Transitions & Energies
Eolienne marine groupe MingYang DR

L’Europe a un problème de vent


La force des vents a été l’an dernier à son plus bas niveau en Europe depuis 40 ans selon les données du programme Copernicus. Et il semble que cette tendance soit durable ce qui n’est pas sans conséquences sur les capacités de production des éoliennes terrestres comme marines.

Les sources d’énergies renouvelables, à ne pas confondre avec décarbonées car la confusion est souvent entretenue, dépendent par principe des ressources naturelles: le soleil, le vent, l’eau, les marées, la chaleur souterraine… Des ressources dont l’abondance et l’accessibilité ne sont pas constantes ni garanties. Ainsi, l’année 2021 a été la plus faible depuis plus de quarante ans en Europe en terme d’intensité des vents. Et l’année 2022 n’a pas été bien meilleure. Les parcs éoliens en mer du Nord ont connu au cours des premiers mois de l’année une baisse de l’ordre de 30% de leur production. Il en a été de même pendant l’été du fait de longues périodes de régime anticyclonique.

Le doublement de la puissance du vent multiplie par 8 la puissance des éoliennes

C’est ce que montrent les données publiées par Copernicus, le programme de l’Union européenne qui collecte et restitue des informations portant sur l’état de la terre. Le phénomène existe depuis plusieurs années et pourrait se prolonger. Une mauvaise nouvelle pour l’efficacité des éoliennes, terrestres comme marines, qui par nature produisent de l’électricité de façon intermittente et aléatoire. L’Europe compte aujourd’hui 236 GW de capacités éoliennes installées et compte en ajouter 116 GW au cours des quatre prochaines années. Des valeurs théoriques qui dépendent de la vitesse des vents…

Les performances des éoliennes sont très sensibles aux variations de la vitesse du vent. La puissance de sortie d’une turbine d’éolienne augmente au cube de la vitesse du vent. Le doublement de la vitesse multiplie la puissance par 8. D’après Copernicus, une baisse de 10% de la vitesse du vent équivaut à une diminution de 27% de la puissance d’une éolienne.

Cela explique pourquoi une vitesse minimum du vent est nécessaire pour commencer à produire de l’électricité. Les progrès récents ont permis d’abaisser cette vitesse aujourd’hui de 15 à 10 km/h. Les éoliennes fonctionnent donc dans une fenêtre de vitesse de vent comprise entre 10 et 90 km/h. Au-delà, elles doivent s’arrêter car elles risquent l’accident.

Pas un phénomène ponctuel

Les données de Copernicus montrent que sur une bande s’étendant de l’Irlande à la Tchéquie en passant par le Royaume-Uni et l’Allemagne, il y a eu une véritable panne de vent l’an dernier. Non seulement, les vitesses ont baissé mais la fréquence des vents également. Les vitesses ont été jusqu’à 10% inférieures à la moyenne enregistrée sur la période de référence 1991-2020.

La capacité de production éolienne annuelle a été réduite de 13% en Allemagne et au Royaume-Uni, et jusqu’à 15% en Irlande et 16% en République tchèque. L’absence de vent s’est traduite, par exemple, en septembre 2021 au Royaume-Uni, par le fait que les éoliennes n’ont produit que 2% de l’électricité…

Ce manque de vent serait notamment lié à un phénomène baptisé double jet stream. Le vent qui vient de l’Atlantique et traverse l’Europe semble dorénavant se séparer en deux flux. Une partie du vent passe au-dessus, au niveau de la Norvège et dans tout le reste de l’Europe, un régime anticyclonique s’installe alors caractérisé par des vents faibles.

Les pays les plus touchés sont logiquement ceux dont l’électricité provient le plus des éoliennes. C’est le cas du Danemark qui grâce à une situation géographique très favorable produit 44% de son électricité avec du vent et de l’Irlande qui en est à 31%. Parmi les autres pays européens ayant beaucoup misé sur l’éolien, on trouve le Portugal (26%), l’Espagne (24%), l’Allemagne (23%), le Royaume-Uni (22%) et la Suède (19%). La France est un cas particulier avec seulement 8% de son électricité provenant des éoliennes, mais elle le doit à l’importance de son parc nucléaire dont la production électrique n’est pas renouvelable… mais fortement décarbonée.

Malheureusement, il semble que le manque de vent enregistré l’an dernier ne soit pas un phénomène ponctuel. Il pourrait être la conséquence d’évolutions climatiques de longue durée. C’est en tout cas ce que montrent certains modèles. Le Giec souligne dans son dernier rapport «qu’il existe une forte probabilité que les vitesses moyennes du vent diminuent dans les régions méditerranéennes et une probabilité moyenne qu’elles diminuent en Europe du Nord d’ici au milieu du siècle» si le réchauffement global venait à dépasser les 2°C».

 

La rédaction