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Les équations que l’industrie éolienne n’arrive toujours pas à résoudre


Augmenter l’efficacité des parcs éoliens est une nécessité à la fois pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et aussi pour limiter leur emprise au sol ou le long des côtes. La meilleure façon d’y parvenir serait de pouvoir faire, enfin, une avancée majeure dans la compréhension des subtilités de la dynamique des fluides. Cela permettrait de prédire de manière fiable les évolutions atmosphériques et notamment celles du vent et des turbulences qui ont un impact considérable sur l’efficacité des éoliennes. Pour cela, il faut résoudre les équations mathématiques célèbres Navier-Stokes, formulées pour la première fois au XIXe siècle, et qui ne l’ont jamais été…

Vous pouvez gagner un million de dollars en résolvant pour la première fois des équations mathématiques permettant de prédire comment le vent et les turbulences interagissent dans un modèle de dynamique des fluides. Il s’agit d’un prix bien réel, le Millennium Prize offert par le Clay Institute. Il est décerné pour la résolution de sept équations qui ne l’ont jamais été. Il s’agit notamment dans le cas de la dynamique des fluide des équations célèbres de Navier-Stokes, formulées pour la première fois au XIXe siècle. Elles doivent leur nom au physicien français Claude-Louis Navier et au mathématicien irlandais George Gabriel Stokes.

Si le prix est financièrement aussi important, c’est non seulement parce que les mathématiciens n’ont toujours pas réussi à maîtriser la complexité de la dynamique des fluides, mais aussi en raison des implications majeures qu’un tel modèle aurait sur les technologies dépendant des conditions atmosphériques à commencer par l’énergie éolienne. Tandis que de nombreux domaines de la physique apportent des solutions précises, la dynamique des fluides n’est capable aujourd’hui de fournir que des modèles de comportement très approximatifs. Le jour où les équations Navier-Stokes seront résolues, l’énergie éolienne deviendra une science exacte…

Des modèles météorologiques et climatiques très perfectibles

La production d’électricité, qui rappelons-le est un vecteur d’énergie facilitant son utilisation et sa distribution, est avant tout une question d’efficacité. Il faut convertir une quantité donnée d’énergie naturelle disponible en la plus grande quantité possible d’énergie électrique. Les centrales au charbon, au pétrole, au gaz naturel et nucléaire chauffent de l’eau pour fabriquer de la vapeur et faire tourner des turbines. La thermodynamique est bien comprise ce qui permet de prédire et de maximiser de manière fiable l’efficacité des centrales fossiles et nucléaires.

Décrire l’atmosphère demande une physique d’une toute autre complexité. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs les modèles météorologiques et climatiques restent aussi perfectibles. L’atmosphère est une énorme masse de fluides qui interagit avec elle-même mais également le soleil, le sol et l’océan. Les pressions, les densités et les températures varient à tout moment et en tout lieu. Le comportement d’un tel système est décrit par la dynamique des fluides.

Or, l’amélioration de l’efficacité des parcs éoliens est devenue une nécessité. Le scénario de zéro émission nette d’ici à 2050 de gaz à effet de serre tel qu’établit, par exemple, par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) nécessite la production d’environ 7.900 TWh d’électricité d’origine éolienne dans le monde en 2030. Pour cela, il faut augmenter la capacité annuelle moyenne de production d’énergie éolienne de près de 250 GW, c’est-à-dire plus que doubler ce qui est fait aujourd’hui. Un des moyens le plus facile pour le faire consisterait à améliorer significativement l’efficacité de l’énergie éolienne… grâce à une meilleure compréhension de la dynamique des fluides. C’est d’autant plus nécessaire que l’un des problèmes majeurs de l’éolien, parmi d’autres, est son emprise terrestre ce qu’une augmentation de l’efficacité des turbines permettrait de limiter.

Une baisse de production d’électricité allant jusqu’à 30%

A priori, le fonctionnement de l’énergie éolienne ne semble pourtant pas être d’une si grande complexité. Le vent souffle. Il fait tourner via des pales une turbine et un générateur qui produit de l’électricité. De fait, les turbulences perturbent considérablement ce schéma et diminuent fortement la quantité d’électricité produite. Une étude récente publiée dans la revue scientifique Physics montre comment des conditions atmosphériques plus complexes et bien plus réalistes que celles utilisées dans les modèles actuels mal maîtrisés (telles que des vents réduits à haute altitude) se traduit par une baisse de production d’électricité allant jusqu’à plus de 30%.

Les parcs éoliens sont construits en général dans des endroits où il existe des courants de vent réguliers et puissants au-dessus de la surface de la terre. Les pales tournent sous l’effet de l’impact des molécules d’air en mouvement. Mais il ne s’agit là que d’une partie des véritables conditions atmosphériques. Il existe également un gradient de pressions atmosphériques qui varie en fonction de l’altitude, ce qui modifie la vitesse du vent à une altitude donnée. Nous comprenons comment les éoliennes devraient se comporter dans le cadre d’un modèle simplifié de l’atmosphère où les gradients de pressions produisant le flux atmosphérique, le vent, sont les mêmes à toutes les altitudes. La plupart du temps ce n’est pas le cas. Les gradients varient avec l’altitude en fonction du lieu, de l’heure de la journée, des conditions météorologiques, des courants océaniques et de l’époque de l’année. Le jour où nous serons capables de créer des modèles prenant cela en compte de façon réaliste, l’énergie éolienne aura enfin atteint la maturité.

La rédaction