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Logement: le mode de calcul du DPE va encore être réformé


Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant des logements, l’Etat a instauré des contraintes réglementaires de plus en plus lourdes construites exclusivement à partir du diagnostic de performance énergétique (DPE)… qui est tout sauf fiable. Il donne non seulement des résultats aléatoires selon les professionnels mais en plus systématiquement faux ! Le modèle théorique utilisé ne correspond en rien à la réalité. Il va être donc à nouveau réformé dans les prochaines semaines, à la mi-février, après l’avoir déjà été en 2021. Il s’agit, enfin, de le « fiabiliser » selon Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique. Mais quelle sera alors la validité des diagnostics existants ? Le marché du logement risque de sombrer dans le chaos.

C’est au choix un gag permanent ou un cauchemar. Le diagnostic de performance énergétique ou DPE, obligatoire en cas de vente et de location d’un logement et mesure essentielle à la rénovation énergétique, va encore être réformé. Il faut dire qu’il est d’une fiabilité catastrophique. Son mode de calcul a bien été revu en juillet 2021 et cela n’a rien changé. Non seulement, les mesures sont aléatoires selon les professionnels qui les font, mais les modes de calcul sont plus que problématiques. Créé en 2006, il doit permettre d’évaluer la consommation d’énergie d’un logement ou d’un bâtiment et donc son impact en terme d’émissions de gaz à effet de serre. Il est obligatoire pour louer ou vendre un logement. Et cela fait des années que le ministère du Logement promet de le fiabiliser… En vain.

Il donne non seulement des résultats aléatoires, mais faux car le modèle théorique utilisé ne correspond en rien à la réalité. Le DPE est ainsi dénoncé depuis des années par l’association UFC-Que Choisir dans une succession d’enquêtes et vient d’être définitivement démoli par un rapport publié le mois dernier par le Conseil d’analyse économique (CAE), un organisme rattaché au cabinet du Premier ministre. Selon le CAE, entre un logement classé A ou B –les meilleures notes- et une passoire thermique classée G, la hausse réelle de consommation s’élève à 86% (110% en logement collectif et 27% en individuel). Cela n’a rien à voir avec les 560% calculés théoriquement par le DPE !

Une énième réforme à la mi-février

Le DPE reflète une consommation théorique d’énergie construite à partir d’un modèle hors sol. Il est construit sur un calcul technique qui vise à estimer la consommation d’énergie nécessaire à un logement pour assurer une température de 19 °C en hiver. Mais il ne prend pas en compte le fait que les ménages limitent leur chauffage et donc leurs dépenses lorsqu’ils habitent dans un logement mal isolé. En outre, le mode de calcul biaise les notes des appartements de petite surface par rapport aux autres types de logements. Il sera donc réformé à nouveau à la « mi-février » a annoncé le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, mercredi 31 janvier, à l’occasion d’une cérémonie de vœux. Le ministre a invoqué la nécessité de le « fiabiliser ».

Le marché du logement qui se trouve déjà dans une situation très difficile n’avait pas vraiment besoin de cela. Car va poser la question de la validité des DPE actuels. Seront-ils encore valides ? La question est loin d’être anecdotique. Les propriétaires bailleurs n’auront plus le droit de louer des logements notés G, 7% du parc, à partir du 1er janvier 2025… Et depuis le 1er janvier 2023, les logements les plus énergivores (classés G +), qui affichent une consommation supérieure à 450 kilowattheures par an au mètre carré, sont déjà interdits à la location.

Le risque du chaos

« Nous acterons des mesures de flexibilité, qui permettront aux propriétaires et aux locataires d’aborder la date du 1er janvier 2025 avec confiance », a affirmé Christophe Béchu, sans vraiment expliquer ce qu’il entend par « mesures de flexibilité ». Loïc Cantin, le président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), est inquiet. « Les propriétaires qui avaient réalisé un DPE ces deux dernières années pourraient peut-être bien devoir le refaire ». Le marché du logement pourrait sombrer dans le chaos.

En fait, toute la politique publique de rénovation énergétique des bâtiments est une série ininterrompue depuis de nombreuses années d’échecs, de dysfonctionnements, de réformes inachevées, d’effets d’annonce… Et pourtant avec pas moins de 44% de la consommation finale d’énergie et 27% des émissions de gaz à effet de serre du pays, le secteur du bâtiment (résidentiel et non résidentiel) devrait être une priorité absolue de la transition.

La rédaction