Transitions & Energies
Parc éolien

«On n’a pas besoin d’éoliennes pour avoir de l’électricité décarbonée»


Un entretien avec Patrice Cahart, 
écrivain, ancien haut fonctionnaire, inspecteur général des finances. Il est l’auteur de La Peste éolienne, livre publié aux Éditions Hugo. Article paru dans le numéro 9 du magazine Transitions & Energies.

Patrice Cahart
Patrice Cahart

T&E : Comment expliquez-vous que la France ait fait le choix d’investir massivement dans l’énergie éolienne?

P.C. : Nous sommes face à une tendance qui va bien au-delà de l’éolien. On peut parler de religion de substitution. La religion de la planète, de la nature. Après tout, je ne suis pas contre. Mais là où je suis contre, c’est quand on essaye de raccrocher l’éolien à cela. Or dans le cas de la France, l’éolien ne peut strictement rien pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Il existe une illusion, une fausse croyance, notamment dans la jeunesse, que l’éolien est nécessaire pour sauver la planète. Et les pouvoirs publics se sont bien gardés de la balayer. Il y a une certaine lâcheté des politiques et bien sûr des calculs électoraux. Il faut aussi prendre en compte la puissance du groupe de pression qui a beaucoup de moyens. Ils ont en quelque sorte débauché Jean-Louis Bal, ancien président de l’Ademe, agence publique, et qui maintenant dirige le Syndi- cat des énergies renouvelables, ce qui juridiquement n’est pas contestable mais est moralement surprenant.

Vous considérez que non seulement l’éolien n’apporte rien à la transition mais qu’il s’agit d’un gigantesque gaspillage d’argent public?

Compte tenu de mon passé d’inspecteur des Finances, j’ai été dressé à dénoncer les gaspillages. L’idée selon laquelle l’éolien va devenir compétitif est fausse. Les 50 euros du MWh d’éolien terrestre annoncés aujourd’hui concernent une mi- norité de cas présentés sous forme d’appels d’offres. La majo- rité des projets échappent aux appels d’offre puisqu’ils concernent des parcs de moins de sept éoliennes. On leur donne, y compris la prime de gestion, de 74 à 80 euros le MWh. Depuis long- temps, le ministère de la Transition éco- logique dit qu’il est prêt à généraliser les appels d’offres, mais cela ne se fait pas. Et dans la pratique quand on regarde ce que l’état paye aux installations déjà en place, c’est 91 euros le MWh. Plus de la moitié du chiffre d’affaires des exploitants éoliens est payé par le contribuable!

Pour essayer de faire oublier le niveau scandaleux des prix de l’éolien marin, 155 euros le MWh en baie de Saint-Brieuc, les pouvoirs publics ont monté l’opération de Dunkerque. Ils ont réussi à descendre dans ce projet le prix à 60 euros le MWh. On a tordu le bras d’EDF pour qu’il pré- sente un prix très bas qui puisse servir d’alibi. Le coût marginal du nucléaire en place est de 33 euros le MWh. Donc 60 euros le MWh, ce n’est pas compétitif. Si on se fie à l’exemple américain, nos centrales nucléaires actuelles peu- vent vivre encore quarante ans. Certaines centrales américaines ont été autorisées à fonctionner jusqu’à leur 80ème anniversaire. On peut penser que l’autorité de sûreté nucléaire américaine est sérieuse et que nos centrales qui sont du même type ont quarante ans devant elles. Donc, on n’a pas besoin aujourd’hui et demain d’éoliennes pour avoir de l’électricité décarbonée intermittente à un prix exorbitant.

Faut-il abandonner les éoliennes?

On peut déjà commencer par améliorer les choses. Il faut généraliser les appels d’offres et que les pouvoirs publics choisissent les lieux, pas les promoteurs.

Propos recueillis par E.L.

La rédaction