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Mine de lithium Nevada

Le Mexique a nationalisé son lithium


Le lithium va finir par mériter son surnom d’or blanc. Le plus léger métal existant est devenu stratégique. Il est indispensable à la fabrication des batteries des équipements électroniques et surtout des véhicules électriques. Les prix se sont envolés et cela devrait se poursuivre car les ressources ne sont pas à la hauteur des besoins qui vont exploser. Détenir des mines de lithium devient maintenant un enjeu de souveraineté nationale. Pour preuve, le Mexique a décidé d’en interdire l’exploitation sur son sol aux sociétés privées.

S’il existait le moindre doute sur le fait que le lithium est devenu un métal stratégique, ce que vient de faire le Mexique le balaierait. Le gouvernement mexicain a tout simplement décidé d’interdire à toute entreprise privée l’exploitation de ses mines de lithium. Il s’agit d’une ressource «nationalisée» qui fait partie intégrante du «patrimoine» du pays. C’est le sens de la réforme de la loi minière adoptée le mois dernier par les députés de la majorité du président de gauche, Andres Manuel Lopez Obrador. «Je viens de signer un projet de réforme de la loi sur le secteur minier pour que le lithium reste entre les mains de la nation […] Le lithium, que convoitent les multinationales et les gouvernements de pays étrangers, ils ne l’auront pas», avait déclaré le président avant le vote au parlement.

D’importantes réserves dans l’État de Sonora

Le Mexique détient apparemment d’importantes réserves dans l’État de Sonora (nord). Les projets sont pour l’instant en phase exploratoire. Les gouvernements antérieurs avaient accordé huit concessions, qui resteront en vigueur. Elles devraient permettre au pays, quand elles commenceront à être exploitées, de devenir un grand producteur. En 2020, les principaux producteurs dans le monde de lithium étaient l’Australie (40.000 tonnes), le Chili (18.000 tonnes) et la Chine (14.000 tonnes). Le Chili possède de loin les réserves les plus importantes (9,2 millions de tonnes), devant l’Australie (4,7 millions de tonnes), l’Argentine (1,9 million de tonnes et la Chine (1 million de tonnes).

Le marché du lithium est appelé à connaitre un développement spectaculaire.  Le cours de ce métal indispensable à la fabrication des batteries lithium-ion s’est d’ailleurs déjà envolé depuis de nombreux mois. L’Agence internationale de l’énergie évalue la demande mondiale à 242.000 tonnes en 2030, contre 74.000 tonnes en 2020 et 373.000 tonnes en 2040.

Et rien ne garantit, au contraire même, que l’offre soit à même de répondre à la demande. La banque UBS avait réalisé à la fin de l’année 2020 une étude approfondie réservée à ses clients investisseurs institutionnels sur les matières premières des batteries lithium-ion. L’une de ses principales conclusions était qu’il y aura une pénurie de lithium dans le monde d’ici 2025. Car les investissements n’ont pas été à la hauteur des besoins et l’exploitation des mines est à la fois coûteuse et très polluante.

Pour 15 kilos de lithium, il faut traiter 10 tonnes de saumure

Les batteries lithium-ion, dont les inventeurs ont obtenu le prix Nobel, alimentent tous les appareils électroniques et plus encore les véhicules électriques. Pour donner un ordre d’idée, la batterie lithium-ion d’un véhicule électrique contient en moyenne 15 kilos de lithium. Pour les obtenir, il faut traiter 10 tonnes de saumure de lithium…

Il s’agit du métal le plus léger existant sur terre. Le lithium n’est pas un métal rare. Mais son exploitation est difficile. Parce que ce métal est très réactif au contact de l’air, il n’existe que quand il est enfermé et protégé dans une gangue d’autres matériaux. Ainsi, il est enfoui profondément dans la croûte terrestre. Cela signifie que pour l’extraire, il faut des mines importantes dont l’exploitation est coûteuse et qui nécessitent des investissements de long terme pas toujours rentables au cours des dernières années. Maintenant, ils le sont puisque les prix se sont envolés lors des derniers mois, passant de 9.000 dollars la tonne en février 2021 à plus de 60.000 dollars le mois dernier. Et il n’y a aucune raison que cette tendance spéculative s’inverse.

C’est pourquoi les projets miniers se multiplient dans le monde. Au Chili, l’entreprise BYD, basée à Shenzen, a remporté un appel d’offres en janvier sur un gisement  pour un montant de 61 millions d’euros. La compagnie chilienne Servicios y Operaciones Mineras del Norte S.A s’est également vu attribuer un lot pour 60 millions. Chacun d’entre eux est riche d’au moins 80.000 tonnes de métal. En Argentine, le groupe  français Eramet construit une usine dans le désert des hauts plateaux andins, à plus de 3.800 mètres d’altitude. Elle pourrait alimenter 15% des besoins européens en lithium.

Des ressources dans le sous-sol français

Il existe aussi des projets sur le sol européen, mais ils se heurtent la plupart du temps à l’opposition farouche des populations locales, compte tenu notamment de leur impact sur l’environnement. Au Portugal, les réserves sont importantes, notamment dans la province de Tras-os-Montes, littéralement derrière la montagne, la plus isolée et la plus éloignée de Lisbonne. Le pays a même décidé de faire de l’exploitation et du traitement du métal blanc une priorité de son développement économique. Une première mine doit voir le jour, mais les oppositions locales ne veulent pas en entendre parler. En Serbie, Belgrade a du stopper le projet d’exploitation d’une mine de lithium exploitée par Rio Tinto sous la pression des écologistes et de la population.

Des prospections se déroulent également en France. Durant la pandémie, la perturbation des chaînes d’approvisionnement a fait prendre conscience au gouvernement français de la nécessité de réduire la dépendance du pays aux importations de métaux stratégiques. Ainsi, le groupe minier Imerys s’est vu accordé en 2021 une première prolongation jusqu’au 23 mai 2025 du permis exclusif de recherches de lithium et autres métaux stratégiques dans le cadre du «Permis de Beauvoir», dans l’Allier. Il existe aussi des quantités relativement importantes de lithium en Alsace. Elles se trouvent dans les réserves d’eaux chaudes existant le long du fossé rhénan. Pour le récupérer, il faut utiliser les techniques de la géothermie profonde. Plusieurs projets tests d’extraction ont été lancés.

La rédaction