Transitions & Energies

L’efficacité énergétique, presque une formule magique


L’Agence internationale de l’énergie a rendu public un volumineux rapport sur l’efficacité énergétique. Elle a fait de ce thème, moins de consommation d’énergie pour le même service rendu, son nouveau cheval de bataille et réunit à Versailles cette semaine, les 7 et 8 juin, 700 décideurs dont 30 ministres et 50 Pdg, pour faire passer la bonne parole. Les investissements dans ce domaine vont atteindre des niveaux records dans le monde cette année, mais cela reste insuffisant pour que les scénarios de décarbonation accélérée fonctionnent.

C’est la martingale, l’argument de dernier recours pour valider les scénarios les plus optimistes ou les plus invraisemblables de décarbonation accélérée. Quand les modèles ne fonctionnent pas et les hypothèses sont trop éloignées du réel, il suffit d’ajouter une grosse pincée d’efficacité énergétique, c’est-à-dire une baisse de la consommation d’énergie pour le même service rendu, pour que les scénarios redeviennent possibles… un peu par magie.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) n’échappe pas à cette règle. Son rapport publié mercredi 7 juin sur l’efficacité énergétique s’inscrit parfaitement dans cette logique. Il souligne que les investissements mondiaux dans l’efficacité énergétique vont atteindre un niveau record en 2023, à 624 milliards de dollars, mais devront être multipliés par trois si le monde veut respecter la trajectoire de neutralité carbone en 2050.

Une boite à outils de l’AIE pour les dirigeants politiques

En fait, l’AIE, émanation de l’OCDE, a fait de l’efficacité énergétique son nouveau cheval de bataille, les autres, comme l’arrêt de tout investissement dans les énergies fossiles, n’ayant pas vraiment eu d’impact. L’agence a réunit ainsi cette semaine, les 7 et 8 juin, à Versailles, à l’occasion de sa huitième conférence annuelle sur l’efficacité énergétique, 700 décideurs dont plus de 30 ministres, d’Asie, d’Afrique et d’Europe et plus de 50 Pdg pour faire passer la bonne parole. Pour convaincre, elle a même élaboré à l’intention des dirigeants politiques une boite à outils avec des exemples de mesures « faciles » à mettre en œuvre dans des domaines aussi variés que la cuisson des aliments, le chauffage, la climatisation…

Mais il n’est pas sûr que pour accélérer les progrès en matière d’efficacité énergétique ce soit l’information qui manque. Le problème tient plutôt à la capacité économique, technique, sociale et financière à mettre en œuvre les politiques. Rénovation des bâtiments, transports publics, industrie, chaleur, transports aériens, terrestres, maritimes… tous les programmes publics de transition énergétique font de l’efficacité énergétique une priorité. Elle représente ainsi un quart des mesures de l’Inflation Reduction Act de l’administration américaine adopté par le Congrès à l’été dernier. Le Green Transformation Plan du Japon, le REPowerEU de l’Union Européenne, le projet de « conservation de l’énergie » de l’Inde suivent la même logique.

Faire se conformer la réalité à un modèle mathématique

Des normes en matière d’éclairage, de chauffage et de climatisation des bâtiments, de consommation des véhicules existent maintenant dans plus de 100 pays souligne l’AIE. Les ventes de pompes à chaleur ont augmenté de 10% l’an dernier dans le monde et de 40% en Europe. Les ventes de véhicules électriques à batteries ont représenté 14% du total dans le monde en 2022 et devraient atteindre 18% de parts de marché cette année. Selon les calculs de l’AIE, l’efficacité énergétique dans le monde a progressé de 2,2% l’an dernier, quatre fois le taux des deux années précédentes.

Mais cela est loin d’être suffisant. « Depuis un an et la crise mondiale de l’énergie, l’efficacité énergétique fait l’objet de toutes les attentions. Des pays représentant plus de 70 % de la consommation d’énergie dans le monde ont mis en place de nouvelles politiques ou des améliorations de celles existantes », se félicite le directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol. « Maintenant il faut passer à la vitesse supérieure, et multiplier par deux la vitesse à laquelle sont faits les progrès d’ici la fin de la décennie », ajoute-t-il.

Cela revient à augmenter de 4% par an l’efficacité énergétique, sachant que les gains sont évidemment plus faciles dans les premiers temps qu’ensuite. On est en fait une fois encore dans une logique qui est celle des modèles théoriques concoctés par les organisations de toutes sortes dont l’Agence internationale de l’énergie. Obtenir une amélioration de 4% de l’efficacité énergétique par an permet théoriquement de réduire d’un tiers d’ici 2030 la consommation mondiale d’énergie et les émissions de CO2 du secteur, conformément au scénario de neutralité carbone à l’horizon de 2050.

Sauf que la réalité ne se réduit pas à un modèle mathématique. Il faut disposer des technologies permettant de réduire la consommation d’énergie sans trop affecter le niveau de vie des populations. Il faut la volonté politique des gouvernements de l’imposer. Et plus encore, il faut les moyens financiers pour le faire. Selon les propres calculs de l’AIE, pour atteindre les objectifs fixés par l’institution, les investissements dans l’efficacité énergétique devront tripler d’ici 2030, à plus de 1.800 milliards de dollars annuels.

La rédaction