses annuelles moyennes des 30 dernières années. Et cela compte tenu déjà d’une accélération importante du recyclage du cuivre par l’industrie.

La rédaction