Le Diagnostic de performance énergétique des logements ou DPE est un scandale d’Etat à bas bruit. Son mode de calcul est problématique depuis sa création… en 2006. Il ne permet pas d’évaluer correctement la consommation d’énergie d’un logement et donc l’impact réel des travaux de rénovation et d’isolation. Résultat, des milliards d’euros d’argent public et privé sont gaspillés tous les ans. Une énième révision de la méthode de calcul doit entrer en vigueur le 1er janvier 2026. La précédente révision remontait à l’année 2024 après celle de juillet 2021. Mais les problèmes ont persisté !
Les services du Premier ministre ont annoncé le 9 juillet la mise en place à partir du 1er janvier 2026 d’un nouveau mode de calcul du DPE. « Le coefficient de conversion de l’électricité (coefficient énergie primaire ou CEP) dans le calcul du DPE, actuellement fixé à 2,3, sera abaissé à 1,9 ». En clair, les consommateurs se chauffant à l’électricité seront moins pénalisés des déperditions qui existent entre la centrale où l’électricité est produite (énergie primaire) et l’habitation où elle est consommée (énergie finale). Une situation critiquée de longue date qui revenait à privilégier le chauffage à gaz, au bois et au fioul qui contrairement à l’électricité n’est pas décarboné.
L’électricité décarbonée désavantagée
« Le calcul actuel du DPE présente une limite importante en désavantageant l’électricité – pourtant une énergie bas carbone en France – au profit du gaz ou du fioul. Ce biais contribue à freiner l’électrification des usages, pourtant essentielle à notre stratégie énergétique et climatique, et nuit à la lisibilité des investissements pour les ménages », explique Matignon.
Le communiqué ajoute que cette « évolution permettra de mieux refléter la réalité du mix énergétique français, largement décarboné grâce au nucléaire, et de corriger une inégalité de traitement pénalisant jusqu’ici les logements chauffés à l’électricité ».
L’arrêté doit être signé au début du mois de septembre 2025 à l’issue du gadget habituel, la consultation publique… Mais il entrera en vigueur le 1er janvier 2026, si tout se passe bien. Car il faut s’attendre à de sérieuses complications avec la mise à jour des DPE existantes… Le nouveau mode de calcul aura pour principale conséquence de permettre à 850.000 propriétaires de voir leur logement sortir des catégories classées F ou G par le DPE, celles des « passoires thermiques », comme le sont en tout 5,8 millions d’habitations. Depuis le 1er janvier 2024, les bailleurs ne peuvent plus mettre en location les « passoires thermiques », classées G+ et G. L’interdiction devrait concerner les biens classés F à partir de 2028, et ceux classés E dès 2034.
Transformer les anciens DPE en nouveaux DPE
Ce changement ne devrait pas contraindre les propriétaires à effectuer un nouveau DPE. Heureusement. Une plateforme, mise en place d’ici la fin de l’année, devrait permettre de transformer les anciens DPE en nouveaux DPE. A voir. L’opération sera gratuite et… facile.
Le DPE a été conçu, comme son nom l’indique, afin d’évaluer la consommation d’énergie d’un logement ou d’un bâtiment et donc son impact en terme d’émissions de gaz à effet de serre. Il permet de construire une note allant de A à G, obligatoire pour louer ou vendre un logement. Et la question est loin d’être anecdotique. Les propriétaires bailleurs n’auront plus le droit de louer des logements notés G à partir du 1er janvier 2025, avant les F en 2028 et les E en 2034. Sur les 30 millions de résidences principales que compte la France, 6,3% étaient classées G au 1er janvier 2023, 9,4% F et 21,4% E.
Personne n’est satisfait
La nouvelle réforme du mode de calcul est saluée par Loïc Cantin, le président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), qui considère cependant que le changement de coefficient ne va pas assez loin. Il espérait un abaissement jusqu’à 1,5.
Mathieu Darnaud, président des sénateurs Les Républicains, juge la réforme « largement insuffisante » et demande « une équité entre les Français qui utilisent l’électricité et les autres, qui se chauffent au gaz, au bois ou au fioul par exemple ».
Ruben Arnold, dirigeant de KRNO, start-up d’analyse de la fiabilité des DPE, dénonce pour sa part « une énième réforme mal pensée, mal préparée, et totalement arbitraire ». KRNO estime par que le nombre de 850.000 passoires énergétiques en moins est largement surévalué.
En tout cas, 14% des logements à étiquette F ou G « ne seront plus des passoires, sans même faire des travaux, c’est magnifique », a ironisé auprès de l’AFP David Rodrigues, responsable juridique de l’association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie).
Des gains jamais au rendez-vous
En fait, le mode de calcul du DPE est particulièrement problématique. Il est aléatoire et change en fonction des professionnels qui le réalise, ce qu’ont démontré de nombreuses enquêtes réalisée notamment par l’association UFC-Que Choisir, mais il est aussi souvent faux… A en croire une note du Conseil d’analyse économique (CAE) de 2024, un organisme rattaché au cabinet du Premier ministre, tout est à refaire. La réalité des « passoires thermiques » et les gains possibles après des travaux d’isolation sont totalement surévalués.
Du coup, les travaux de rénovation et d’isolation ne permettent presque jamais les baisses de consommation attendues. Selon le CAE, entre un logement classé A ou B –les meilleures notes- et une passoire thermique classée G, la hausse réelle de consommation s’élève à 86% (110% en logement collectif et 27% en individuel). Cela n’a rien à voir avec les 560% calculés théoriquement par le DPE !