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EDF fait appel à des soudeurs américains et canadiens pour réparer les canalisations des réacteurs nucléaires


L’entreprise publique mobilise des moyens considérables pour pouvoir réparer à temps les canalisations touchées par de la corrosion dite sous contrainte sur ses réacteurs les plus récents. Ils sont affectés du fait de la géométrie particulière des coudes de canalisations qui permettent de refroidir les réacteurs en cas d’accident. La torsion du métal finit par provoquer des microfissures. EDF a même développé une nouvelle technologie à ultrason pour détecter les microfissures et les inspecter sans avoir à découper les canalisations.

Dans sa course contre la montre pour remettre en état les réacteurs nucléaires touchés par le problème de corrosion sous contrainte, EDF fait face à un manque de main d’œuvre qualifiée et notamment de soudeurs de haut niveau. Cela était déjà criant après la découverte, il y a 4 ans, de la mauvaise qualité de soudures essentielles sur le chantier de l’EPR de Flamanville. La nécessité de refaire les soudures en question a retardé la mise en service de l’EPR de deux à trois ans…

Pour faire face à ce problème, EDF vient même de lancer une haute école de soudure dans le Cotentin qui doit former 200 soudeuses et soudeurs très compétents par an. Mais pour relancer dans l’urgence un maximum de réacteurs dans les prochains mois, c’est déjà trop tard. D’autant plus qu’EDF n’arrive pas à tenir le calendrier annoncé. L’entreprise publique espère tout de même avoir 42 réacteurs disponibles au 1er décembre 2022 et 46 au 1er janvier 2023, contre 30 actuellement sur un total de 56. Sur les 26 réacteurs nucléaires à l’arrêt, 15 le sont du fait d’un problème de corrosion sous contrainte soupçonné ou avéré. Et les contrôles vont se poursuivre l’année prochaine.

Sur les treize réacteurs obligatoirement à réparer, six chantiers sont maintenant terminés, cinq sont encore en cours et deux doivent être lancés.

Un problème de géométrie des canalisations

Les 32 réacteurs de 900 MW, les plus anciens du parc, ne sont pas concernés. Les huit réacteurs de 1.300 MW de première génération sont aussi épargnés. En revanche, 16 réacteurs sensibles ou fortement sensibles ont été identifiés. Il s’agit des 4 réacteurs du palier dit N4 de 1.500 MW (comme ceux de Chooz voir la photographie ci-dessus) ainsi que les 12 réacteurs de 1.300 MW, les plus récents. Les réacteurs concernés le sont parce que la géométrie des coudes des canalisations en acier inoxydable permettant de refroidir en urgence le réacteur a été modifiée. Il est apparu que les torsions de métal provoquaient à la longue des microfissures dans des canalisations qui ne sont peu utilisées sauf pour des tests et lors d’opérations de maintenance. Plus précisément, les canalisations en question sont les circuits d’injection de sécurité, qui permettent donc d’envoyer rapidement de grandes quantités d’eau pour refroidir le réacteur en cas d’accident et celui de refroidissement à l’arrêt, utilisé quand la tranche est en maintenance. Ce sont des circuits auxiliaires au circuit primaire qui évacuent la chaleur dégagée dans le coeur du réacteur grâce à une circulation d’eau sous pression.

Deux des cinq sous-traitants d’EDF qui assurent une partie des réparations des microfissures, le français Framatome filiale d’EDF et l’américain Westinghouse, ont fait appel à leurs équipes de soudeurs canadiennes et américaines. Les trois autres entreprises impliquées dans les réparations sont Endel (ex-filiale d’Engie revendue au groupe Altrad), et les français Monteiro et Sigedi. Plus de 300 soudures neuves ont d’ores et déjà été réalisées. Au total, en comptant les renforts nord-américains, quelque 600 personnes sont mobilisées pour effectuer les réparations.

Une nouvelle technologie par ultrasons

Outre les opérateurs, de nombreuses personnes s’attellent à l’ingénierie réglementaire, qui consiste à monter les dossiers réglementaires qui doivent être ensuite validés par EDF et l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) avant de commencer la moindre opération. Une lourdeur administrative qui n’est pas sans conséquences sur la rapidité des réparations, même si des efforts sont faits de tous les côtés pour tenter d’éviter des pénuries d’électricité cet hiver.

EDF, comme toujours, se veut optimiste et entend maintenant automatiser les procédures de contrôle et de réparations après avoir bien identifié l’origine des défaillances. L’entreprise mise sur une technologie avancée d’ultrasons qu’elle a développée. Elle permet de localiser d’éventuels phénomènes de microfissures sans avoir à découper les tuyauteries. Il s’agit d’une performance unique dans le monde dans l’industrie nucléaire et EDF a reçu des offres d’achats de ce procédé. Le groupe dispose aujourd’hui d’une vingtaine d’équipements. Mais ils n’ont toujours pas reçu leur homologation réglementaire pour pleinement les exploiter…

La rédaction