Transitions & Energies

La nouvelle autorité unique et indépendante de sûreté nucléaire a son futur patron


Pierre-Marie Abadie, aujourd’hui directeur général de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra), a été choisi par le gouvernement pour diriger à partir de janvier 2025 la future nouvelle autorité de sûreté et de contrôle de la filière nucléaire baptisée ASNR (Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection). Elle sera issue de la fusion, controversée, de l’ASN, (Autorité de sûreté nucléaire) et l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire). La première mission de Pierre-Marie Abadie va être de préparer la fusion et de pacifier le petit monde de la sûreté nucléaire en mettant fin aux batailles de chapelles syndicales et idéologiques

La future nouvelle autorité de sûreté et de contrôle de la filière nucléaire commence à prendre forme. Le gouvernement, c’est-à-dire le Président de la République, ont choisi Pierre-Marie Abadie qui est le directeur général depuis 2014 de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) et a le mérite de connaître en profondeur la question nucléaire. M. Abadie aura une double mission, d’abord organiser la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) issue de la fusion mouvementée entre l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire), autorité indépendante créé en 2006 , et l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), établissement public né en 2001. Il prendra la tête de cette nouvelle autorité indépendante à compter de sa création le 1er janvier 2025. Entretemps, il aura succédé à la présidence de l’ASN à Bernard Doroszczuk, dont le mandat, non renouvelable, s’achève le 12 novembre prochain.

Formellement, Emmanuel Macron nommera Pierre-Marie Abadie, sur proposition du Premier ministre. La présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ont été saisis de ce projet de nomination, les commissions intéressées des deux chambres devant se prononcer.

Quand le mieux devient l’ennemi du bien

La création en janvier 2025 de l’ASNR, décidée par l’Elysée, a été approuvée au Parlement début avril, après plus d’un an de contestations, de la part des syndicats et de multiples associations écologistes anti-nucléaires. La loi, vise à « fluidifier » le travail des autorités de sûreté et de contrôle afin, tout en conservant le même niveau d’exigence, l’un des meilleurs au monde, de ne pas alourdir inutilement les processus complexes et coûteux de maintenance et de construction des réacteurs nucléaires.

Dans ce domaine aussi, le mieux devient parfois l’ennemi du bien et parmi les raisons qui expliquent les dérives, le mot est faible, du chantier de l’EPR de Flamanville, la multiplication au fil des années des demandes et exigences des autorités de sûreté parfois contradictoires et parfois à contretemps ont joué un rôle. On a ainsi assisté à des dérives marquées par le fait que les gendarmes qui définissent les règlements, procèdent à leur contrôle selon les modalités qu’ils ont défini, peuvent aussi faire plier le contrôlé en s’appuyant sur les médias et l’opinion publique…

Maintenant, la première tâche de Pierre-Marie Abadie va être de restaurer un peu de sérénité dans le petit monde de la sûreté nucléaire et de mettre fin aux batailles de chapelles syndicales et idéologiques. Notamment, la réorganisation devra être encadrée par un futur règlement intérieur répartissant les missions qui ne sera pas facile à mettre en place.

« Un préfigurateur neutre »

L’intersyndicale CGT-CFDT-CFE CGC de l’IRSN réclamait depuis plusieurs semaines la « nomination rapide » d’un « préfigurateur neutre » pour « arbitrer les désaccords existant sur plusieurs sujets entre l’IRSN et l’ASN ». Les syndicats de l’IRSN insiste notamment sur la nécessité, c’est la raison d’être de leur établissement public, de distinguer les agents chargés d’expertiser les dossiers de ceux qui prennent les décisions de sûreté. Une distinction qui est plus théorique que pratique…

« Lors des travaux législatifs sur le rapprochement de l’ASN et de l’IRSN, je m’étais engagé à ce qu’un préfigurateur soit rapidement nommé. Suite à la promulgation de la loi la semaine passée, c’est maintenant chose faite avec la désignation de Pierre-Marie Abadie », a déclaré le ministre de l’Industrie, Roland Lescure. Par ailleurs, le directeur général de l’IRSN, Jean-Christophe Niel, a salué la nomination à venir de Pierre-Marie Abadie qui « apporte de la visibilité sur la future organisation et la gouvernance de l’ASNR. Cette information était très attendue par les salariés de l’IRSN ».

À la tête de l’Andra, Pierre-Marie Abadie a notamment eu pour mission de porter Cigeo, le projet d’enfouissement profond des déchets les plus radioactifs du parc nucléaire français. Il fait l’objet de tests et recherche dans un laboratoire souterrain à Bure dans la Meuse. La demande formelle d’autorisation de création de Cigeo a été déposée en janvier 2023 auprès de l’ASN, qui doit conduire sur plusieurs années une longue phase d’instruction.

François Jeffroy, représentant CFDT, a exprimé pour l’intersyndicale de l’IRSN, son « incompréhension » devant cet apparent « conflit d’intérêt ». Reste à savoir s’il était préférable de nommer à la tête de l’ASNR une personne étrangère à la filière nucléaire… Avant de diriger l’Andra, Pierre-Marie Abadie a été pendant sept ans directeur de l’énergie à la direction générale de l’Energie et du Climat (DGEC) du ministère de l’Ecologie. Il était à ce titre Commissaire du gouvernement au sein du conseil d’administration de l’Andra et de celui d’EDF.

La rédaction