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Pot d'échappement

Normes antipollution automobile en Europe, huit pays dont la France s’opposent au durcissement


Huit pays européens dont la France s’opposent à la volonté de la Commission européenne d’imposer d’ici 2025 pour les voitures et 2027 pour les camions une nouvelle norme très restrictive de pollution automobile. Ils pourraient être rejoints par plusieurs autres. Non seulement son impact serait limité mais cela contraindrait les constructeurs automobiles à des investissements lourds pour s’y conformer au moment même où ils doivent réaliser des investissements considérables pour passer à l’électrique et survivre à cette mutation forcée. Une fois encore la technocratie bruxelloise irresponsable et emportée par l’idéologie n’apporte aucune considération aux conséquences économiques et sociales des règles qu’elle impose et à leur efficacité réelle.

L’opposition aux contraintes imposées à marches forcées aux constructeurs automobiles et à leurs clients par les technocrates de la Commission européenne continue à grandir. Contrainte de reculer il y a deux mois face à l’Allemagne et plusieurs pays ralliés à sa cause et de revenir sur l’interdiction formelle de vente des véhicules neufs à moteur thermique d’ici 2035, (à condition qu’ils fonctionnent avec des carburants synthétiques décarbonés), cette fois c’est la nouvelle norme de pollution automobile Euro 7 que veut imposer la Commission qui provoque une levée de boucliers.

Il faut dire qu’imposer à l’industrie automobile européenne en grande difficulté et d’ici trois ans une nouvelle norme de pollution automobile très restrictive pour des gains limités au moment même où cette industrie doit investir massivement dans le passage à l’électrique est problématique. Pas pour Bruxelles pour qui les réalités économiques et sociales ont peu de poids face aux postures idéologiques et à la volonté des groupes de pression écologistes de mettre fin à la civilisation de l’automobile.

D’après une étude de l’Association des constructeurs automobiles européens (ACEA), adopter Euro 7  ferait flamber les coûts de production des voitures. Ils seraient même 4 à 10 fois supérieurs à ceux présentés par la Commission. Ainsi, tandis que Bruxelles table sur une augmentation de 180 à 450 euros par voiture produite, l’ACEA chiffre le surcoût à 2.000 euros. Et ce serait 12.000 euros pour les poids lourds et bus, contre 2.800 euros avancés dans les calculs bruxellois.

Des chiffres fantaisistes d’impact sur la pollution atmosphérique

Selon l’exécutif européen, Euro 7 permettrait de réduire de 35% les émissions d’oxydes d’azote (NOx) des voitures particulières et utilitaires légers et de 56% celles des bus et camions d’ici à 2035, par rapport à la norme précédente Euro 6. Concernant les particules fines, la baisse serait de 13% pour les voitures et 39% pour les camions. Des chiffres considérés comme fantaisistes par de nombreux experts. Pour l’ACEA, avec Euro 7  les gains en matières de NOx ne seraient que de 5% par rapport à Euro 6…

C’est la raison pour laquelle huit pays européens dont cette fois la France, qui avait été aux abonnés absents lors de la fronde contre l’interdiction de vente des véhicules thermiques neufs d’ici 2035, ont exprimé leur opposition frontale au durcissement des normes de pollution automobile. Ils jugent qu’elle risque de freiner les indispensables investissements des constructeurs européens dans les véhicules électriques et leurs capacités à survivre face à la redoutable concurrence de Tesla et des constructeurs chinois. La nouvelle norme est ainsi farouchement contestée par l’industrie automobile. La filière emploie directement 13 millions de personnes en Europe.

Présentée à la fin de l’année dernière par la Commission, la nouvelle norme, baptisée Euro 7, doit s’appliquer à tous les véhicules particuliers à partir de juillet 2025 et les camions d’ici juillet 2027 quelles que soient leurs motorisations. Cette norme consiste à réduire la pollution de l’air résultant du transport routier, responsable selon les Verts de 70.000 décès chaque année dans l’UE, un chiffre très contesté. En outre, la nouvelle norme ne s’appliquant qu’à un nombre limité de véhicules thermiques vendus d’ici 2035 aura mécaniquement un impact des plus limités.

Des investissements hors de proportion avec les effets escomptés sur la qualité de l’air

«Nous nous opposons à toute nouvelle règle sur les gaz d’échappement (y compris de nouvelles obligations sur les conditions de tests ou de nouvelles limites d’émissions) pour les voitures et les utilitaires légers», ont écrit dans un document de travail les États opposés à ce texte. «Ces nouvelles règles freineraient les investissements nécessaires de l’industrie dans la transition vers le zéro émission», ajoutent cette coalition qui compte la France, l’Italie, la Bulgarie, la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Roumanie et la Slovaquie. Ils jugent à la fois que les investissements demandés sont hors de proportion avec les effets escomptés sur la qualité de l’air et l’échéance de 2025 trop rapprochée. «Nous avons construit une alliance solide en faveur d’une forme plus raisonnable des normes Euro 7. Je pense que les huit États actuels seront rejoints par d’autres et qu’il y en aura plus de dix », a expliqué le ministre tchèque des Transports, Martin Kupka.

L’Allemagne, de loin la première puissance automobile européenne, n’a pas signé le texte, mais pourrait s’y rallier. Elle s’est inquiétée à plusieurs reprises de l’impact du durcissement des normes pour ses entreprises. Mais le gouvernement de coalition peine à trouver une ligne commune entre sociaux-démocrates, libéraux et Verts.

Le durcissement proposé par la Commission était pourtant jugé insuffisant par les écologistes qui accusent d’ores et déjà les institutions européennes de céder au lobby automobile. Dans les faits, c’est plutôt la Commission qui cède à un lobby vert dont la logique est de mettre fin à la civilisation de l’automobile. Les négociations avec la Commission et le Parlement européen s’annoncent compliquées.

La rédaction